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1. L’IoT au Japon, un secteur en pleine croissance, soutenu par un fort volontarisme gouvernemental.

1.1. Le Japon dispose de compétences « hardware » favorables au développement d’un vaste écosystème IoT mais doit faire appel à des savoir-faire extérieurs pour combler ses faiblesses dans le domaine des services et logiciels

Premier pays producteur de robots et premier exportateur de robots industriels (plus de 287 000 robots en activité au Japon, 52% de l’approvisionnement mondial selon l’IFR, 115 000 robots exportés pour une valeur de 2,7 M USD), le Japon dispose d’une expertise reconnue dans ce secteur et identifie l’IoT comme une condition pour le développement des nouvelles technologies robotiques. Les entreprises japonaises ont, par ailleurs, une avance technologique considérable s’agissant des capteurs, en particulier des capteurs d’image CMOS[1]. Les capteurs d’images de pointe appliqués à l’automobile, nécessaires au développement et à la commercialisation des véhicules autonomes, constituent ainsi le principal avantage comparatif du Japon dans le secteur de l’IoT.[2] D’autre part, l’infrastructure Internet très haut débit du Japon est parmi les plus développée, même si deux des plus grands opérateurs télécoms, KDDI et Softbank, ont néanmoins dû faire appel à des partenaires étrangers pour développer leur réseau IoT[3]

L’offre japonaise apparaît plus réduite dans les services et logiciels informatiques : cinq des six principaux fournisseurs de services cloud et big data au Japon sont américains, le seul groupe japonais étant Fujitsu. L’expertise japonaise est également insuffisante en matière d’intelligence artificielle appliquée à l’IoT et de cybersécurité. Par suite, les entreprises japonaises ont été amenées à adopter de politiques d’open innovation afin d’attirer des savoir-faire extérieurs, conclure des partenariats et racheter des entreprises étrangères spécialisées dans l’IoT.[4]

 

1.2. Stratégies ministérielles, vastes consortiums public-privé, budgets dédiés : le gouvernement mobilise des moyens importants pour soutenir le développement de l’IoT au Japon.

Le développement des technologies IoT est devenu une priorité pour le gouvernement japonais dans sa volonté de réaliser une Société 5.0. Le METI a ainsi mis l’IoT au cœur de sa stratégie Connected Industries, le MEXT en a également fait sa priorité dans sa politique de soutien à la R&D et le MIC a lancé sa propre « IoT Comprehensive Strategy ». Les secteurs prioritaires identifiés sont : les transports, l’agriculture, la santé, les infrastructures et les télécommunications.

Des montants importants sont consacrés à la promotion et au développement de l’IoT au Japon.  Les ministères, soit directement, soit via leurs opérateurs, disposent en effet de budgets dédiés pour financer des évènements de promotion, inviter des entreprises étrangères sur des salons, envoyer des experts en région pour former les localités, accorder des subventions à des entreprises ou des chercheurs pour mener à bien des projets de R&D etc... Pour l’année comptable 2018, le budget du MIC s’élève ainsi à 3,6 Mds JPY (contre 1,97 Mds JPY en 2017), budget qui permettra, notamment, de subventionner plusieurs projets de R&D à hauteur de 50 M JPY chacun. Le METI dispose d’environ 2,8 Mds JPY (contre 2,5 Mds JPY en 2017) pour la promotion des technologies IoT. Il accorde en outre, chaque année, à la NEDO, une enveloppe (budget total de 6,36 Mds JPY en 2016) pour financer ses programmes de soutien au développement des technologies IoT et de la robotique. Quant au MEXT, il dispose d’un budget de 8,5 Mds JPY pour le projet AIP (Advanced Integrated Intelligence Platform Project) dédié à l’IA, au Big Data, à la cybersécurité et à l’IoT[5] et une enveloppe est consacrée par la JST, l’une de ses deux agences de financement, au versement d’aides financières à des étudiants et des jeunes chercheurs qui lancent leur start-up dans les secteurs de l’IoT et de la robotique.[6]

A titre d’exemple de financements, la NEDO a accordé une subvention d’un montant inférieur à 20M JPY à Phoenix Solution, une start-up japonaise, et ce afin de lui permettre de développer un projet de puces RFID (radio-identification). La JST a également versé une subvention d’un montant inférieur à 10 M JPY, à l’Université de Toyohashi pour un projet de recherche sur un vêtement devant permettre d’analyser les informations physiques et physiologiques d’un conducteur et de prédire ainsi son comportement.

En outre, deux initiatives ont été lancées avec l’appui du gouvernement afin d’encourager les synergies entre le secteur public et privé pour le développement de l’IoT. La Robot Revolution Initiative (RRI), lancée en février 2015 et soutenue par le METI, réunit des représentants de la recherche et de l’industrie dans plusieurs secteurs qui ont défini une nouvelle stratégie robotique pour le Japon visant à répondre à ses défis économiques et sociétaux. Cette initiative organise sa réflexion autour de groupes de travail, dont l’un porte sur « la révolution de l’industrie manufacturière par l’IoT ». A cela s’ajoute près de 200 « use cases » d’entreprises impliquées dans l’IoT[7] répertoriés par la RRI. Le forum public-privé IoT Acceleration Consortium (ITAC) a été créé en octobre 2015 pour, notamment, élaborer des normes et développer de nouvelles applications IoT. Né sous l’impulsion du METI et du MIC, il regroupe plus de 3500 membres issus du gouvernement, du secteur privé et de la recherche (japonais mais aussi américains et allemands).  

 

2. L’ouverture du Japon à la coopération internationale : un contexte favorable au développement de partenariats entre entreprises françaises et japonaises à la recherche de nouvelles solutions IoT

 

2.1. Afin d’accélérer la 4ème Révolution Industrielle, le Japon, à travers l’ITAC et la RRI, multiplie les coopérations internationales. Ainsi, l’ITAC a signé plusieurs MoU avec : le Industrial Internet Consortium et l’OpenFog Consortium (US), le National Association of Software Services Companies (Inde) et avec l’Alliance for IoT Innovation (UE) pour renforcer les échanges d’informations (bonnes pratiques, recommandations d’orientations politiques) et la coopération dans l’élaboration de standards en lien avec l’IoT. La RRI s’est également alliée à l’IIC (Industrial Internet Consortium) en novembre 2017.

2.2. Avec la France, la RRI a signé, le 28 mars 2018, à l’occasion du salon Global Industrie, un MoU avec l’Alliance Industrie du Futur. Une coopération DGE/METI sur l’Industrie du Futur et l’IoT a également été lancée en janvier 2017. Un an après, cette coopération a d’ores et déjà permis d’aboutir à plusieurs résultats concrets  : appui du METI pour l’accueil de start-up françaises lors du CEATEC 2017, grand salon de l’IoT japonais ; lancement d’un appel à projets de R&D conjoints entre entreprises françaises et japonaises ayant permis le cofinancement par Bpifrance et la NEDO d’un projet entre l’entreprise japonaise Oxyde et l’entreprise française Keopsys[8] ; échanges sur les politiques d’appui aux start-up ; MoU signé entre RRI et l’Alliance pour l’Industrie du Futur ou encore séminaires conjoints organisés lors des salons Hanovre et Global Industrie. Le deuxième appel à projets, lancé en février 2018, se veut plus ambitieux et prévoit le cofinancement de 2 à 3 projets.


[1] Complementary Metal-Oxide Semiconductor : Sony détient 42% des parts du marché mondial et Canon 5%.

[2] Dans le domaine des semi-conducteurs, Softbank a marqué l’actualité en procédant au rachat de la PME britannique ARM, leader mondial dans le domaine des puces et processeurs pour smartphones, pour 32 Mds US$ (29 Mds €).

[3] KDDI, allié à Kyocera Communication Systems (KCCS), a utilisé la technologie de l’entreprise française Sigfox pour développer un réseau LPWA (Low Power, Wide Area) à bas coût. Softbank utilise également la technologie LPWA de l’entreprise américaine Semtech.

[4] Softbank et Microsoft, Hitachi et Flutura (start-up américaine), NEC et GE Digital, rachat d’ARM par Softbank, acquisition de Tronics par TDK, etc

[5] Le projet AIP comprend l’AIP center (lancé le 1er avril 2016 et hébergé par le RIKEN, principal centre de recherche pluridisciplinaire du MEXT, ce centre vise à construire une approche intégrée des technologies d’intelligence artificielle, Big data, IoT et cybersécurité), la création d’une plateforme de données communes, dirigée par le NIMS, le RIKEN et le NIED, et la mise en place d’un laboratoire virtuel réunissant les projets de recherche financés par la JST sur l’intelligence artificielle, dit « Network Labo »

[6] En 2017, 9 équipes dans le secteur de l’IoT et 4 dans celui de la robotique étaient sélectionnées dans le cadre du programme Brighten up Ventures.

[7] 124 pour des grandes entreprises, 64 pour des PME et 14 pour des microentreprises

[8] Projet dans le domaine de la photonique : développement d’un système de fibre laser ultraviolet pour système d’inspection de semiconducteurs

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Annexe 1 : Les chiffres clés du secteur de l’IoT au Japon

jetro1

jetro2 

Source : JETRO, 2016 https://www.jetro.go.jp/ext_images/usa/JETROSanFrancisco_IoTWebinarSlides.pdf

Annexe 2 : La structure de l’IoT Acceleration Consortium

 

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 http://www.iotac.jp/

L’ITAC s’articule autour de quatre groupes de travail

  • Un groupe de travail sur le développement technologique (piloté par le MIC), en charge de la R&D, des essais et de la normalisation ;
  • Un groupe de travail pour la définition de nouveaux business models (piloté par le METI), qui fait la promotion de solutions IoT développées par des entreprises et start-up grâce à des concours et à des sessions de business-matching ;
  • Un groupe de travail sur la sécurité des objets connectés[1] (des guidelines sur la sécurité IoT ont été adoptées le 5 juillet 2016) ;
  • Un groupe de travail sur la promotion de la circulation des données entre secteurs.

 Ce consortium comprend différents programmes, regroupés sous la bannière « IoT Acceleration Lab », destinés à soutenir le développement de projets IoT portés par les start-up : l’IoT Lab Selection (soutien à des projets individuels développés par des entreprises dans le domaine de l’IoT), l’IoT Lab Demonstration (possibilité pour des entreprises, regroupées en consortium, de réaliser ensemble des test-beds dans les domaines innovants de l’IoT nécessitant une déréglementation ou l’adoption de nouveaux standards ; les résultats de ces expérimentations peuvent ensuite permettre d’élaborer des propositions d’évolutions réglementaires), le Local IoT Acceleration Lab (soutenir la création d’ITAC locaux sur le territoire japonais pour la réalisation de projets IoT à échelle régionale)[2], l’IoT Lab Connection et l’IoT Lab Global Connection.

 

[1] La sécurité des objets connectés est un aspect important de la politique de développement de l’IoT au Japon avec la multiplication de structures et de directives sur ce sujet (General Framework for Secure IoT Systems du NISC en août 2016 qui promeut les principes de Security by Design et de Privacy by Design, initiative CPS/IoT de la JEITA pour encourager le développement de Cyber Physical Systems)