Le secteur de l’électricité au Ghana
Le Ghana dispose d’un taux d’électrification de 89%, parmi les plus élevés d’Afrique Sub-Saharienne, mais l’accès à l’électricité n’y est pas fiable. Le pays vise un accès universel à l’électricté en 2030 et compte combler l’écart entre zones urbaines et zones rurales au travers de projets d’électrifications hors réseau et un système de mini-réseaux. La tarification de l’électricité couplée à une gestion perfectible des acteurs publics sont des contraintes majeures qui pèsent sur le budget du Ghana et entrave l’activité des entreprises. La bonne mise en œuvre du Plan de Relance du Secteur de l’Energie (ESRP), l’un des pilliers programme FMI, sera cruciale pour que le Ghana retrouve un secteur électrique fiable et performant.
1. Une surcapacité de production électrique du Ghana mais un coût budgétaire très lourd
Le taux d’électrification du Ghana est élevé (89%[i]), le deuxième plus élevé d’Afrique subsaharienne après celui de l’Afrique du Sud, et le sixième plus élevé en Afrique. Le réseau présente une forte disparité de capacité et de couverture entre les zones urbaines et rurales, avec 95%[ii] d’électrification en zone urbaine et 74%[iii] en zone rurale. Le pays s’est donné pour objectif d’atteindre un accès universel à l’électricité en 2030.
La capacité de production (5 639 MW en 2023[iv]) est largement supérieure au pic de demande (3 618 MW). En revanche, cette surcapacité potentielle de production n’empêche pas les coupures de courant régulières. Sur les centrales électriques, au moins 740 MW serait en travaux ou en cours de maintenance. Le principal producteur d’électricité, la Volta River Authority (VRA), appartenant à l’État, exploite environ 2500 MW, mais sa part de marché diminue et plus de 50% de l’électricité du pays provient aujourd’hui de Producteurs Indépendants d’Electricité (IPP).
Le mix énergétique est historiquement dominé par l’activité des centrales hydroélectriques et thermiques. La puissance totale installée considérée comme fiable s’élève à 5 481 MW, dont 62% provenant des centrales thermiques (3700 MW) et 38% des trois barrages du pays, à savoir Akosombo, Kpong et Bui (1600 MW). Les énergies renouvelables (ENR)[v] peinent à s’imposer, malgré des conditions climatiques favorables, et ne représentent que 0,02% de la capacité de production totale (150 MW).
En 2023, la production annuelle s’est élevée à 24 264 GWh[vi], dont 13 817 GWh pour le thermique, 9 186 GWh pour l’hydroélectrique, 150 GWh en solaire et 0,6 GWh de production par les déchets. Les pertes techniques représentent environ 1 000 GWh, soit entre 4% et 5% du total d’électricité transportée depuis 2010[vii]. L’électricité consommée correspond au global à 18 848 GWh[viii] en 2023, avec les secteurs de l’industrie (8 250 GWh) et résidentiel (7 479 GWh) comme plus gros consommateurs. En 2023, la consommation électrique s’élève à 584 kWh/habitant[ix].
Sur les dernières années, le Ghana est un exportateur net d’électricité, avec 2 527 GWh exportés en 2023 (10% de sa production totale[x]) et des importations faibles (79 GWh)[xi]. Membre du Système d’Échanges d’Énergie Électrique Ouest Africain (EEEOA)[xii], le réseau électrique ghanéen est interconnecté avec les pays voisins avec le soutien de l’AFD[xiii] et de la coopération japonaise.
A noter que le Ghana poursuit actuellement son projet de programme électronucléaire civil à horizon 2030-2040 et ambitionne de sélectionner son partenaire stratégique d’ici la fin de l’année 2024. La Nuclear Power Ghana (NPG), en charge du projet nucléaire, a indiqué avoir identifié un site privilégié et un site de secours pour l’installation de ce qui serait la première centrale nucléaire en Afrique de l’Ouest et positionnerait d’autant plus le Ghana comme exportateur net d’électricité.
2. La tarification de l’électricité et la gestion perfectible des acteurs publics pèsent financièrement sur le secteur
La gestion d’Electricity Compagny of Ghana (ECG), distributeur public d’électricité, et le mauvais état de son réseau pénalisent le secteur. ECG est le distributeur principal du pays et couvre 36% du territoire (tiers sud du pays) mais distribue 90% du volume total[xiv]. C’est l’une des plus importantes entreprises publiques du pays mais son bilan s’est fortement dégradé lors des coupures de courant des années dumsors (2012-2016). Les pertes sont d’abord techniques : le mauvais état du réseau et le faible entretien des centrales hydroélectriques et thermiques entrainent le dépérissement de 30% de l’électricité achetée aux producteurs lors de sa distribution[xv]. Elles sont également commerciales avec un taux de collecte des recettes insuffisant, couplé à des vols d’électricité.
La crise énergétique au Ghana dite dumsor (2012–2016), a conduit à des pénuries d'énergie sévères. En réponse, une énergie thermique a été rapidement acquise, engageant des producteurs indépendants d'électricité privés (IPP) sous des accords de type "take-or-pay" à des tarifs élevés. L'acheteur s'engage à acheter une quantité minimale d’électricité ou à payer une compensation s'il n’achète pas la quantité convenue. Ces contrats ont conduit à une capacité installée excédentaire et à des engagements financiers pour de l'énergie non consommée, entrainant une augmentation des arriérés dans le secteur.
La tarification de l’électricité fixée par la Commission de Régulation des Services Publics (PURC) ne permet pas aux acteurs du secteur de couvrir les coûts, les pertes en transmission et en distribution. En 2023, le tarif de l’électricité pour les consommateurs finaux s’élève à 1,35 GHS/kWh (environ 0,12 USD/kWh)[xvi], inférieur au coût d’achat de l’électricité, incluant les pertes en transmission et distribution, en moyenne à 1,5 GHS/kWh. L’électricité reste toutefois moins chère au Ghana que dans la plupart des pays voisins de la CEDEAO, sauf le Nigéria, et parmi les plus bas en Afrique.[xvii]
Conformément aux directives de fixations des prix, les tarifs de l’électricité doivent être révisés trimestriellement pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie, la majorité des coûts de production étant en dollars, et de l’inflation. Les autorités ont sollicité l’assistance du FMI et de la Banque Mondiale pour améliorer la transparence et la méthodologie de la tarification d'ici fin 2024.
Les arriérés accumulés dans le secteur de l'énergie, estimés à 1,32 Md USD en fin d’année 2022, augmentent le risque de perturbations dans l'approvisionnement. Ces problèmes financiers du secteur énergétique nécessitent une réforme structurelle urgente que le FMI a recommandé et suit de près.
3. La bonne mise en œuvre de la réforme structurelle du secteur de l’énergie est cruciale pour que le Ghana retrouve un secteur électrique fiable et performant.
En 2023, le déficit du secteur de l’énergie s’élève à 1,9 Md USD, soit 2,7% du PIB, et pourrait dépasser 2,2 Md USD d’ici 2025[xviii]. Pour remédier à ces problèmes, la réforme structurelle du secteur de l’énergie est un pilier clé du programme FMI signé en mai 2023, avec notamment la mise à jour et révision du Plan de Reprise du Secteur de l’Energie (ESRP) présentée en octobre 2023, réalisée avec l’appui de la Banque Mondiale.
Dans le cadre de la révision de l’ESRP, les mesures visent à améliorer le secteur énergétique en réduisant le déficit, augmentant la transparence et favorisant la concurrence. Elles incluent :
- La révision de la méthodologie de la PURC pour l'ajustement trimestriel des tarifs de l'électricité, afin de réduire la discrétion et garantir que les évolutions macroéconomiques sont rapidement reflétées.
- La publication des facteurs explicatifs des décisions tarifaires dans les 30 jours suivant leur annonce.
- La priorisation des paiements aux Producteurs Indépendants d'Électricité (IPP) et la garantie de paiements fixes mensuels.
- La publication des rapports d’audit des comptes d’ECG.
- La conclusion d'accords pour régler les arriérés avec les IPP ou la renégociation des contrats.
- La création d'un cadre pour les subventions énergétiques.
- La réalisation d'un audit sectoriel des finances des entreprises publiques.
- La formulation d'une stratégie pour réduire les pertes de distribution et améliorer les recouvrements.
- L’estimation des besoins en investissement pour moderniser les équipements et les systèmes.
[iv] Energy Commission, 2024 National Energy Statistical Bulletin 2024 Energy Statistics.pdf
[v] La législation exclut les barrages hydroélectriques de plus de 100 MW des ENR.
[vi] Energy Commission, 2024 National Energy Statistical Bulletin 2024 Energy Statistics.pdf
[xii] Le WAPP est composé du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée, de la Sierra Leone, du Libéria, du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Burkina Faso, du Niger, du Togo, du Bénin et du Nigéria.
[xiii] Projet GRIDCO de 146 M EUR
[xiv] NEDCo (Nothern Electricity Distribution Company) détient le monopole de la distribution dans le Nord du pays (64% du territoire, 27 % de la population, 8% de la consommation électrique nationale)
[xv] Energy Commission, 2024 National Energy Statistical Bulletin 2024 Energy Statistics.pdf
[xvi] Taux de change en décembre 2023 : 1 GHS = 0,83 USD
[xviii] FMI, Facilité Elargie de Crédit.