Relèvement de 25 points de base à 6,25% du taux directeur de la Banque centrale

Les six membres du Conseil de politique monétaire (CPM) ont voté à l’unanimité en faveur d’un relèvement des taux directeurs à l’occasion de la réunion de juin du Conseil de la politique monétaire. Les taux de prise en pension (reverse repo), de mise en pension (repo) et le taux au jour le jour (marginal standing facility) s’établissent désormais à respectivement 6 %, 6,25 % et 6,5 %.

Le taux directeur est rehaussé pour la première fois depuis 2014C’est la première fois depuis plus de quatre ans – et, partant, depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi – que l’Institut d’émission décide d’augmenter ses principaux taux alors qu’il avait amorcé en mars 2015 un cycle d’assouplissement monétaire avant d’annoncer une normalisation de la politique en 2017. Si la perspective d’une remontée des taux avant la fin de l’année avait gagné en crédibilité depuis la publication du compte-rendu de la dernière réunion de politique monétaire, la soudaineté de cette décision a néanmoins surpris les observateurs, qui s’attendaient plutôt à ce qu’elle survienne lors des réunions d’août ou d’octobre. Le CPM a par ailleurs assorti son communiqué d’une  perspective neutre.

Les marchés financiers ont plutôt bien réagi à cette décision. La Bourse de Bombay a notamment clôturé à 35 179 points, soit une hausse de 276 points (+0,8 %) sur la journée, tandis que le rendement des obligations souveraines à 10 ans a progressé de 11 points de base depuis le début de la semaine, à 7,99 % (ils ont depuis franchi la barre des 8%).

 L’Institut d’émission a mis en exergue la nette hausse des pressions inflationnistes ces derniers mois pour expliquer cette décision. Après avoir progressé de 3,3 % en moyenne en 2017, l’indice des prix à la consommation a enregistré un essor moyen de 4,7 % sur les cinq derniers mois étudiés (elle aurait atteint 4,9% au mois de mai selon des chiffres publiés quelques jours après la réunion). Si cette évolution récente demeure conforme à l’objectif de long terme de la Banque centrale (4 %, +- 2 points), elle apparaît désormais dans la partie haute de la fourchette. La RBI craint de surcroît que l’accroissement marqué du cours mondial des hydrocarbures continue de tirer les prix à la consommation à la hausse au cours des prochains mois alors que le prix du baril Brent a dépassé les 70 $ en mai.

Au-delà de ces tendances, les annonces réalisées lors de la présentation du budget 2018-19 et, en particulier, le relèvement des prix minimums de soutien (le gouvernement s’est engagé à racheter la production aux agriculteurs à un prix au moins supérieur de 50% aux coûts de production pour l’ensemble des récoltes) seraient également susceptibles de stimuler la demande rurale et, dès lors, d'accroître la pression sur les prix d’après la Banque. La revalorisation de la rémunération des fonctionnaires au niveau des Etats, dans le cadre de la 7ème commission sur les traitements publics, participe également au renforcement de l’inflation et, en particulier, à la hausse des prix du logement, en hausse de 8,5% en glissement annuel au mois d’avril ; la RBI estime au total autour de 0,4 point l’incidence de ces revalorisations sur la variation annuelle de l’IPC en avril (4,6%, contre 4,2% dans un scénario neutre). Le Conseil de politique monétaire a par ailleurs mis en avant le net rebond de la croissance du PIB au premier trimestre 2018 (+7,7 % en glissement annuel), et notamment de la FBCF (+14,4 %), pour justifier sa décision.

Dans ce contexte, la RBI décrit un environnement international de plus en plus instable sujet à des risques géopolitiques croissants. Elle met ainsi en exergue la volatilité persistante des marchés financiers mondiaux ainsi que les menaces liées aux tensions protectionnistes. La révision à la hausse des taux directeurs de la FED, qui devrait se poursuivre sur les six prochains mois, participe dans ce cadre à la sortie de capitaux étrangers des marchés émergents vers les Etats-Unis. L’Institut d’émission rappelle ainsi que l’Inde a enregistré, depuis le début de l’année, des sorties de capitaux significatives (voir infra), bien qu’encore très modérées au vu des volants de stabilité dont elle dispose. Sa décision pourrait, dans ce contexte (et malgré le démenti officiel de la RBI, dont le mandat ne fait pas référence au taux de change), avoir été sous-tendue par la volonté de stabiliser la roupie, qui s’est dépréciée de 5,5% face au dollar entre le 1er janvier et le 31 mai, et dont un décrochage trop marqué pourrai alimenter l’inflation importée.

L'inflation devrait se situer dans un couloir de 4 à 6% à l'horizon 2019La Banque centrale, qui a pris note de la nouvelle accélération des prix à la consommation en avril (+4,6 %), a laissé ses prévisions d’inflation inchangées pour l’exercice budgétaire 2018-19. Elle estime ainsi que les prix à la consommation progresseront entre 4,7 et 5,1 % sur les six premiers mois de l’exercice et de 4,4 % entre octobre 2018 et mars 2019. Lorsque les revalorisations salariales du secteur public sont exclues, ces prévision tombent entre 4,4 et 4,7 % pour le premier semestre 2018-19 mais demeurent inchangées pour les six mois suivants. Alors que les anticipations de hausse des prix des produits alimentaires ont été révisées à la baisse à court terme, la hausse du prix de l’énergie et du logement devraient compenser cette évolution.

 La croissance du PIB devrait se situer à l'horizon 2019 dans un couloir de 6 à 8 pointsLa RBI avance enfin une prévision de croissance du PIB inchangée à 7,4 % pour 2018-19. Elle estime que la hausse récente de l’utilisation des capacités de production et le retour d’une croissance dynamique de l’encours de crédit devraient continuer de soutenir l’investissement sur l’exercice en cours. Les conditions de financement se sont toutefois quelques peu resserrées au cours des derniers mois. La Banque centrale estime par ailleurs que les échanges externes devraient être particulièrement dynamiques au regard de la hausse de la demande mondiale, qui devrait stimuler les exportations indiennes. La croissance des recettes d’exportation devrait toutefois être compensée par l’essor important du prix des produits pétroliers qui constituent plus d’un quart des importations de marchandises. La RBI anticipe enfin un nouvel accroissement de la consommation privée, aussi en milieu urbain que rural, au cours des prochains mois.