Le Ghana dispose d’un taux d’électrification de 84%, parmi les plus élevés d’Afrique Sub-Saharienne, mais l’accès à l’électricité n’y est pas fiable. La capacité électrique installée de 4800 MW est supérieure au pic de consommation de 2900 MW, du fait de nombreux contrats take-or-pay avec des producteurs privés dans lesquels l’Etat ghanéen est engagé. Des négociations ont été entamées pour diminuer le surcout engendré pour l’Etat ghanéen (environ 1,2  Md USD par an, soit près de 1,8% du PIB). La mise en concession d’ECG (Electric Company of Ghana), soutenue par les Etats-Unis, devait permettre de rétablir l’équilibre financier du secteur mais elle a été annulée par le gouvernement. L’Etat mène différentes politiques qui doivent permettre d’assurer l’équilibre financier du secteur, avec notamment l’assainissement des dettes des entreprises publiques de l’électricité, sans pour autant envisager de réforme structurelle du secteur.

 

1 – La surcapacité de production électrique du Ghana entraine un coût budgétaire important.

Le taux d’électrification du Ghana est élevé (84%) et la capacité de production (4700 MW fin 2019) y est supérieure au pic de demande (2800 MW). Le taux d’électrification du pays est le deuxième plus élevé d’Afrique subsaharienne après celui de l’Afrique du Sud. Le réseau présente toutefois une forte disparité de capacité et de couverture entre les zones urbaines et rurales, avec 94,9% d’électrification dans le grand Accra et 74% en zone rurale. L’électrification du nord est plus faible : l’Upper East à 49,2% et l’Upper West à 59,9%.

Le mix énergétique est historiquement dominé par l’activité des centrales hydroélectriques (1365 MW soit 29%) et des centrales thermiques (3300 MW soit 67,9%) pour une capacité totale de 4700 MW de capacité installée considérée comme fiable[1]. Les énergies renouvelables[2] peinent à s’imposer, malgré des conditions climatiques favorables. Les systèmes de production d’énergie renouvelable (ENR) installés ne représentent que 34 MW (0,8% de la capacité de production totale). Avec un pic de demande à 2800 MW en 2019, le Ghana couvre donc ses besoins de production en électricité sans pour autant éviter des coupures régulières. La demande domestique ghanéenne croit annuellement de 10% depuis 2010. Le pays s’est donné pour objectif d’atteindre un accès universel à l’électricité d’ici 2025 et une part de d’énergie renouvelable de 10% dans sa production électrique d’ici 2030[3].

En 2015, le gouvernement a eu recours à de nouveaux fournisseurs d’électricité privés en surestimant l’évolution de la demande. Entre 2012 et 2015, l’affaiblissement de la pluviométrie, qui affectait le niveau d’étiage du barrage d’Akosombo, et les livraisons erratiques de gaz depuis le Nigeria ont entrainé de nombreux délestages. Ces coupures se sont réduites mais perdurent en raison des mauvaises performances du réseau de distribution. Pour remédier à cette situation, le Ghana a signé avec des opérateurs privés des contrats take-or-pay, qui l’obligent à payer l’électricité non consommée. Trois producteurs d’électricité indépendants ont bénéficié de 43 nouveaux contrats de vente directe d’électricité (PPA, Power purchase agreement), signés en gré à gré, à des tarifs élevés.

Le FMI estime que cette surcapacité de production, associée aux pertes du secteur, représente un coût budgétaire annuel de 1,2 Md USD (soit 1,8% du PIB et 8% des dépenses publiques). La capacité de production excédentaire du Ghana a couté 680 M USD en 2019 en paiements de capacités inutilisées[4]. Le pays exporte pour partie ses surplus d’électricité (exportations nettes de 600 GWh en 2018). Membre du Système d’Échanges d’Énergie Électrique Ouest Africain (EEEOA), le réseau électrique ghanéen est interconnecté avec les pays voisins, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin et Burkina Faso, grâce au soutien de l’AFD[5] et de la coopération japonaise.

 

2 – La tarification de l’électricité et la mauvaise gestion des acteurs publics accentuent le déficit du secteur.

La tarification de l’électricité définie par la Commission de Régulation des Services Publics (PURC, Public Utilities Regulatory Commission) ne permet pas aux principaux acteurs du secteur de couvrir leurs coûts. En mars 2018, la PURC a annoncé la réduction des tarifs de 17% pour l’électricité résidentielle et de 30% pour l’électricité industrielle et commerciale. À cette baisse s’ajoute l’inflation qui réduit le coût relatif de l’électricité dans le panier de consommation des ménages et entraine un surplus de consommation d’électricité. Avec un tarif de 0,14 USD/kW l’électricité reste toutefois plus chère au Ghana que dans le reste de la CEDEAO (0,10 USD/kW). Ce prix de l’électricité ne permet pas de couvrir les coûts d’opération et ne sont pas revus à la hausse d’après la formule du régulateur qui prévoit un ajustement des prix à hauteur de l’inflation. L’augmentation des tarifs en juillet 2019, attendue de longue date, n’a engendré qu’une hausse de 11,2%, soit à peine de quoi couvrir l’inflation (9,6% en 2018). Afin de réviser sa méthodologie tarifaire, la PURC a bénéficié de l’assistance technique de l’agence américaine d’aide au développement du Congrès Millenium Challenge Corporation (MCC).

Suite au confinement imposé pour contenir l’épidémie de Covid-19, le gouvernement ghanéen a annoncé la gratuité de l’électricité pour 6 mois. Parmi les mesures sociales annoncées suite au ralentissement de l’économie, l’Etat a pris à sa charge la moitié des factures d'électricité d’avril à septembre 2020 pour les utilisateurs résidentiels et commerciaux ; cette prise en charge était complète pour les usagers les plus fragiles financièrement. Pour les mois d’avril à juin, cette politique a eu un coût de 1,0 Md GHS (env. 150 M EUR) pour l’Etat, dont 693 M GHS ont été réglés en juillet 2020 aux différents acteurs du secteur de l’électricité.

La gestion d’Electricity corporation of Ghana (ECG), distributeur public d’électricité, et le mauvais état de son réseau pénalisent fortement le secteur. Le bilan d’ECG s’est fortement dégradé lors des coupures de courant des années dumsor. Les pertes sont d’abord techniques : le mauvais état du réseau entraine le dépérissement de 24,3% de l’électricité achetée aux producteurs lors de sa distribution. Elles sont aussi commerciales, le taux de collecte des recettes est insuffisant (causes techniques et mauvaise gestion). L’accumulation d’impayés de la part des administrations publiques a rendu l’exploitation d’ECG durablement déficitaire.

Ces mauvaises performances ont dégradé son équilibre financier et l’ont contraint à accumuler des arriérés vis-à-vis d’autres opérateurs du secteur, notamment  publics : Volta River Authority (VRA - production) et GRIDCo (gestion du réseau de transport). Les pertes de recettes d’ECG ont ainsi détérioré la santé financière des principaux acteurs de la chaîne de valeur et contraignent fortement leur capacité à investir dans les infrastructures. 

 

3 – La mise en concession d’ECG, soutenue par les Etats-Unis, devait permettre de rétablir l’équilibre financier du secteur mais elle a été annulée par le gouvernement.

Les activités d’ECG devaient être mises  en concession, avec l’appui de la Millenium Challenge Corporation (MCC) pour permettre sa restructuration. Afin de répondre à l’important besoin d’investissement d’ECG, MCC devait octroyer 498 M USD de dons au Ghana (répartis en deux phases, 308 M USD puis 198 M USD). A ces financements, s’ajoutaient 580 M USD d’investissements prévus par la société Power Distribution Services (PDS), comportant des actionnaires locaux et menée par l’entreprise Meralco (Philippine), concessionnaire des activités d’ECG dès mars 2019. Cette concession prévoyait qu’ECG reste propriétaire des installations et reprenne ses activités de distribution in fine, en 2039. Les investissements de Meralco prévu dans l’accord de concession devaient être réalisés sur 5 ans, dont 300 M USD durant les deux premières années.

La mise en concession a été suspendue en août 2019, entrainant l’annulation de 700 M USD d’APD en destination du Ghana, au motif de la « non-conformité des garanties bancaires » d’un des membres du pool concessionnaire. Bien qu’un audit commandé par le MCC ait conclut au manque de fondement juridique de ce motif, le ministère des Finances a annoncé l’annulation définitive de la concession en octobre 2019, ECG reprenant la gestion des actifs. Cette décision a entrainé l’annulation du déboursement de la seconde phase de dons du MCC pour 190 M USD, retrait validée par le congrès américain. La mise en concession d’ECG était aussi un des pré-requis à la mise en place d’une aide budgétaire de la Banque mondiale dans le secteur pour près de 500 M USD, qui a donc été écartée. Le retrait de Meralco a entrainé l’arrêt de l’investissement prévu dans le contrat de concession pour 580 M USD. La gestion par PDS aura toutefois réussi à infuser de nouvelles pratiques de recouvrement des factures qui semblent perdurer au sein d’ECG, participant à la remise à niveau de cette entreprise. 

 

4 – Sans réforme structurelle, l’Etat cherche à résoudre les difficultés du secteur.

Depuis la crise des dumsors, le gouvernement mets en place différentes politiques pour assainir la situation financière du secteur. Afin d’enrayer l’endettement croissant du secteur, le gouvernement a adopté l’Energy Sector Levy Act en décembre 2015, qui fixe une taxe affectée au secteur sur les produits pétroliers (0,28 GHS/litre soit 0,06 EUR/litre). Un accord a également été obtenu par le gouvernement auprès des banques locales afin de restructurer une partie de la dette de VRA (550 M USD sur un total de 1 Md USD). Enfin, le gouvernement a émis 1,4 Mds USD d’obligations Energy bond en 2018 au bénéfice principal d’ECG et de VRA. Les montants levés ont permis d’éponger les dettes de ces deux entreprises publiques auprès des banques commerciales et des fournisseurs de fuel.

En 2019, le gouvernement a entamé la renégociation des contrats d’achats d’électricité take-or-pay avec les producteurs indépendants, permettant à ce jour une économie annoncée de 350 M USD par an. La renégociation de l’accord d’achat d’électricité qui lie l’Etat à CENIT Energy Limited a permis une réduction de son coût budgétaire de 200 M USD par an et la renégociation du contrat avec la société ghanéenne Cenpower une réduction de 150 M USD par an, soit 3 Mds USD sur la durée restante du contrat de 20 ans. . Pour réduire le coût des PPA actuels, le gouvernement compte sur l’utilisation du gaz naturel produit localement. La centrale de production d’électricité sur barge Karpowership a ainsi été transférée de Tema à Takoradi afin de pouvoir bénéficier du gaz ghanéen. De même, la centrale thermique Cenpower utilisera du gaz naturel fourni par l’entreprise publique Ghana National Petroleum Corporation (GNPC), plutôt que du pétrole brut léger, permettant ainsi une baisse des charges et d’atténuer l’impact environnemental de la centrale. En parallèle de ces renégociations, le gouvernement a annoncé un moratoire sur les nouveaux contrats PPA

La mise en place du cashwaterfall system permet d’espérer la redistribution des recettes d‘ECG vers les acteurs en amont. Ce montage financier prévoit qu’une part proportionnelle des revenus d’ECG soit automatiquement redistribuée vers GRIDCo et ECG. Dans le cadre de l’Energy Sector Recovery Plan, développé avec l’appui de la Banque mondiale, l’Etat doit liquider directement les créances détenues par les entreprises publiques du secteur auprès d’autres entreprises, afin d’annuler toutes les créances croisées que deux entreprises peuvent détenir l’une sur l’autre.
 


 

[1] Energy Commission of Ghana, National Energy Statistics, 2020.

[2] La législation exclut les barrages hydroélectriques de plus de 100 MW des ENR.

[3] Banque Mondiale, Report PAD2576, 2018.

[4] Banque Mondial, Report PAD2576, 2018. Le gouvernement estime la perte à 450 M USD en 2019 et 850 M USD en 2020

[5] Projet GRIDCO de 146 M EUR