Une reprise tirée par la consommation.

En 2017, l’économie finlandaise devrait enregistrer l’un des taux de croissance les plus élevés de la zone euro. La croissance du PIB se situerait autour de 3 %, bénéficiant notamment du dynamisme de la demande intérieure et de l’amélioration de la conjoncture dans l’UE et en Russie. Pour 2018, la plupart des prévisions tablent sur un léger ralentissement de la croissance (entre +2 % et +2,7 %) mais ces prévisions restent très tributaires de la croissance des autres pays européens. Le déficit budgétaire serait ramené à 1,2 % du PIB en 2017 et remonterait légèrement en 2018 du fait du ralentissement de la croissance et des baisses d’impôts.

  1. En 2017, l’économie finlandaise devrait enregistrer l’un des taux de croissance les plus élevés de la zone euro.

Après trois années de récession (2012 à 2014)[1] et une année de croissance nulle en 2015, l’économie finlandaise a crû de +1,9 % en 2016. La consolidation de la reprise s’est confirmée lors des deux premiers trimestres de 2017, le PIB enregistrant une croissance de +1,2 % au premier trimestre par rapport au trimestre précédent, et de +0,8 % au deuxième trimestre.

Au troisième trimestre 2017, selon l’Institut finlandais de la statistique, la croissance du PIB s’est établie à +0,4 %. Ce léger ralentissement par rapport au T2 s’explique notamment par celui de la consommation privée (+0,5 % contre +1,1 % en T2). Les investissements ont augmenté de +2,3 % mais les exportations ont à nouveau diminué au T3 (-2 %) après une première baisse enregistrée au T2 (-0,1 %). Les importations se sont aussi contractées par rapport au trimestre précédent (-2,5 %).

La consommation des ménages est soutenue en 2017 essentiellement par la faiblesse de l’inflation. En octobre 2017, les prix étaient en hausse de +0,5 % par rapport au même mois de l’année passée, contre +1,4 % en zone euro. La signature du Pacte de compétitivité en 2016, qui a abouti au gel des salaires pour 2017, a été obtenue en échange d’une réduction ponctuelle de l’impôt sur le revenu. Cette réduction d’un montant total de 515 M € devrait en partie compenser les effets potentiellement négatifs du gel des rémunérations sur la consommation privée.

Le chômage continue à décroître lentement, passant de 8,8 % en décembre 2016, à 8,5 % en octobre 2017. Un léger recul du chômage de long terme (>1 an) a été constaté à l’automne mais il concernait encore 35 % de la population à la recherche d’un emploi en octobre 2017. Les difficultés d’appariement, liées notamment aux disparités géographiques et aux problèmes d’adéquation des qualifications, contribuent à expliquer la persistance d’un taux de chômage élevé malgré le dynamisme de la croissance. De plus, l’amélioration de la conjoncture encourage le retour sur le marché du travail du « chômage déguisé »[2].

L’investissement est remonté au T3 2017, avec +2,3 %, contre +1,2 % au trimestre précédent. Cette accélération est principalement le fait des investissements en machinerie, équipements et matériels de transport (+5,0 %). Dans le contexte économique favorable actuel, les entreprises investissent davantage et renouvellent leur capital productif. Elles bénéficient également des taux d’intérêt bas. En revanche, les investissements dans le secteur de la construction marquent le pas, avec +0,3 % de croissance au T3, contre +1,0 % au T2. A titre d’illustration, la construction de nouveaux bâtiments non résidentiels était en diminution de -0,3 % en octobre 2017 par rapport au même mois de l’année précédente. La construction de nouveaux bâtiments résidentiels enregistrait quant à elle une augmentation de +6,8 %, à rapprocher cependant des taux de croissance proches de +20 % au premier trimestre 2016. Ce ralentissement intervient après une période de rattrapage où beaucoup de projets immobiliers ont été lancés afin de combler un déficit en logements et immeubles de bureaux après plusieurs années de report.

Les exportations se sont à nouveau contractées au T3 (-2,0 %), après une baisse de -0,1 % déjà constatée au deuxième trimestre 2017[3]. Ce recul succède à une forte augmentation au premier trimestre 2017 (+7,1 %) et illustre le caractère encore fragile de la reprise des ventes finlandaises à l’étranger, après plusieurs années de perte des parts de marché à l’export. La Finlande bénéficie du renforcement de l’activité chez ses principaux clients (Suède, Allemagne et Russie) mais reste très exposée aux potentiels chocs de demande externe.

En revanche, il est encore trop tôt pour évaluer les efforts entrepris pour redresser la compétitivité-prix à l’exportation, jugée en partie responsable de la perte de parts de marché à l’export après la crise de 2009. Ces efforts ont culminé en 2016 avec la conclusion d’un Pacte de compétitivité, qui prévoit plusieurs mesures de diminution du coût du travail, telles que le gel des salaires en 2017, l’augmentation non rémunéré du temps de travail annuel et la transformation d’une partie des cotisations patronales en cotisations salariales. Selon les projections du ministère des Finances, les salaires ne devraient croître que de +0,3 % en 2017, soit l’un des taux les plus faibles de la zone euro. L’effet de cette modération salariale sur la compétitivité à l’exportation reste encore à évaluer et dépendra notamment du fait de savoir si les entreprises finlandaises saisiront cette opportunité pour baisser leurs prix de vente ou pour renforcer leurs marges.

Au total, pour 2017, les principaux instituts de prévision publics et privés tablent sur une croissance économique située entre +2,5 % pour l’estimation la plus basse (Banque SEB) et +3,3 % pour l’estimation la plus optimiste (Commission européenne). Selon cette dernière estimation, la Finlande devrait donc figurer parmi les pays de la zone euro au plus fort taux de croissance, notamment devant l’Espagne (+3,1 %) ou les Pays-Bas (+3,2 %), la moyenne pour la zone euro étant de +2,2 %.

  1. Pour 2018, les prévisions indiquent un léger ralentissement de la croissance économique, dû notamment au moindre dynamisme de la demande intérieure.

La consommation serait freinée (de +1,6 % à +1,2% selon le ministère des Finances) par une augmentation des prix à la consommation plus rapide en 2018 qu’en 2017 (+1,5 %), liée principalement à l’évolution des prix de l’énergie. De la même façon, une remontée progressive des taux d’intérêts bancaires pèserait sur le pouvoir d’achat, notamment par le biais de remboursements plus élevés des prêts.

La résorption du chômage devrait demeurer lente. Le ministère des finances prévoit ainsi un taux de chômage de 7,9 % fin 2018. Le projet de budget pour 2018 prévoit certaines mesures qui pourraient avoir un effet positif sur l’emploi. Par exemple, le gouvernement prévoit d’étendre la gratuité des frais de garderie municipale à plus de 6 700 ménages finlandais, dans le but de favoriser un retour à l’emploi plus rapide après la naissance d’un enfant. Le gouvernement a aussi annoncé une augmentation de 25 M € des crédits des agences régionales pour l’emploi pour accompagner les demandeurs d’emploi en échange des obligations de recherche plus active qui pèsent désormais sur eux. Toutefois, cette mesure doit être rapprochée des coupes de 300 M € annoncées au début de la législature, dont 80 M sont encore inscrits au budget 2018. Il est aussi prévu de financer des services privés à hauteur de 15 M € pour accompagner 10 000 jeunes chômeurs vers l’emploi.

Les investissements devraient également ralentir (+3,7 % contre +4,7 % prévus pour 2017). Dans le secteur de la construction, le nombre de mises en chantier devrait continuer à diminuer et la plupart des grands chantiers immobiliers devraient être achevés en 2018, tels que la bibliothèque centrale d’Helsinki, résultat d’un investissement de 100 M €.

Début septembre 2017, la banque nordique Nordea a annoncé le transfert de son siège social de Stockholm à Helsinki. Cette relocalisation, censée être effective au 1er octobre 2018, devrait faire passer la taille du secteur bancaire finlandais de 120 % à 350 % du PIB. Même si à ce stade Nordea n’a pas communiqué d’estimations sur le nombre d’employés concernés par ce transfert, il est probable que le déménagement du siège à Helsinki exerce un effet positif sur la consommation, l’investissement et les rentrées fiscales de la Finlande.

S’agissant des exportations, le ministère des Finances prévoit également un ralentissement de leur croissance par rapport à 2017 (+3,7 % contre +4,7 %). Cette évolution s’expliquerait notamment par une croissance économique moins dynamique dans l’UE, destinataire de près de 60 % des exportations finlandaises. D’autre part, l’amélioration des perspectives économiques a nourri une forte revendication salariale pour 2018 et 2019. Les négociations salariales ont été conduites pour la première fois au niveau des branches et non au niveau national. Cependant, la branche du bois-papier a obtenu à l’automne 2017 des augmentations salariales de +3,5 % sur deux ans, soit +1,8 % la première année, et +1,7 % la deuxième année. Celle des industries technologiques a négocié +3,2 % sur deux ans. Ces deux accords couvrent plus de 40% des ventes finlandaises à l’étranger. Ces hausses de prix, qui devraient s’étendre aux autres secteurs, pourraient remettre en cause les efforts de modération salariale entrepris depuis 2014 (cf supra) et leurs effets sur la compétitivité-prix de la Finlande.

En 2018, la croissance devrait donc se situer entre +1,8 % pour l’estimation la plus basse (Danske Bank) et +2,7 % pour l’estimation la plus optimiste (Commission européenne). Malgré ce ralentissement, et selon la Commission européenne, l’économie finlandaise devrait tout de même croître à un rythme plus rapide que la moyenne estimée pour la zone euro (+2,1 %).

  1. Le gouvernement affiche le maintien d’une politique budgétaire d’austérité mais le budget 2018 avoir globalement un effet procyclique.

Après -1,8 % en 2016, les prévisions du ministère des Finances d’avril tablaient pour 2017 sur un déficit public de -2,3 % du PIB, la dégradation s’expliquant par les baisses de l’impôt sur le revenu accordées en échange de la signature du pacte de compétitivité. Or, selon la dernière prévision du ministère des Finances[4], le déficit public pourrait être limité à 1,2 % du PIB en 2017, essentiellement en raison d’une croissance plus dynamique que prévue et de son effet positif sur les recettes. Une grosse transaction opérée par une entreprise finlandaise a aussi permis de gonfler de façon exceptionnelle les recettes de la taxe sur les plus-values en capital et de baisser le déficit de 0,4 pt de PIB. Le ministre des Finances a confirmé à la mi-décembre que, sur la base des emprunts lancés à ce jour, le déficit serait sensiblement moins élevé que prévu.

Les prévisions budgétaires pour 2018 ont été établies sur la base d’une estimation prudente en termes de croissance pour 2018, soit +2,1 %, et d’une remontée de l’inflation à +1,5% comme exposé ci-dessus. Le déficit public s’élèverait à -1,4 % du PIB. La légère dégradation du déficit par rapport à 2017 s’expliquerait principalement par l’effet d’une croissance ralentie sur le budget des collectivités locales et sur l’excédent des fonds de sécurité sociale. Le déficit de l’Etat central se réduirait encore, passant de -2,3 % du PIB à -2 % tandis que le déficit des collectivités locales augmenterait de -0,1 % du PIB à -0,3 %. Les excédents des fonds de sécurité sociale se réduiraient de +1,1 % du PIB à +0,9 %, la réduction étant partagée également entre les fonds de pension (+0,9 % d’excédents en 2017 et +0,7 % en 2018) et les autres fonds de sécurité sociale (+0,3 % en 2017 et +0,2 % en 2018). L’augmentation du nombre de bénéficiaires et du montant des retraites perçus continue à entraîner une hausse des dépenses de retraites, malgré les réformes visant à allonger la durée de la vie active et à réduire les prestations.

L’austérité budgétaire puis la croissance ont permis de ralentir la croissance de l’endettement public général qui baisserait relativement au PIB, de 63,1 % en 2016 à 62,5 en 2017 puis 61,9 en 2018.

Le projet de budget de l’Etat central présenté au Parlement en septembre s’élevait à 55,7 M€[5]. L’adoption définitive de ce budget est prévue pour le 20 décembre 2017 mais les aménagements annoncés jusqu’ici restent peu importants. Ce budget s’inscrit dans le cadre de l’effort de réduction des dépenses annoncé par le gouvernement en 2015, d’un montant cumulé de 10 Mds € sur la durée de la législature (2015-2019). Néanmoins, les recettes seront encore affectées par les baisses d’impôts promises en échange de la signature du pacte de compétitivité (-300 M€). Plusieurs mesures nouvelles en dépenses ont de plus été annoncées, dont certaines reviennent partiellement sur des coupes effectuées en début de mandat, notamment en ce qui concerne l’aide à la recherche ou les dépenses en faveur du retour à l’emploi mentionnées ci-dessus. Le projet de budget prévoit aussi de nouvelles hausses de dépenses dans les domaines de la défense et de la sécurité. Au cours des débats budgétaires, le gouvernement a par ailleurs renoncé à certaines hausses d’impôts précédemment annoncées. Les dépenses de chômage devraient diminuer de -168 M€, du fait de l’embellie de la conjoncture. Au total, le FMI estime dans son dernier rapport que le budget aura en 2018 un effet procyclique alors que la Finlande aurait pu profiter du dynamisme de la croissance pour réduire plus fortement son endettement.

S’agissant des collectivités locales, le fait majeur reste la mise en œuvre de la réforme des services sociaux et de santé. Cette réforme de vaste ampleur vise à transférer les compétences en matière de santé des 311 municipalités à 18 nouvelles régions de santé. Elle doit permettre des économies d’échelle et une meilleure maîtrise de l’évolution des dépenses de santé dans un contexte de vieillissement rapide de la population finlandaise. Un paquet législatif a ainsi été présenté devant le Parlement en mars 2017. En juin 2017, après l’analyse de ces projets de loi, la Commission de la constitutionnalité des lois du Parlement a jugé certaines dispositions d’un de ces textes contraires à la Constitution, renvoyant donc le projet au gouvernement qui doit en présenter une version amendée d’ici mars 2018. De ce fait, la date d’entrée en vigueur de la réforme a été repoussée d’un an, à janvier 2020.

La mise en œuvre de cette réforme apparaît complexe. Elle crée un nouvel échelon administratif et des élections régionales doivent être organisées en octobre 2018 pour doter ces régions de conseils exécutifs. Cette réforme implique aussi le développement, à l’échelle nationale, d’un système d’information commun à tous les services de santé. Le report de la date d’entrée en vigueur à 2020, soit après la fin de la législature actuelle, apparait comme un aveu de l’échec des membres de la coalition gouvernementale à surmonter leurs désaccords sur ce dossier, le parti du Centre tenant avant tout à créer un nouvel échelon régional et surmontant mal son hostilité face aux tentatives du parti du Rassemblement national de saisir l’occasion de cette réforme pour élargir la place du secteur privé dans les services de santé, en garantissant notamment la liberté de choix des patients entre soins publics et soins privés.

L’estimation des bénéfices que doit engendrer cette réforme reste floue. Les dernières estimations gouvernementales tablent sur des économies de 4 Mds € à long-terme (horizon 2029), alors que jusqu’à présent le chiffre de 3 Mds était avancé. De plus, un avis récent rendu par le National Audit Office juge ces estimations irréalistes. Dans un premier temps, cette réforme devrait s’avérer couteuse pour les finances publiques. Le budget pour 2018 prévoit déjà des dépenses de l’ordre de 300 M € pour la mise en œuvre de la réforme, notamment afin de financer le développement du système national d’information.

  1. En ce qui concerne le secteur financier, la progression de l’endettement des ménages et le transfert du siège de Nordea accroissent les risques.

L’endettement des ménages continue à augmenter, en raison notamment de la persistance de taux d’intérêts bas. Représentant 125 % du revenu disponible des ménages en 2016, le niveau de dette des particuliers devrait s’établir à près de 130 % du PIB en 2017. Selon le FMI[6], l’endettement est inégalement réparti sur la population et pèse principalement sur les ménages les plus pauvres et sur les ménages les plus aisés. Près d’un quart des ménages ayant souscrit un prêt immobilier est endetté à plus de 400 % du revenu disponible. Une hausse des taux d’intérêt pourrait avoir un effet sensible sur le revenu disponible des ménages, voire sur le risque de défaut, dans un pays où les prêts immobiliers sont en partie basés sur des taux d’intérêt variables indexés sur l’EURIBOR.

D’autre part, face au risque supplémentaire représenté par la relocalisation à Helsinki du siège de NORDEA, banque considérée d’importance systémique, le ministère des Finances finlandais a prévu la mise en place d’un mécanisme de sécurité temporaire (Systemic Risk Buffer) qui permettrait éventuellement d’accroitre les exigences de fonds propres du secteur bancaire. Dans certaines conditions, l’autorité de supervision finlandaise FIN-FSA pourrait ainsi exiger des banques présentes sur le territoire la mise en place d’un coussin de sécurité supplémentaire, estimé entre 1 % et 5 % des capitaux propres.

 



[1] 2012 : -1,4 % ; 2013 : -0,8 % ; 2014 : -0,6 %.

[2] Cette catégorie désigne les demandeurs d’emploi disponibles pour reprendre un travail mais ayant abandonné toute démarche de recherche.

[3] Les statistiques des exportations et importations font souvent l’objet de révisions de la part de Statistics Finland. Cette première estimation est donc à prendre avec précaution.

[4] projet de plan budgétaire établi pour la Commission en septembre 2017

[5] Soit 24 % du PIB prévu : ce budget ne concerne que 95 % des dépenses de l’état central et n’inclut pas celles des collectivités locales ou les fonds de sécurité sociale.

[6] Revue de 2017 du FMI conduite au titre de l’article IV.