L’économie des Philippines, grand émergent de 100 millions d’habitants, est sur une trajectoire de croissance soutenue et régulière de 6,6% en moyenne depuis 2012. Le gouvernement Duterte aborde l’année 2018 dans des conditions idéales mais devra amplifier ses réformes pour assurer  une véritable dynamique de développement.  
 
 

Une conjoncture dynamique et des marges de politique économique considérables

La croissance du PIB des Philippines s’est établie à 6,7% en 2017, après 6,9% en 2016, tirée essentiellement par la consommation  privée et l’investissement. Le gouvernement dispose de marges budgétaires significatives et s’est fixé un objectif de 3% de déficit pour les années 2017 à 2020.

Après plus de dix ans d’efforts continus, le pays figure parmi les moins endettés d’Asie du Sud-Est et connait une situation de plein-emploi et d’inflation sous contrôle. Malgré une forte croissance du crédit, de l’ordre de 15-20%, le secteur financier demeure relativement peu risqué. Les autorités détiennent par ailleurs des réserves de change conséquentes pour amortir les chocs externes, en particulier les sorties de capitaux. Le principal risque économique de court terme est celui de la « surchauffe », qui devrait amener la banque centrale BSP à augmenter son taux directeur en 2018.

Le FMI prévoit dans son dernier rapport de mission de novembre une croissance du PIB de 6,7% en 2018. Fitch a relevé le 11 décembre sa notation pour les Philippines de BBB- à BBB avec perspective stable. Pour autant, la croissance économique est plus fragile qu’il n’y paraît. Elle reflète davantage des facteurs conjoncturels favorables (reprise du commerce mondial, abondance de financements extérieurs, accélération de la croissance mondiale qui se reflète en particulier dans la hausse des transferts des migrants) qu’une réelle dynamique de rattrapage des niveaux de vie.

                                                                                                                                                   

Des blocages structurels importants en particulier dans les infrastructures

Malgré des financements abondants, notamment des bailleurs extérieurs, le déficit d’infrastructures depuis des dizaines d’années freine l’ensemble de l’activité. Le stock de capital public s’établit à 35% du PIB en 2016, soit moins de la moitié de la moyenne des autres pays d’Asie du Sud-Est. Le pays est noté 113ème sur 137 pays pour la qualité de l’ensemble de ses infrastructures dans le dernier rapport du World Economic Forum. Selon une étude de 2017 de l’Agence de coopération japonaise JICA, la congestion coûterait par exemple à l’économie philippine près de 4,1 Mds de pesos par jour, soit l’équivalent de quasiment 10% du PIB sur l’année 2016.

D’après un sondage annuel réalisé auprès de chefs d’entreprise pour le World Economic Forum, les trois facteurs les plus problématiques pour les affaires aux Philippines sont depuis des années : 1/une administration inefficace, 2/une offre inadéquate d’infrastructures et 3/ la corruption.

Faute de stratégie économique impulsée par l’Etat, l’économie est tirée par des services (en particulier les centres de télé-opérateurs) dont les gains de productivité sont limités. Une industrie de composants électroniques existe mais sur des segments de faible valeur-ajoutée (assemblage). L’agriculture est encore très peu mécanisée, si bien que le pays dépend encore de ses importations de riz ou de produits de la mer pour sa consommation courante. Au final, quelques grands conglomérats se partagent l’essentiel de l’activité, sans véritable incitation à innover. En témoigne le faible développement des fintech, alors que plus de 70% de la population n’a pas de compte en banque et que l’âge moyen est de 25 ans…

 

Duterte et son programme « Build, Build, Build »

Le gouvernement du président Duterte, élu en juin 2016, a mis en place un ambitieux programme d’investissements en infrastructures, qui devront représenter 5,4% du PIB en 2017, contre 3,5% réalisés en 2016. Pour accélérer les constructions, le gouvernement s’appuie sur une nouvelle conception des partenariats publics-privés, les PPP  « hybrides » : le secteur public finance en propre et construit les infrastructures, pour ensuite déléguer aux enchères la maintenance et l’exploitation au secteur privé. Cela doit permettre d’éviter les retards constatés dans le passé dû aux nombreux  conflits juridiques privés.

Le président Duterte a également annoncé une libéralisation quasiment totale de l’économie d’ici 2019, alors que les IDE entrants restent bien inférieurs aux pays voisins.  Ceux-ci pourraient néanmoins être freinés par les répercussions sécuritaires et diplomatiques de la lutte sans relâche menée par le président contre le narco-traffic, en proie à toutes les dérives.

Le réchauffement des relations diplomatiques avec la Chine a déjà commencé à rendre la destination plus attractive auprès des touristes chinois, mais butera immanquablement sur la faiblesse persistante des… infrastructures.