SER d'Ankara

 Pierre Autissier

Quel est le rôle du Conseiller et du Pôle au sein du SER d’Ankara de l’Ambassade de France ?

Etre Conseiller aux affaires agricoles, c’est représenter le Ministère français de l’agriculture et de l’alimentation, au sein d’un service dédié aux échanges économiques entre nos deux pays, tous secteurs confondus, géré par la Direction générale du Trésor, dans le cadre de la politique étrangère de la France en Turquie. C’est donc pouvoir bénéficier de beaucoup de compétences, afin de les mettre au service de notre coopération agricole et agroalimentaire en particulier et de notre coopération économique en général : l’objectif in fine est bien d’accroître nos échanges commerciaux, dans un cadre institutionnel serein.

Concrètement, à travers des contacts quasi-quotidiens entre les deux ministères en charge de l’agriculture, mais également avec les acteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire de nos deux pays, les organisations internationales présentes à Ankara (DUE, FAO) c’est jouer un rôle de représentation, de conseil, d’orientation des uns vers les autres et de mise en réseau des compétences. Je suis donc régulièrement amené à :

- Expliquer et défendre les positions et intérêts français en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, déclinées à l’aune de la PAC, dans le cadre de la politique extérieure de la France ;

- Expliquer les politiques françaises aux autorités turques et surtout expliquer aux autorités françaises les positions turques à partir de mon positionnement spécifique à Ankara ;

- Et donc, être en permanence à l’écoute de ce qui se passe en Turquie et le relayer aux autorités françaises, sous forme d’analyses sectorielles, d’avis circonstanciés ou d’études conduites sur le terrain.

La Turquie a reconnu l’utilité de ce dispositif d’interlocuteur privilégié, puisqu’elle envisage d’ouvrir un poste de Conseiller agricole au sein de son Ambassade à Paris.

Ainsi, au sein du SER, le Pôle agricole est en charge de promouvoir une forme d’excellence française. Nous avons fixé comme objectifs :

- D’être une structure bien identifiée, référence pour les Turcs et les Français, pour tout ce qui concerne les aspects règlementaires liés aux échanges agricoles et agroalimentaires (attestations de documents, intermédiaires entre les administrations, déblocages de denrées en douane…) ; le pôle, s’il ne sait pas répondre immédiatement aux sollicitations qui lui arrivent, sait où et à qui les relayer ;

- De soutenir l’offre française sur le marché turc, notamment en orientant l’action de Business France ;

- De faciliter les échanges commerciaux agricoles et agroalimentaires, en particulier en matière d’animaux et de produits animaux (le marché turc vient d’ailleurs d’être réouvert aux jeunes bovins français grâce à la mobilisation, entre autres, du Pôle agricole du SER) ;

- De produire de la connaissance sur le pays, sur l’agriculture et l’agroalimentaire turcs, par le biais d’analyses, de réponses à des commandes ou de rédaction de notes sectorielles

- D’être au cœur de tout l’évènementiel dédié à la coopération agricole franco-turque, qu’elle soit institutionnelle (le Comité technique agricole franco-turc), ou promotionnelle d’une forme d’excellence française (séminaires, accueil de délégations françaises…)

- De développer les échanges de personnes, de techniciens, d’experts, d’enseignants, d’étudiants ou encore de fonctionnaires entre les pays, partant du principe qu’une bonne coopération institutionnelle s’appuie avant tout sur une bonne connaissance interpersonnelle.

Quels sont les projets en cours avec la Turquie dans ce domaine ?

La coopération dans le domaine agricole est ancienne. La Turquie n’hésite pas à faire appel à l’expertise française, à travers des approches thématiques (foncier, mécanisation, drainage, irrigation, indications géographiques…) et dans le domaine du développement rural, à travers la mobilisation des fonds européens IPARD I et II (Instrument for Pre-Accession in Rural Development).

Concrètement, nous sommes mobilisés sur un certain nombre de sujets, arrêtés conjointement dans le cadre du Comité technique agricole franco-turc, instance bilatérale entre les deux ministères en charge de l’agriculture. Celui-ci se réunit une fois par an depuis 2012, année de sa réactivation, sous co-présidence franco-turque. Il a ainsi défini 5 axes majeurs de travail, qu’il renouvelle et évalue tous les ans :

- La lutte conjointe contre l’insécurité alimentaire et la volatilité des prix des matières premières agricoles, à travers un lobbying conjoint dans les instances internationales (G20) ou les organisations internationales (FAO, CIHEAM). Après la première ministérielle agricole organisée par la France en 2011, la Présidence turque du G 20 en 2015 a choisi de placer l’agriculture dans l’agenda des réunions ministérielles. Grâce à cette double impulsion franco-turque, le sujet a ensuite été repris sous la présidence chinoise et les présidences successives. On peut espérer qu’il est désormais sanctuarisé.

- L’amélioration de nos relations commerciales, en particulier des flux d’animaux et de produits animaux, mais en nous efforçant de diversifier l’offre commerciale entre nos deux pays avec la restauration de flux normaux dans le commerce des animaux, en particulier l’ouverture du marché turc aux bovins français ;

- Restaurer les flux d’échanges intellectuels et universitaires dans le domaine de la recherche agricole et l’amélioration des compétences professionnelles, à travers la mobilisation conjointe des programmes européens de mobilité (ERASMUS pour tous) et de recherche (ERANET) ;

- Contribuer au développement rural, à travers la mobilisation des fonds IPARD, sur des sujets cruciaux comme la sécurité alimentaire, l’éco-conditionnalité des aides agricoles ou encore la gestion du foncier agricole ;

- Promouvoir les produits de terroir et les Indications géographiques des deux pays.

Un des dossiers important qui mobilise le poste est l’appui à la reprise des ventes de broutards français à destination de la Turquie, suite à la levée de l’embargo turc sur les animaux français.

En parallèle, nous nous efforçons de diversifier l’offre commerciale entre les pays (céréales, produits transformés, etc…) et un axe de développement qui pourrait être intéressant pour 2018 est celui de la coopération franco-turque vers pays tiers (par exemple l’Afrique), à travers des projets communs.

Vos réussites?

L’année 2017 aura évidemment été marquée par la réouverture du marché turc aux broutards français, marché fermé pour cause de FCO (fièvre catarrhale ovine) en France : après un embargo quasi complet sur les animaux français, la Turquie a accepté de ré-importer des animaux vaccinés, dans certaines conditions, après beaucoup de rencontres, sommets et discussions, tant bilatérales qu’au sein des instances européennes au cours desquels le pôle agricole a joué tout son rôle de médiateur.

Une autre réussite est d’être intervenu dans le débat national turc qui a lieu actuellement sur les produits de terroir et les indications géographiques : le modèle dit « à la française » de reconnaissance, valorisation et protection de nos appellations est un modèle dont le pays souhaite s’inspirer. Le pôle s’est investi dans de nombreux séminaires régionaux, organisés par les Chambres de commerce et d’industries sur ce sujet, et l’expérience française, acquise à travers le temps et histoire même de nos produits, a été particulièrement sollicitée. Cette reconnaissance mutuelle des spécificités régionales de nos deux pays doit permettre d’aboutir à terme à un développement de nos échanges.

Enfin, l’existence d’un Comité technique franco-turc dédié à l’agriculture et l’agroalimentaire, que nous animons et réussissons à réunir régulièrement depuis 2012, a permis d’arrêter finement et d’évaluer les politiques mises en place, marquant ainsi la sécularisation de notre coopération : le dialogue entre nos administrations, notamment vétérinaires, a été largement réengagé ; de nombreuses missions d’étude ont été réalisées, touchant à des problématiques allant de la qualité des carcasses animales à la répartition des terres agricoles au cours des générations, en passant par le machinisme agricole ou l’équipement des laboratoires vétérinaires, pour ne citer que ces exemples. Il faut rappeler que c’est bien à travers le dialogue entre ces administrations que de nombreux cas de blocages administratifs (marchandises bloquées en douane, par exemple) ont été résolus, permettant à nos flux commerciaux de se maintenir, voire de s’intensifier.

Le récent déblocage des importations de bovins français, et la dernière visite du président turc en France (5 janvier 2018) qui a rappelé la qualité et l’importance des échanges agricoles entre nos deux pays, permettent d’envisager l’année 2018 avec sérénité.