L’Asie du Sud-Est suscite un intérêt croissant des investisseurs étrangers, comme en témoigne le niveau record des IDE entrants dans l’ASEAN en 2017, avec 134 Mds USD (+11%), alors que dans le même temps les flux mondiaux reculaient de 23%. Si Singapour concentre 60% du stock d’IDE dans l’ASEAN et perçoit près de la moitié des flux entrants en 2017 (62 Mds USD), la croissance des flux est à mettre à l’actif de la reprise des investissements en Indonésie, de l’internationalisation des multinationales chinoises et du développement des investissements intra-ASEAN, alimentés notamment pas les entreprises thaïlandaises. Moteurs dans le développement des pays de l’ASEAN, les investissements étrangers illustrent la place centrale de la région dans la chaîne mondiale de production. Les investissements à l’étranger des pays de l’ASEAN restent limités et sont principalement le fait de la cité-Etat, qui concentre deux tiers du stock d’IDE sortants (841M USD).             

1. L’ASEAN gagne en attractivité aux yeux des investisseurs étrangers, attirés par les opportunités d’investissement dans la plupart de ses pays membres

D’après la CNUCED[1], l’ASEAN n’a jamais été aussi attractive pour les investisseurs étrangers qu’en 2017, avec un montant record de 134 Mds USD d’IDE entrants, en hausse de 11% par rapport à 2016. La région s’affirme comme une zone privilégiée des investisseurs, captant plus de 9% des IDE mondiaux, alors qu’elle n’en recevait que 6,5% en 2016. A rebours des fluctuations des flux d’IDE mondiaux, en nette baisse en 2017, l’ASEAN continue d’attirer les capitaux étrangers avec constance depuis 6 ans. Depuis 2012, elle capte en moyenne 122 Mds USD d’IDE chaque année, soit quasiment le même montant que les IDE entrants en Chine (136 Mds USD en 2017).     

La dynamique des investissements a été entretenue par l’internationalisation des firmes multinationales chinoises, qui recentrent une partie de leurs investissements dans les pays de l’ASEAN, notamment dans le cadre de la Belt & Road Initiative. Les acquisitions chinoises dans la région s’élèvent à 34,1 Mds USD, en hausse de 268%, et sont d’autant plus significatives que le montant total de leurs investissements à l’étranger diminue dans le même temps de 32% par rapport à 2016[2]. En 2017,  la plus importante acquisition pour une entreprise chinoise a d’ailleurs été réalisée à Singapour, avec le rachat de l’expert des centres logistiques et de dépôts Global Logistic Properties Limited par le consortium chinois Nesta Investment Holding pour 16 Mds USD.

L’Indonésie catalyse aussi une part importante de la hausse des investissements dans l’ASEAN en 2017, avec 23 Mds USD d’IDE entrants, contre seulement 4 Mds USD en 2016. Il s’agit d’un record pour l’archipel, qui avait vu les investissements décoller dans le pays à partir de 2010, avec plus de 18 Mds USD d’IDE en moyenne chaque année. Si la faiblesse des investissements en 2016 tenait avant tout d’un effet conjoncturel, à cause de flux négatifs générés par le rachat par des entreprises indonésiennes d’actifs locaux à des compagnies étrangères, la hausse des IDE en 2017 illustre la poursuite des investissements dans les secteurs de l’agriculture, de la manufacture, de la finance ou du commerce. Les fusions-acquisitions ont aussi tiré les IDE, à l’instar du rachat du spécialiste indonésien de l’e-commerce PT Tokopédia par Alibaba pour 1,1 Mds USD.

Singapour continue d’être le pôle central pour les entreprises étrangères investissant dans l’ASEAN. Avec 62 Mds USD d’investissements étrangers reçus en 2017, Singapour accueille près de la moitié des flux d’IDE dans la région. Le recul de 20% des IDE, qui fait suite à une année record pour les investissements étrangers en 2016, correspond principalement à une baisse des flux dans le secteur financier. Singapour demeure un hub régional plébiscité par les entreprises pour établir leur quartier général, afin de rayonner dans les pays voisins.

Les économies intermédiaires de l’ASEAN sont toutes concernées par la hausse des flux d’IDE, à l’exception de la Malaisie. La Thaïlande voit ainsi les investissements multipliés par 4 avec 9,5 Mds USD, principalement en provenance du Japon et de l’Union Européenne. Les IDE entrants au Vietnam s’élèvent à 14 Mds USD (+12% par rapport à 2016),  portés par les investissements dans l’immobilier et les infrastructures utilitaires (barrages, centrales hydro-électriques). Les investissements aux Philippines continuent de croître, avec 9,5 Mds USD en 2017,  soit plus du double qu’en 2015. Pour sa part, la Malaisie pâtit du plus faible niveau d’IDE entrants depuis 2012, avec 9,5 Mds USD reçus. 

Les pays les moins avancés attirent pas à pas les investissements étrangers. La Birmanie affiche des flux d’IDE positifs à 4,3 Mds USD, en hausse de 45% par rapport à 2016, principalement dans des projets greenfields dans les télécoms et l’immobilier. Un consortium chinois mené par CITIC Group a par exemple investi 5 Mds USD pour le rachat et l’exploitation du port de Kyaukpyu. Les IDE entrants au Cambodge sont encore limités, à 2,8 Mds USD, alors qu’ils baissent au Laos pour atteindre 800 M USD.

Brunei connait pour sa part des flux d’IDE négatifs pour la deuxième année consécutive, dans un contexte d’épuisement de ses ressources en hydrocarbure.

2. Les IDE entrants jouent un rôle essentiel dans le développement de l’ASEAN

La dynamique des investissements internationaux est une composante centrale du développement économique de l’ASEAN. Cette dernière affiche le ratio stock d’IDE/PIB le plus élevé au monde, à 79%, loin devant la moyenne mondiale (40%) et celle des pays en développement (33,6%).  Cela témoigne de l’importance des pays de l’ASEAN dans les chaînes mondiales de production. Avec un stock d’IDE représentant 4,4 fois son PIB, Singapour confirme son rôle de place financière mondiale avec un ratio toutefois légèrement inférieur à Hong-Kong (5,9x PIB).

Les investissements étrangers prennent une part importante dans le développement des infrastructures au sein de l’ASEAN. En 2017, les flux d’IDE entrants représentent 17,7% de la formation brute de capitale fixe dans la région, soit 10 points de plus que la moyenne mondiale et des pays en développement. Le ratio flux d’IDE/FBCF atteint même 88% à Singapour, 60% au Cambodge ou 26% en Birmanie.

Les investissements étrangers se portent essentiellement sur des lancements de projets nouveaux (greenfields), qui représentent la moitié des flux d’IDE en 2017. Avec 1256 nouvelles implantations en 2017, les entreprises mondiales ont été moins ambitieuses que lors des 5 dernières années, où 1500 projets greenfields en moyenne étaient amorcés chaque année. La taille moyenne d’un projet d’investissement s’est en outre réduite à 55M USD contre 85M USD en 2016.

3. Les IDE réalisés par les pays de l’ASEAN demeurent modestes à l’échelle mondiale mais s’accélèrent à l’intérieur de la zone, sous l’impulsion des entreprises thaïlandaises

 Le flux d’IDE sortants s’élève à 55 Mds USD pour les pays de l’ASEAN en 2017, en hausse de 41% par rapport à 2016.  La baisse des investissements  à l’étranger réalisés par  Singapour (25 Mds USD  contre 28 Mds USD en 2016) est plus que compensée par la reprise des investissements indonésiens (3 Mds USD) et surtout  thaïlandais (19 Mds USD, +55% par rapport à 2016).

Les entreprises thaïlandaises qui s’internationalisent ciblent particulièrement les pays voisins de l’ASEAN, notamment les CLMV[3]. Le stock d’IDE thaïlandais dans la région a quasiment doublé au cours des cinq dernières années, atteignant 35 Mds USD en 2017, soit près de 30% du montant total des IDE thaïlandais. Les entreprises thaïlandaises concentrent 41% de leurs investissements dans l’ASEAN dans les CLMV. Au cours des cinq dernières années, le stock d’IDE a ainsi été multiplié par 2 en Birmanie, 2,4 au Cambodge et 2,8 au Laos et au Vietnam. Les investissements se concentrent en particulier sur le secteur énergétique (notamment au Laos, avec la construction du barrage de Xayaburi par Ch Karnchang PCL pour 3,8 Mds USD), l’industrie minière, les infrastructures (construction de la zone économique spéciale de Dawei en Birmanie par un consortium italo-thaïlandais), l’industrie manufacturière et l’immobilier.           

Le stock d’IDE en provenance de l’ASEAN reste limité, avec 1 200 Mds USD, soit la moitié du stock d’IDE entrants. La participation de l’ASEAN aux investissements mondiaux progresse peu, étant passée de 2,5 à 4% du stock mondial d’IDE sur ces dix dernières années. Singapour est le premier et principal pourvoyeur d’IDE sortants de la région, avec 841 Mds USD, loin devant la Malaisie (128 Mds USD) ou la Thaïlande (107 Mds USD).  


[1] World Investment Report 2018

[2] Belt and Road – exploring a blueprint for steady growth in overseas investment – EY  

[3] Cambodge Laos Myanmar Vietnam

 

Annexes

   1. Tableau récapitulatif des IDE dans l’ASEAN

IDE en ASEAN

 

 2. Historique des IDE entrants dans l’ASEAN depuis 1990

IDE en ASEAN

Source : CNUCED

 

3. Evolution du poids des IDE entrants dans l’ASEAN dans les IDE mondiaux depuis 1990

Poids ASEAN dans IDE mondiaux

 

4. Evolution de la répartition des IDE entrants dans l’Asean par pays entre 2016 et 2017

IDE ASEAN répartition par pays

 

 5. Projets greenfields et fusions-acquisitions en ASEAN  depuis 2007

Projets greenfields et fusions en ASEAN

Source : CNUCED

 

Rédigé par : Pôle macroéconomique, SER de Singapour
Août 2018