Avec l’annonce du déménagement des administrations publiques à la nouvelle capitale dès juillet 2019 et le 150ème anniversaire du Caire khédivial, la rénovation des centres villes du Caire et d’Alexandrie devient un enjeu important du secteur urbain en Egypte.

Les nationalisations de l’époque nassérienne ainsi qu’une série de lois réglementant les liens entre propriétaires et locataires, largement favorable aux seconds, sont à l’origine de la paupérisation des centres villes et de leur dégradation substantielle induite par le manque de maintenance et d’investissement. La loi n°121/1947 supprime le droit des propriétaires à expulser leurs locataires et surtout gèle les loyers des bâtiments dont la construction est antérieure à la loi. Par la suite, divers textes tels que les lois n°44/1977 et n°136/1981 ont complété ces dispositions en établissant des prix fixes pour les bâtiments des zones urbaines (villes et villages). Ce n’est qu’avec la loi n°4/1996 et sa révision par la loi n°137/2006 que le contrôle de l’Etat sur les loyers s’est assoupli. Cependant, les contrats de locations signés entre 1941 et 1996 restent en vigueur tant que le locataire ne souhaite pas d’amendement ou ne déménage pas. Ces contrats sont par ailleurs transmissibles dans les mêmes termes aux héritiers du signataire originel.

A cela s’ajoute la spéculation immobilière exacerbée à l’œuvre dans ces espaces, et le manque d’intérêt pour les propriétaires à entretenir leurs bâtiments. L’association de préservation du patrimoine Save Alex estime que depuis 2011, au moins 36 bâtiments historiques ont été démolis soit illégalement, soit après que les propriétaires aient obtenu la déclassification de leur bien. Ces derniers n’hésitent pas à organiser eux-mêmes la détérioration des bâtiments, soit pour pousser au départ des locataires récalcitrants, soit pour faire reconnaître la démolition comme étant d’intérêt public, au titre du risque présenté par le bâtiment.

Les bases de la protection du patrimoine des XIXème et XXème siècles sont posées par les lois n°144/2006 et n°199/2008. Les premières mentions spécifiques à une action de rénovation de grande ampleur du centre-ville du Caire remonte à la “vision 2050” formulée par le gouvernement en 2008 et portée par le comité des politiques publiques de Gamal Moubarak. Son idée était de repeupler le centre-ville tout en le transformant en centre économique et commercial moderne et huppé. Le plan prévoyait principalement la piétonisation de la plupart des rues et la redirection des flux automobiles vers des tunnels souterrains. Cette première phase est interrompue par la révolution, au cours de laquelle les centres villes (celui du Caire en particulier) ont été des espaces décisifs. La création du comité pour la rénovation du Caire (présidé par M. Ibrahim Mahlab, ancien Premier ministre) marque le regain d’intérêt des autorités pour le sujet.

Avec le gouvernement, l’Organisation nationale pour l’Harmonie Urbaine (NOUH) et la société Arab-Contractors sont les principaux acteurs de ce processus de rénovation. Le gouvernement entend tirer parti de la valeur immobilière des bâtiments publics, dont l’usage devra être repensé après le transfert des administrations à la nouvelle capitale. Néanmoins, la réflexion sur le devenir de ces bâtiments ne semble pas avoir encore été menée.

Un premier projet de rénovation du centre-ville a été lancé en 2014. La réalisation de la phase 1 a cependant montré que le manque de financement et les difficultés techniques (absence de plan, état de vétusté avancé) et juridiques (loyers gelés et impossibilité d’expulser les locataires) ont souvent limité les rénovations aux façades et aux trottoirs avoisinants. Au-delà de ces difficultés pratiques, aucune réflexion de fond sur la fonction économique et sociale du centre-ville n’a encore été conduite, limitant ainsi la pérennité des rénovations entreprises. Sous la direction du Premier ministre Sherif Ismaïl, le comité a initié les opérations de la deuxième phase avec la rénovation d’un bâtiment khédivial rue Emadeddin.

Le secteur privé participe également à cet élan d’investissement dans la rénovation du centre-ville. Son intervention est regardée favorablement par le secteur public, qui s’appuie en grande partie sur les propriétaires et les développeurs immobiliers. Les principaux représentants du secteur privé sont la compagnie d’assurance publique Misr et le développeur immobilier Al-Ismaelia for Real Estate Development. Il s’agit des principaux propriétaires fonciers du centre-ville au Caire. L’Egyptian Banking Union et la BCE ont également financé des projets au cours de la phase 1 de la rénovation du centre-ville du Caire. A Alexandrie, la société Sigma Properties effectue un travail similaire à celui d’Al-Ismaelia. Ces deux sociétés disposent de moyens considérables ainsi qu’une volonté de rendre leur grandeur passée à ces centres villes pour attirer des résidents disposant de plus de moyens.

Néanmoins, avec le déménagement progressif des banques et des administrations vers New Cairo et la Nouvelle Capitale, le quartier offrira a priori moins d’opportunités d’emploi et de services propres à l’installation de résidents plus aisés, en particulier face à la concurrence des compounds en périphérie de la ville.