Dans le cadre de la « Vision 2035 », le Koweït entame une ère de réformes économiques et sociales, en vue notamment de diversifier ses revenus. Bien qu’aucune déclaration officielle ne concerne encore l’instauration d’une TVA, le débat s’inscrit progressivement dans les sphères politique, économique et médiatique koweïtiennes. L’année 2021 a été évoquée pour l’instauration de cette taxe.

1/  La TVA doit être un outil de diversification des revenus dans le cadre de la « Vision 2035 ».

La stratégie de la « Vision 2035 » prévoit de planifier le développement socio-économique du Koweït pour le transformer en un grand centre régional économique et financier. La réduction de la dépendance aux revenus des hydrocarbures, la baisse des dépenses publiques et les grands projets d’infrastructures dans le nord du pays – Silk City, la transformation des iles – doivent permettre de dynamiser la croissance économique du pays et attirer les investisseurs étrangers.

Les recettes budgétaires suscitées par la mise en place d’un tel système de taxation répondraient à ce besoin de financement. C’est d’ailleurs la stratégie mise en place par les Emirats Arabes Unis et par l’Arabie Saoudite dans le cadre de sa « Vision 2030 », qui ont introduit une TVA de 5% depuis le 1er janvier 2018.

D’après une étude réalisée par Marmore MENA Intelligence, filiale du centre financier Markaz, le Koweït est le pays du Golfe qui bénéficierait le plus de l’instauration de la TVA, à hauteur de 2,1 % de son PIB/an, contre 2% en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis, et seulement 1,2% au Qatar.

2/ La TVA koweïtienne ressemblerait aux TVA voisines.

Dans le cadre d’une conférence organisée par PwC et l’Union of Investment Companies au Koweït, le 7 mai 2018, à propos de la stratégie d’implantation de la TVA, un taux de 5% a été préconisé pour les secteurs de l’immobilier et des transports koweïtiens. Compte tenu de l’importance du secteur des hydrocarbures, il est peu probable qu’il soit touché par la TVA à 5 % comme en Arabie Saoudite.  De même, il a été conseillé au gouvernement koweïtien de ne pas ou peu taxé les biens de consommation et les services pour ne pas pénaliser les ménages ou  être obligé de poursuivre une politique de subventions.

L’institutionnalisation d’un cadre règlementaire et de surveillance garantira l’efficacité de cette nouvelle taxe. Les autorités politiques laisseront du temps aux entreprises pour s’adapter à ce nouveau dispositif, notamment pour éviter les amendes et pénalités en cas de non-conformité à la loi. Une phase de transition de 6 à 12 mois serait prévue une fois la loi votée au Parlement. 

3/ La hausse du prix du pétrole et le risque d’inflation freinent l’instauration de la TVA.

En juin 2016, l’introduction d'une taxe sur la valeur ajoutée de 5% avait fait l'objet d'un accord entre les six pays du Conseil de coopération du Golfe. Le FMI a appelé récemment ces pays à mettre en place le dispositif mais Bahreïn, Oman, le Qatar et le Koweït ont décidé de repousser à 2019 l'introduction de la TVA. Pour le moment, aucune déclaration officielle de la part des autorités koweïtiennes n’est venue apporter des précisions quant à la date d’instauration de la TVA. Le Ministre des finances a cependant formé un comité spécial, chargé d’instruire le projet. Surtout, en marge d’un sommet économique et financier des pays du Conseil de Coopération du Golfe le 14 mai 2018, il a annoncé devant la presse locale qu’il espérait qu’un projet de loi sur l’instauration de la TVA serait voté au Parlement à l’automne prochain tout en précisant que cette taxe n’entrerait sans doute pas en vigueur avant 2021.

Apparemment, deux principaux facteurs freinent l’instauration d’une TVA au Koweït. D’une part, les risques d’inflation que susciterait la mesure : Markaz prévoit un taux d’inflation à 3,75 % fin 2018 en cas de mise en œuvre rapide de la TVA, contre 2,5 % sans. Les secteurs de l’immobilier et du transport seraient les premiers affectés. D’autre part, la hausse du prix du baril du pétrole et donc des recettes fiscales contribue à supprimer le caractère d’urgence de l’opération.

Commentaire :

L’Etat koweïtien se donne le temps d’observer la situation chez leurs voisins saoudiens et émiriens avant d’aller de l’avant. Le gouvernement parait d’autant plus prudent que la conjoncture actuelle, en matière de recettes budgétaires, est favorable. Traditionnellement hostile à tout projet de taxation, le Parlement devrait, en outre, s’opposer à l’instauration de la TVA tant que la légitimité d’une telle mesure restera à démontrer.