L’augmentation de la population et sa forte urbanisation conjuguées à plusieurs décennies de sous-investissement ont conduit l’Indonésie à un déficit d’infrastructures important limitant la croissance économique et la réduction de la pauvreté.  Les autorités se sont engagées dès 2015 dans un programme quinquennal d’investissement qui repose pour l’instant sur des ressources publiques principalement. Confronté à des contraintes multiformes, le secteur privé ne se mobilise pas à la hauteur des attentes des autorités. Le gouvernement a commencé à y répondre de manières diverses, mais ces efforts doivent être poursuivis. L’implication du secteur privé répond à un double enjeu pour l’Indonésie : partager le poids financier de ce rattrapage et gagner en efficacité.

 

1. L’Indonésie est confrontée à un déficit en infrastructures estimé par la Banque Mondiale (BM) à 1500 Mds USD lié à plusieurs années de sous-investissement affectant la progression de la croissance économique du pays et la réduction de la pauvreté. Ces dix dernières années, le stock d’infrastructures publiques n’a progressé que de 2,8 % par an en moyenne en dépit d’une croissance moyenne de 5,6% sur la période. La progression de la croissance démographique (1% par an) et de l’urbanisation (4% par an ; 55% de la population est urbaine) imposent le développement des infrastructures pour permettre le déblocage de la croissance économique, contrainte notamment par des coûts logistiques trop élevés (24% du PIB), et permettre la diminution de la pauvreté. Si le taux de pauvreté s’est fortement réduit entre 2000 et 2013, passant de 19% à 11%, depuis lors il stagne.

 

2. Le gouvernement du Président Joko Widodo a fait du développement des infrastructures une priorité nationale. Les ressources publiques demeurent toutefois insuffisantes pour combler ce déficit. Les recettes fiscales du gouvernement sont faibles (environ 11 % du PIB) et les objectifs d’augmentation pour les années à venir ne devraient pas changer significativement la donne. L’abandon des subventions à l’énergie a permis de réorienter une partie des ressources de l’Etat vers l’investissement (via les injections dans les entreprises publiques (State-Owned Enterprises, SOEs) et les transferts aux régions notamment), mais cela représente moins de 10 Mds USD supplémentaires par an. En 2016 et 2017, les dépenses publiques consacrées aux infrastructures se sont élevées ainsi à 24 et 29 Mds USD respectivement (montants budgétés).

 

3. Le gouvernement souhaite mobiliser le secteur privé qui s’est désengagé du financement des infrastructures.  Jusqu’en 2015, la participation du secteur privé au financement des infrastructures prioritaires a été en constante diminution passant de 0,8% de PIB en moyenne sur la période 2006-2010 à 0,2% sur la période 2011-2015. Ciblant en priorité les transports, l’énergie et l’eau-assainissement, le programme de développement à moyen terme pour la période 2015-2019 prévoit des investissements à hauteur de 415 Mds USD, soit 83 Mds USD par an dont 37% serait assuré par le secteur privé (41 % étant financé par le gouvernement aux niveaux central et local et 22%, par les SOEs). Ces objectifs ne seront probablement pas atteints faute d’une mobilisation suffisante du secteur privé.

 

4. Une augmentation significative de la participation du secteur privé ne pourra se faire sans la levée d’obstacles majeurs aux investissements privés dans ce domaine. La Banque Mondiale estime qu’ils sont au nombre de quatre : 

  • Le premier est la complexité et l’instabilité réglementaires dans le domaine des PPP. Il n’existe pas de loi cadre encadrant les PPP mais une multitude de réglementations nationales et sectorielles incohérentes et redondantes provoquant le report voire l’annulation des projets en PPP. Dans ce contexte les réglementations sectorielles ont tendance à prendre le pas sur les réglementations nationales et leur amendement est fastidieux et chronophage étant donné qu’il est subordonné à l’adoption d’une approche transversale interministérielle.
  • Le deuxième est la difficulté des autorités à identifier des projets viables susceptibles d’intéresser les investisseurs. L’identification, la planification et la préparation de projets en PPP, impliquent une multiplicité d’acteurs tant au niveau central qu’au niveau régional (principalement gouvernements locaux, ministères techniques, ministère de la Planification et ministère des Finances). Non seulement chronophage, ce dispositif institutionnel manque de ressources financières et de compétences techniques pour mener à bien ce processus et conduit régulièrement à la redéfinition voire à l’abandon des projets, y compris après leur attribution.
  • Le troisième est la prédominance des SOEs dans le portage de projet d’infrastructures. Pour faire face à l’urgence du développement des infrastructures, l’Etat se repose souvent sur les SOEs qui bénéficient (i) d’un accès privilégié aux financements (sous forme de recapitalisations directes par le budget de l’Etat ou via leur garantie publique implicite), (ii) d’exigences financières moindres (voire inexistantes dans le cadre de projet de développement) et (iii) d’une procédure d’appel d’offres simplifiée.
  • Le quatrième est la limitation des sources de financement à long terme en monnaie locale. Les revenus associés aux projets d’infrastructures étant le plus souvent libellés en roupie (IDR), l’existence d’une offre diversifiée de sources de financement en monnaie locale est indispensable pour attirer le secteur privé. Les financements bancaires sont pour l’instant limités en raison de la taille modeste du secteur (les actifs bancaires représentent 55% du PIB), de l’absence de liquidités à long terme (les prêts dépassent rarement 7 ans) et de la forte sélectivité des prêteurs privilégiant les entreprises bénéficiant d’une solidité financière avérée. Les financements obligataires sont également mineurs faute d’un pool d’investisseurs suffisants (les actifs des investisseurs institutionnels représentent 12 % du PIB). Ils ne représentent que 16 % des encours de dette corporate de la Bourse Jakarta soit 4,2 Mds USD.

 

5. Pour lever ces obstacles, le gouvernement a pris des mesures d’ordre institutionnel, réglementaire et financier. En matière institutionnelle, il s’agit notamment de la création d’une unité spéciale en charge des PPP au sein du Ministère des Finances et de l’établissement du Comité pour l’accélération des projets d’infrastructures prioritaires (KPPIP) en charge de coordonner les projets offerts en PPP. En matière réglementaire, une clarification du cadre des PPP a été amorcée avec le décret présidentiel n°3/2015 tandis que certains secteurs ont été ouverts aux investissements étrangers (autoroutes). D’autres mesures prises doivent permettre de simplifier les démarches à l’instar de la fenêtre unique d’octroi de permis au Bureau de coordination pour les investissements étrangers (BKPM) pour tout investissement d’un minimum de 7 M USD ou de la facilitation des procédures d’acquisition foncière. En matière financière, de nouveaux mécanismes incitatifs ont été introduits tels que l’Availability Payment (paiements périodiques d’une entité publique au concessionnaire en fonction de la disponibilité du service et de la réalisation des objectifs de qualité et de performance assignés par les contrats) ou le Viability Gap Funding (financement compensatoire pour les projets prioritaires dont le Taux de Rentabilité Interne-TRI est faible). L’Etat expérimente également des financements alternatifs tels que le PINA (facilité de financement non-gouvernementale pour les infrastructures dont les fonds sont apportés par des investisseurs institutionnels) ou la titrisation.