Avec un volume d’actifs du secteur bancaire représentant 38% du PIB, l’économie ghanéenne est peu financiarisée au regard de son niveau de développement. Pour faire face aux fragilités du secteur, la Banque du Ghana, qui exerce la fonction de régulateur bancaire, a augmenté les seuils de capital requis et adopté un nouveau cadre de surveillance, entrainant la fermetures de plusieurs banques commerciales.

Avec un volume d’actifs du secteur bancaire représentant 38% du PIB, l’économie ghanéenne est peu financiarisée au regard de son niveau de développement. En 2019, dans un contexte de reprise économique et de stabilisation macroéconomique marqué par un relâchement des taux, la situation des banques s’est améliorée. Pour faire face aux fragilités du secteur, la Banque du Ghana, qui exerce la fonction de régulateur bancaire, a augmenté les seuils de capital requis et adopté un nouveau cadre de surveillance. Cette réforme bancaire, associée à la fermeture des banques insolvables, a entrainé la révocation de neuf licences bancaires et des licences de 386 institutions non-bancaires et de 23 banques de prêt et dépôt. Malgré leur baisse significative, les prêts non-performants (NPL) grèvent toujours la profitabilité des établissements bancaires et les taux d’intérêts très élevés pratiqués par les banques restreignent fortement l’accès au crédit. Le renforcement du secteur doit se poursuivre pour permettre le développement du crédit au secteur privé et de l’inclusion financière. 

 

1.    L’accès au crédit est difficile au Ghana, dans une économie peu financiarisée.

L’économie ghanéenne est peu financiarisée malgré son niveau de développement.

Après avoir connu une croissance rapide depuis 2010, la financiarisation de l’économie ghanéenne  a faiblit à partir de 2018. Le total des actifs du secteur financier est passé de 53% du PIB en 2010 à 78% en 2017, pour atteindre 54% du PIB en 2019, après la fermeture d’institutions financières par la Banque du Ghana. Les actifs du secteur bancaire universel représentent 38% du PIB alors que les gestionnaires de fonds en représentent 7,5% et les fonds de pension 7,0%. 

L’économie ghanéenne reste sous-financiarisée et sa financiarisation est trop lente : les actifs du secteur bancaire représentaient déjà 35% du PIB en 1994, soit une augmentation de seulement 11 points en 23 ans, avant de retrouver son niveau initial en 2019. 

Une partie importante du secteur financier est détenu par l’État. Avant les mesures de restructuration du secteur en 2018, 15 banques étaient en partie publiques et représentaient le quart des actifs de l’État ghanéen. 

Les taux d’intérêts très élevés pratiqués par les banques, bien au-dessus de la moyenne en Afrique subsaharienne, sont pointés comme une cause importante de cette faible intermédiation financière [1]. La différence entre le taux d’intérêt moyen des crédits et le taux de rémunération moyen des dépôts est de 16,0% en 2019 (15,4% en 2018) alors que la moyenne en Afrique subsaharienne se situait à 9,1% en 2018. Ces taux élevés s’expliquent par la forte inflation et par la structure du marché bancaire. Ils s’expliquent aussi par le recours important de l’Etat au marché domestique pour financer le déficit budgétaire, entrainant ainsi l’éviction du crédit du secteur privé au profit du financement du secteur public. 

Par ailleurs, les entreprises sont en grande partie de petite taille, majoritairement unipersonnelles et très peu transparentes. L’asymétrie d’informations induite pour les banques réduit leur appétence au risque.

Les taux d’intérêt élevés rendent difficile l’accès au crédit.

Le relâchement de la politique monétaire n’a pas permis de diminution franche des taux. L’inflation a baissé pour atteindre 7,9% en 2019 et ainsi entrer dans l’objectif de la Banque centrale ghanéenne (cible de 8% à ±2%). De cette façon, la Banque centrale a abaissé son taux directeur de 21,5% en 2017 à 16% janvier 2019, le plus bas depuis 2013. Le crédit au secteur privé a pu augmenter de 18,3% en 2019, contre 10,6% en 2018, et alors que la croissance du PIB devrait atteindre 7,0% en 2019. Mais le taux d’intérêt moyen de prêt aux entreprises du secteur privé était de 23,6% en décembre 2019, en baisse de seulement 0,3 point depuis décembre 2018. Ces taux usuriers restreignent l’accès au crédit et incitent les ghanéens à se tourner vers des institutions non-bancaires. Le ratio crédit privé/PIB à 12,7%, même s’il est en dessous du niveau attendu pour un pays à ce stade de développement, est à la médiane en Afrique subsaharienne.

Les institutions non-bancaires participent au financement du secteur privé mais sont très fragiles. Ces institutions participent à l’inclusion financière des ghanéens qui n’ont pas accès au financement des banques commerciales classiques en raison des taux pratiqués. Ce sont majoritaires des institutions de microfinance (MFI) et des banques de prêt et dépôt, des banques communautaires et rurales, des banques immobilières et des « susu »[2]

Une grande partie des banques rurales et des MFI ne respectent pas les règles prudentielles imposées par la Banque du Ghana. Cette dernière estimait que les dépôts de 700 000 ghanéens étaient menacés en 2018.

 

2.    La Banque du Ghana a assaini le secteur bancaire entre 2017 et 2019.

Des institutions financières ont été fermées. 

L’entrée en vigueur des nouvelles exigences de fonds propres a restructuré le marché bancaire. A partir du 31 décembre 2018, les banques universelles devaient disposer d’un capital de 400 M GHS (66 M EUR), contre 120 M GHS (20 M EUR) précédemment afin de se conformer aux règles de Bâle II/III. Cette mesure a conduit à trois fusions d’établissements bancaires, à la dégradation du statut d’un établissement de banque universelle à caisse d'épargne et de crédit, à une liquidation volontaire et à la création du Ghana Amalgamated Trust (GAT), un instrument qui devait permettre à cinq banques de récolter des fonds pour atteindre ces nouvelles exigences. En janvier 2019, 16 banques avaient rempli ces critères. Ces niveaux de capital pourraient permettre aux banques d’effectuer des transactions plus importantes pour financer des projets d’infrastructures mais ils pourraient aussi entrainer une diminution de l’offre de crédit au secteur privé[3].

Neuf banques non-solvables ont été fermées par le régulateur. Après la fermeture de deux banques en septembre 2017, cinq établissements bancaires universels ont été fermé en août 2018 : la uniBank, la Royal Bank, la Beige Bank, la Sovereign Bank et la Construction Bank. La Banque du Ghana a justifié le retrait de leurs licences par le manque de transparence dans leur gestion et par des prêts importants octroyés à des proches. Leurs actifs et passifs ont été transférés à une banque relais, la Consolidated Bank of Ghana, créée en 2018 ad hoc. Une obligation a été émise par le gouvernement pour combler l’écart entre le passif et les actifs de ces banques et permettre leur prise en charge par la Consolidated Bank of Ghana. Le coût budgétaire de cette opération représentait 2,5% du PIB en 2018. En janvier 2019, la Premium Bank et la Heritage Bank ont été fermées pour un coût budgétaire de 0,4% du PIB de 2019. Le nombre d’établissements est passé de 34 en 2018 à 23 aujourd’hui, dont 14 contrôlés par des groupes étrangers.

347 sociétés de microfinance et 39 sociétés de microcrédit ont été fermées en mai 2019, suivies de la fermeture de 23 institutions de saving & loans en août 2019. Suite à une analyse menée conjointement avec la Banque mondiale sur les banques rurales et les institutions de microfinance, la Banque du Ghana a identifié 707 institutions pour lesquelles une action était nécessaire afin de protéger les épargnants (cf. supra). En mai 2019, les licences de 192 institutions de microfinance ont été révoquées, 155 avaient déjà cessé leurs opérations et 39 sociétés de microcrédit ont été fermées. Le FMI estime le coût de cette opération à 900 M GHS (150 M EUR), soit 0,3% du PIB prévu pour 2019. 

Des doutes ont été émis sur la capacité du gouvernement à rembourser les déposants en raison des taux d’intérêts très élevés promis par les institutions, dont les seuls dépôts (hors intérêts) sont estimés à 740 M GHS (environ 123 M EUR). En août 2019, la Banque du Ghana a révoqué les licences de 23 institutions de saving & loans qui ne remplissaient pas les critères de solvabilité et de gouvernance. D’après le FMI, le coût budgétaire de cette mesure est de 3 Mds GHS pour l’année 2019 (500 M EUR).

Un nouveau cadre de politique prudentielle a été mis en place

Le Ghana Deposit Protection Act de 2016 prévoit une garantie publique des dépôts à hauteur de 6250 GHS (1035 EUR). Ce dispositif représente un engagement contingent de 7 Mds GHS (1,2 Mds EUR) pour l’État ghanéen alors que le fond créant la Ghana Deposit Protection Corporation, initié en septembre 2019, n’est doté que de 26 M EUR, en partie grâce à un prêt concessionnel de la KfW. 

De nouvelles normes prudentielles ont été adoptées. La Banque du Ghana a émis une nouvelle directive relative aux exigences de fonds propres qui prévoit un ratio de capital minimum de 13% en janvier 2019, conformément au cadre de Bâle II/III. Cette mesure devrait permettre de renforcer la capacité des banques à supporter des pertes et des chocs externes. En outre, des directives sur la gestion des risques, la sécurité numérique et la gouvernance d'entreprise (séparation des activités d’administrateur et de dirigeant) ont été prises pour mieux encadrer l’activité bancaire. 

La création du Conseil de stabilité financière en janvier 2019 doit permettre de renforcer le cadre de surveillance.  Ce Conseil a pour mission d’améliorer la coopération inter-agences afin d’identifier plus efficacement les vulnérabilités du secteur financier ghanéen. Il est composé de représentants de la Banque du Ghana, du Ministère des Finances, de la SEC, de la National Insurance Commission, de la National Pensions Regulatory Authority et de la Data Protection Commission.

 

3.    Ces mesures ont permis d’améliorer la situation des banques en 2019

Les profits du secteur bancaire sont hausse.

La situation des banques s’améliore. Les profits du secteur bancaire s’élèvent à 2,83 Mds GHS (323 M EUR) sur une année glissante en octobre 2019, en augmentation de 45,3% après une augmentation de 22,3% sur un an en octobre 2018. Depuis l’introduction du ratio de capital minimum de 13% en janvier 2019, la capitalisation des banques a diminué de 1,9 point pour atteindre 18,9%  en octobre 2019[4]. Le rendement des fonds propres après impôt s’établit à 19,9% en décembre 2019, contre 18,2% un an plus tôt, et le rendement des actifs avant impôt à 4,1%, contre 3,3% en décembre 2018. 

Mais certaines fragilités subsistent, avec un taux encore important de prêts non-performants.

La liquidité du système bancaire a légèrement diminué en 2019 avec un ratio actifs liquides / passifs à court terme de 30,5% en décembre 2019, contre 34,0% un an plus tôt et un ratio actifs liquides / total des actifs passé de 26,0% 2018 à 23,9% un an plus tard. La part de prêts non performants (NPL) a fortement diminué en 2019 mais reste toujours importante. Les prêts non-performants comptent pour 13,9% du total des encours en décembre 2019, alors qu’ils atteignaient de 18,2% en décembre 2018 et 21,6% en décembre 2017. La proportion des NPL imputables au secteur public est passé de 4,5% en octobre 2018 à 2,3% en octobre 2019. Cette diminution s’explique par la fermeture de banques insolvables et par l’augmentation du crédit qui a réduit mécaniquement la part des NPL. Le règlement par l’État de créances d’entreprises publiques du secteur de l’énergie a aussi permis de diminuer la part de NPL.

 

4.    Le renforcement du secteur bancaire permettra de contribuer à l’inclusion financière

La situation des banques est encore perfectible.

La réduction de la vulnérabilité du secteur financier nécessitera des efforts supplémentaires. Des actions doivent être prises pour continuer la diminution des NPL dans le bilan des banques, les prêts eu susceptibles d’être recouverts au regard des normes IFRS 9 doivent être effacés des bilans. L’endettement du secteur de l’énergie n’est pas résolu et pourrait peser sur le secteur bancaire en cas de non-remboursement des créances. 

À moyen-terme, la pérennité financière et commerciale de la Consolidated Bank of Ghana doit être assurée pour permettre sa privatisation. La restructuration du portefeuille de dépôt de la Consolidated Bank of Ghana ainsi que la mise en place d’une stratégie commerciale et d’une rationalisation des coûts de gestion font partie des recommandations émises par le FMI en avril 2019 pour permettre au gouvernement de privatiser la Consolidated Bank of Ghana. Cette privatisation est nécessaire à moyen-terme, car la banque représente un coût budgétaire important pour le gouvernement. Alors que régnait un scepticisme des clients sur cette nouvelle structure, les dépôts se sont stabilisés après plusieurs mois de retraits.

L’inclusion financière est un enjeu majeur au Ghana. 

L’inclusion financière reste un enjeu très fort pour l’économie ghanéenne, pour laquelle l’offre bancaire mobile semble être une des solutions possibles. L’inclusion financière des zones rurales reste faible, bien qu’elle ait doublé entre 2011 et 2017 grâce aux solutions de banque mobile. Le marché des services bancaires par téléphone mobile au Ghana connait la croissance la plus forte d’Afrique[5]. L’amélioration de l’accès à des services financiers, passé de 41% en 2010 à 58% en 2015, est permise en grande partie par le bancaire mobile  pour 7 points, ainsi que par les institutions de microfinance pour 5 points. Le gouvernement s’appuie sur le système de règlement des paiements interbancaires (GhIPSS) adopté en mai 2018 afin de promouvoir le secteur financier grâce au bancaire mobile. L’accès plus large à un compte bancaire permettra de renforcer l’inclusion financière nécessaire au développement du pays[6]. Elle permettra aussi au gouvernement d’élargir sa base fiscale toujours faible (13% de mobilisation fiscale contre 20% dans la sous-région).



[1] Musah, Anokye & Gakpetor 2018; Mensah & Abor 2014; Aboagye & al 2008; BoG WP Bawumia & al 2005

[2] Sorte de tontine ghanéenne, encadrée depuis 1990 par la Ghana Cooperative Susu Collectors Association

[3] Kwakye, Insitute of Economic Affairs No. 27 Monograph, 2010

[4] Capital Adequacy Ratio

[5] Banque Mondial, 4th Ghana Economic Update, Juin 2019

[6] Beck, Demirgüç-Kunt & Levine 2007 ; King & Levine 1993