En complément des projets financés par les banques multilatérales et par ses ressources propres, le gouvernement du Président Mauricio Macri comptait sur les schémas PPP pour relancer les investissements dans les infrastructures. Cependant, l’augmentation du risque pays lié à la crise économique et financière que traverse actuellement l’Argentine complique l’accès aux financements pour les entreprises. Dans les prochaines semaines, le gouvernement devra s’attacher à assurer le bon déroulé des six premiers contrats PPP signés dans le domaine routier. Le projet de fret ferroviaire Norpatagonico destiné à baisser les coûts logistiques de l’exploitation des ressources non conventionnelles d’hydrocarbures à Vaca Muerta semble pouvoir être lancé à moyen terme. Le lancement des autres lots de PPP routiers pourrait également intervenir au début 2019 si le risque pays baisse suffisamment. Le tunnel RER, projet emblématique du Président Macri d’interconnexion des lignes de banlieues de Buenos Aires, semble en revanche beaucoup plus incertain. Dans les autres secteurs, le gouvernement souhaite lancer l’appel d’offres portant sur les lignes électriques avant fin 2018. Les autres projets en PPP (eau, prisons, hôpitaux, valorisation énergétique des déchets) ne devraient pas aboutir avant les élections présidentielles de fin 2019.

 1. Les six premiers contrats de PPP routiers ont été signés, mais sont confrontés à la crise économique et aux révélations des affaires de corruption

Premier test pour la loi PPP promulguée en novembre 2016, l’appel d’offres pour les six premiers lots a vu la participation de dix consortiums. Les offres retenues représentent un total de 5,4 Mds USD de travaux (contre 6,0 Mds USD budgétés). Les routes ont été transférées aux consortiums au 1er août et il est prévu que les travaux débutent au 1er novembre 2018. Les consortiums sont toutefois confrontés aux renchérissements des coûts de financement en raison de la crise économique et plusieurs entreprises sont citées dans les révélations des affaires de corruption liées aux gouvernements précédents. Le bouclage financier des projets est ainsi devenu problématique, obligeant le gouvernement argentin à épauler les consortiums.

 

Figure 1 : offres remises pour les six premiers lots de PPP routiers

offres PPP routiers

 

2. Une fiducie est en cours de structuration pour faciliter l’accès aux financements de court terme

Afin de faciliter l’accès au crédit de court terme aux consortiums et prémunir les banques des risques d’intégrité et réputation, le gouvernement travaille avec plusieurs banques étrangères sur un système de fiducie.

  • Les entités financières prêteraient ainsi à la fiducie et non directement aux consortiums ;
  • La fiducie bénéficierait d’une garantie sous forme de bons du Trésor et des diverses garanties que doivent apporter les consortiums, dont la garantie des « services principaux » (conservée jusqu’à la fin du contrat) et la garantie des « ouvrages principaux » (sorte de garantie de parfait achèvement des travaux et conservée jusqu’à 2 ans après l’achèvement des travaux) équivalentes chacune à 3% des titres de paiement des investissements (TPI) demandés par les consortiums dans leurs offres.

Cette fiducie pourrait héberger jusqu’à 1,3 Mds USD si les six consortiums titulaires des marchés souhaitent faire appel à ce système pour leurs besoins de financement à court terme. Parallèlement, le gouvernement devrait réviser les conditions de participation aux prochains appels d’offres en PPP en étant plus restrictif sur le volet de l’intégrité.

 

3. Le lancement des prochains PPP routiers est conditionné à l’amélioration du risque pays

Les étapes 2 et 3 des PPP routiers comprendraient respectivement 6 lots pour un total de 3,4 Mds USD de travaux et 4 lots pour un total de 1,8 Mds USD. Si les conditions d’accès aux financements s’améliorent suffisamment, ils pourraient être lancés début 2019.

  • La construction du second pont Chaco-Corrientes serait comprise dans la seconde phase pour un investissement estimé à 909 M USD. Le lot comprendrait également la gestion et la maintenance du pont existant, ainsi que le réseau routier et autoroutier adjacent (268 km au total).
  • Le pont Santa Fe-Parana, 600 M USD pour un total de 29 km, ferait partie de la troisième étape.

 

Figure 2 : caractéristiques des PPP routiers

PPP routiers

 

4. Parmi les projets ferroviaires prévus en PPP, seul le projet de fret Norpatagonico semble pouvoir être lancé avant les élections

(i)        Le projet vise essentiellement à transporter du sable et les équipements nécessaires pour l’exploitation des réserves non conventionnelles d’hydrocarbures de Vaca Muerta. La demande est estimée à 4 Mt/an en 2030, essentiellement dans le sens Bahia Blanca vers Vaca Muerta. Le projet comprend la construction de 90 km de voies nouvelles (écartement 1,676 m), la reconstruction intégrale de 189 km et l’amélioration de 384 km. L’investissement nécessaire est estimé à 780 M USD pour un contrat d’une durée totale de 15 ans, dont un an pour effectuer les études détaillées et trois ans de travaux. Le nouveau calendrier du projet prévoit un lancement de l’appel d’offres au premier semestre 2019 pour une attribution en juin 2019 et une signature du contrat en juillet.


Figure 3 : tracé de la ligne de fret Norpatagonico

tracé de la ligne Norpatagonica

 

(ii)       Contrairement aux PPP routiers, le financement serait largement indépendant du budget de l’Etat argentin. Les « titres de paiement des investissements » (TPI) viseront à rémunérer la réalisation des travaux et les « titres de paiement pour disponibilité » (TPD) rémunèreront l’exploitation et la maintenance. Une fiducie sera créée pour assurer les émissions et les paiements des TPI et TPD. Elle serait abondée par :

  • les redevances minières (dites « regalias ») prélevées par la province de Neuquèn ;
  • un péage payé par les opérateurs ferroviaires ;
  • des contrats « take or pay » signés par les chargeurs ;
  • une contribution si nécessaire du ministère des Transports.

 
Figure 4 : Schéma prévu du financement de la ligne de fret Norpatagonico

financement de la ligne de fret Norpatagonico

5. A moyen et long terme, d’autres projets de fret ferroviaire pourraient être lancés

En raison d’un sous-investissement chronique, le fret ferroviaire argentin connaît un long déclin depuis son record de 40 Mt de marchandises transportées en 1936. En 2015, seuls 19 Mt ont été transportées par voies ferrées. Outre la ligne Belgrano qui bénéficie d’un financement chinois (sur les 1200 km de voies à rénover, 550 km sont achevés et 380 km sont en cours de travaux) et la ligne Norpatagonica, les autorités travaillent sur plusieurs autres projets.

  • Un financement chinois est évoqué pour la ligne San Martin entre Buenos Aires et Mendoza.
  • Des études sont en cours pour les lignes Buenos Aires-Bahia Blanca, Rosario-Córdoba-Tucumán et Córdoba-Rosario.

En raison de la situation économique du pays et de l’avancée des études, ces projets ne devraient toutefois pas voir le jour avant fin 2019 ou 2020.

Figure 5 : carte des projets de fret ferroviaire

Carte des projets de fret ferroviaire

 

6. Les projets de transport de passagers du Grand Buenos Aires en PPP sont incertains

(i)        Tunnel RER : alors que l’interconnexion souterraine des lignes de banlieue de Buenos Aires (tunnel RER pour plus de 2 Mds USD) devait être un projet emblématique pour le gouvernement du président Mauricio Macri, son lancement à moyen terme apparaît aujourd’hui improbable. L’appel d’offres pour la première phase du projet (gare souterraine de Constitución) avait été lancé en mai 2017 avant d’être annulé. Les autorités avaient alors tenté de relancer le projet en PPP en mars 2018, mais la crise économique semble avoir eu raison du projet.

(ii)       Les lignes de banlieue de Buenos Aires Urquiza (22 millions de passagers en 2017) et Belgrano Norte (26 millions de passagers) sont exploitées depuis 1994 par Metrovías (filiale du groupe Roggio qui exploite également le métro de Buenos Aires) et Ferrovías (filiale d’EMEPA qui participe à la gestion du métro de Lima). Les contrats de gestion prendront fin en juin 2019 et les autorités souhaitent lancer un appel d’offres en PPP comprenant la rénovation des voies, l’acquisition du matériel roulant (120 voitures chacune) et l’exploitation des trains. Les délais sont toutefois très contraints, et il apparaît peu probable que la sélection d’un nouvel opérateur puisse s’effectuer avant juillet 2019. Dans ce cas de figure, il est prévu que l’entreprise publique SOFSE (équivalent de SNCF Mobilités) reprenne en régie l’exploitation des trains.