Photo TR BLM- Odile RB-Lagarde

 Plus de 100 ministres et 450 experts venus de 72 pays différents et 17 organisations régionales et internationales, ont participé à la conférence de lutte contre le financement du terrorisme, qui s’est tenue les 25 et 26 avril à Paris, avec un credo simple : « No money for terror ».

Une mobilisation internationale inédite.

À la suite du G20 de Hambourg, le Président de la République s’était engagé, dans son discours aux ambassadeurs du 29 août 2017, à organiser à Paris « une conférence de mobilisation contre le financement du terrorisme ». Face à l’évolution de la menace terroriste suite à la victoire militaire de la coalition contre le « Califat » en Irak et au Levant, les États du monde doivent adapter leurs réponses de manière concertée et résolue car « le terrorisme n’a pas de frontière ».

Pour la première fois à cette échelle, plus de 100 ministres, en charge des portefeuilles ministériels les plus engagés dans la lutte contre le financement du terrorisme (finances, intérieur, justice et affaires étrangères), ont répondu à cet appel lancé par le Président de la République et à l’invitation de 5 ministres français et se sont réunis le 26 avril autour de quatre tables-rondes thématiques animées respectivement par le ministre de l’Intérieur, Gérard COLLOMB et la Garde des Sceaux, ministre de la  Justice, Nicole BELLOUBET, le matin, et par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves LE DRIAN et le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno LE MAIRE l’après-midi.

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Les quatre tables-rondes du segment ministériel ont permis aux ministres compétents de partager leurs expériences et leurs visions en matière d’effectivité de normes, de régulation et de coopération.

Le matin, la table-ronde, présidée par la ministre de la Justice, a permis aux différents intervenants de partager leurs expériences et leurs visions en matière d’utilisation du renseignement financier, d’incrimination du financement du terrorisme, de coopération entre cellules de renseignement financier (CRF) et de coopération judiciaire internationale. Les échanges de la seconde table-ronde matinale présidée par le ministre de l’Intérieur ont été consacrés aux questions de coopération policière internationale, au terrorisme « low cost » et au travail en collaboration avec le secteur privé, en particulier l’industrie du numérique, pour lutter contre le financement du terrorisme.

L’après-midi, la table-ronde animée par le ministre de l’Économie et des Finances a permis d’aborder tour à tour les questions relatives à l’application et l’effectivité des normes en matière de lutte contre le financement du terrorisme, ainsi que le renforcement de la visibilité et de l’autorité du GAFI et des organismes régionaux de type GAFI (ORTG). Dans un second temps, la discussion a porté sur les défis, tels que l’utilisation de moyens de paiement anonymes (en premier lieu le liquide), les nouvelles technologies financières issues de la « fintech » (cryptoactifs notamment), le « mobile banking », et les circuits alternatifs de financement tel le crowfinancing qui sont tous susceptibles d’être de nouveaux instruments au service du monde, mais comportent également des risques en termes de financement du terrorisme. La pertinence de penser un nouveau système de régulation pour encadrer ces nouvelles technologies, protéger les investisseurs et les futurs clients sans pour autant brider leur essor, a été au cœur des discussions.

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Lors de la table-ronde présidée par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, il a été question de l’évolution du financement des organisations terroristes en lien avec des organisations du crime organisé, de coopération militaire et régionale dans les pays les plus vulnérables et d’assistance technique pour aider à lutter efficacement pour « assécher les sources du financement du terrorisme ».

À la nécessité de renforcer la coopération internationale s’ajoute également celle du partage de renseignements, d’informations et de bonnes pratiques au niveau national, entre les différents services engagés dans la lutte contre le financement du terrorisme.

 

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La première journée a réuni 450 experts de tous pays et d’organisations internationales pour partager les bonnes pratiques en matière de renseignement, de réglementations financières, de coopérations internationales entre tous les acteurs de la chaîne opérationnelle. Les trois tables-rondes du segment « expert » ont permis de croiser les expertises de professionnels du renseignement, des douanes, de la police, de la justice et des finances : responsables de services du renseignement, de renseignement financier, de police judiciaire, magistrats, fonctionnaires en charge des questions de régulation financière (pour la France, DG Trésor notamment) ou conseillers diplomatiques.

La dernière table-ronde, animée par Emmanuel MOULIN, directeur de cabinet du ministre de l’Économie et des Finances, a permis aux spécialistes et praticiens de la régulation financière d’échanger à propos des standards du GAFI et de leur mise en œuvre effective. Elle a été l’occasion de rappeler l’importance accordée par la France à cette institution pour harmoniser les règles en matière de régulation financière, de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme. À cette fin, le renforcement de la gouvernance du GAFI et des ORTG apparaît nécessaire pour affirmer la crédibilité et l’autorité de ces instances multilatérales à qui plus de moyens devraient être conférés, pour suivre la transposition en droit national des normes décidées en commun et procéder à des évaluations. En second lieu, il a été question des risques et opportunités liés aux nouvelles technologies financières (crowdfunding, « mobile banking », regtechs) pour tracer les flux illicites (moins de transactions en espèce, moins d’anonymat) et de la nécessité d’une régulation équilibrée qui ne briderait pas l’innovation et le potentiel de création d’emplois.

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Ces tables-rondes « experts » et « ministres » ont permis aux États participants et aux organisations régionales et internationales présentes de signer une déclaration commune pour s’engager à prendre des mesures concrètes et opérationnelles visant à renforcer la coopération et les dispositifs de lutte contre le financement du terrorisme.

Les participants à la Conférence de Paris se sont mis d’accord sur dix mesures communes dans le cadre de « l’Agenda de Paris ». Dans son discours de clôture, le Président de la République a entendu mettre en avant les cinq priorités pour la France.

 

Conclusion PR Emmanuel Macron

En clotûre de la « conférence de Paris », le Président de la République a tenu à rappeler que le combat pour tarir les sources du financement du terrorisme requerrait une « détermination absolue et une exigence méthodique ». Face aux défis de notre temps, dont le terrorisme fait partie, seule une réponse internationale coordonnée peut être la réponse appropriée. Cette conférence internationale de lutte contre le financement de Daech et d’Al-Qaïda, a précisément réussi à rassembler ces trois vertus.

Les États et organisations régionales et internationales ont réussi au cours de cette conférence à travailler ensemble pour « assécher le financement du terrorisme », en mettant de côté leurs divergences. De cette réussite est né « l’Agenda de Paris » comprenant dix mesures communes (cf. déclaration commune du 26 avril 2018) dont cinq mises en avant par le Président de la République dans son discours :

(1) La première priorité identifiée concerne la mise en place d’un cadre légal et opérationnel en vue du recueil et du partage d’informations. À l’échelle de la France, le Président a rappelé les efforts constants des services pour partager les renseignements financiers. Il a engagé chaque responsable national à poursuivre les efforts pour mettre en place collectivement les jalons d’un partage effectif des renseignements financiers « entre tous les maillons de la chaîne de renseignement et de lutte contre le financement du terrorisme ».

(2) La seconde priorité concerne la lutte contre l’anonymat. Rappelant la nécessité de préserver la vie privée dans le cyberespace, et en même temps la nécessité pour les plateformes de pas laisser dans leur espace de publication des contenus à caractères prosélyte et complaisant à l’égard du terrorisme, appelant les plateformes à prendre leur responsabilité, le Président de la République a souligné le fait que le financement du terrorisme pouvait également passer par des dons privés à des institutions caritatives et que la transparence des flux financiers, et leur traçabilité, constituaient des critères essentiels pour priver les organisations de détourner ces flux à leur destination.

(3) La troisième priorité telle qu’énoncée par le Président de la République, consiste à « gérer avec discernement l’utilisation des nouvelles technologies » comme le « mobile banking » ou le crowdfunding. Les innovations technologiques financières sont pleines de promesses. Elles comportent aussi des risques. La France soutient une régulation équilibrée et a déjà saisi le FMI, le Financial Stability Board (FSB), le G20 et le GAFI à ce sujet. Le Président a rappelé que la France et l’Europe avaient toujours suivi avec considération les recommandations du GAFI. À ce titre, l’adoption et l’entrée en vigueur de la 4ème directive 2015/849 (Lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme, LBC/FT) illustrent la célérité de l’Union européenne pour se mettre au niveau des exigences et standards du GAFI. Parmi les « défis connexes » posés par la lutte contre l’anonymisation des flux financiers : la lutte contre la fraude documentaire, l’usurpation d’identité et la réflexion sur les ouvertures de comptes bancaires en ligne avec contrôle des pièces minimal.

(4) « Accroître le soutien aux États vulnérables et mettre la pression sur les États défaillants », telle est selon le Chef de l’État la quatrième priorité de la France en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Qu’il s’agisse de proposer davantage d’assistance technique pour les pays moins avancés ou les États plus fragiles, ou qu’il s’agisse de sanctionner les États récalcitrants, la responsabilité est du ressort d’abord des organisations internationales qui sont les garantes du cadre légal de coopération internationale (FMI, OCDE, GAFI). Par ailleurs, la France entend prendre ses responsabilités et en particulier en ce qui concerne le gel des avoirs.

(5) Enfin la dernière priorité mise en avant par le Président de la République concerne le renforcement de la légitimité, de l’autorité et des moyens du GAFI et des ORTG. Les 40 recommandations du GAFI constituent des standards élevés et précis pour lutter contre le financement du terrorisme. « Leur mise en œuvre effective, au-delà même de leur transposition en droit national », constitue un enjeu essentiel que les experts et ministres ont soulevé aux cours de la conférence de Paris. Les liens avec les organismes régionaux de type GAFI (ORTG) doivent être densifiés, améliorés, renforcés. La France augmentera sa contribution au GAFI pour lui donner les moyens en particulier d’aider les pays les plus vulnérables à adapter les recommandations du GAFI en matière de lutte contre le financement du terrorisme.

La « Coalition de Paris », née de cette conférence, doit prolonger sa lutte contre le financement du terrorisme et se réunira à nouveau en 2019 en Australie.

Le caractère inédit de cette conférence qui a permis à tous les pays de discuter ensemble, de se mobiliser pour une cause qui concerne toute la planète, en dépassant les divergences, a permis la naissance de la « Coalition de Paris ». Cette coalition se doit d’œuvrer avec autant de fermeté et de résolution dans la lutte contre le financement du terrorisme que dans la lutte contre le terrorisme. Afin de « maintenir la force de cette volonté politique », les États et organisations régionales et internationales de la « Coalition de Paris », signataires de la déclaration finale, ont décidé de se réunir à nouveau en 2019 en Australie.

Photo Famille LFT OCDE 2018-04-26

 

La déclaration finale de la conférence "No Money for Terror" est disponible ici : http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/communique-declaration-finale-de-la-conference-no-money-for-terror/

Crédits Photos MEAE