En effectuant deux nouvelles baisses de son taux directeur en août et en septembre, la Banque centrale indonésienne a récemment surpris les observateurs en renforçant l’assouplissement monétaire qu’elle avait initié en 2016. Alors que la croissance du crédit a fortement ralenti depuis 2013, la transmission de la politique monétaire par ce canal s’est révélée sous-optimale jusqu’à présent. Un consensus semble désormais se dessiner autour d’un scenario de pause dans les baisses de taux.

La Bank Indonesia a réduit son taux directeur de 200 points de base depuis début 2016

La Bank Indonesia a baissé son taux directeur à six reprises au cours des dix premiers mois de 2016, devenant l’une des banques centrales les plus actives en 2016. L’autorité monétaire a également changé de taux de référence en août 2016 (passage du taux à 12 mois au taux de mise en pension à 7 jours). Ces actions ont notamment été rendues possibles par le fait que le système financier indonésien est relativement sain, à l’image de sa résilience depuis la hausse des taux de la Federal Reserve américaine en décembre 2015.

En août 2017, la Bank Indonesia a procédé à une nouvelle baisse qui a surpris la majorité des observateurs. Alors que sa « forward guidance » était explicite et qu’elle avait maintenu son taux stable depuis octobre 2016, la Banque centrale a ainsi porté ce dernier à 4,50%, arguant notamment d’une moindre incertitude sur l’environnement international. Cette action a été renforcée en septembre 2017 avec une deuxième baisse de 25 points de base (pbs), intervenant dans un contexte d’inflation jugé acceptable (inférieur à 4%) et de maîtrise du déficit courant (environ 2% du PIB).

Ces décisions ont par ailleurs été accompagnées par une baisse du taux des réserves obligatoires (passé de 8% en 2015 à 5% en mai 2017) et une réduction des ratios de couverture des prêts pour les financements immobiliers.

Cette politique monétaire accommodante vise à soutenir la demande de crédit, au plus bas depuis plusieurs années et, in fine, la croissance en baisse depuis 2011

A 7,5% en 2015, le taux directeur indonésien s’établit désormais à 4,25%. Si les taux offerts par les banques ont bien suivi les mouvements du taux de référence (-139 pbs pour les prêts de trésorerie, -105 pbs pour les prêts à l’investissement, et -91 pbs pour les prêts à la consommation entre janvier 2016 et août 2017), la croissance du crédit demeure inférieure à 10%, contre plus de 20% entre 2010 et 2013 lors du pic du cycle des matières premières. Alors que les autorités anticipaient encore au printemps que la croissance du crédit s’établirait autour de 11% en 2017, la Banque centrale table désormais sur une fourchette de [8% - 10 %] et sur une fourchette de [10% - 12%] en 2018.

Comme le reconnait elle-même la Bank Indonesia, la transmission de la politique monétaire par le canal du crédit s’est révélée insuffisante. A la suite de la chute des cours des matières premières – qui représentent plus de 50% des exportations du pays, les banques indonésiennes ont vu le niveau de leurs prêts non-performants progresser rapidement et, par prudence, ont préféré assainir leurs portefeuilles à partir de 2016 plutôt que de chercher à les développer. Le crédit à l’économie a dans le même temps pâti d’une moindre demande : les entreprises ont été affectées par la crise et font face à des surcapacités, parfois importantes ; le taux d’utilisation moyen des capacités industrielles atteignait 77% en juillet 2017.

Les deux dernières baisses de taux ne sont peut-être pas étrangères à la déception générée par une croissance inférieure aux attentes au deuxième trimestre 2017 (stable par rapport au premier trimestre, à 5,01%) et aux difficultés du gouvernement à augmenter significativement son budget faute de pouvoir augmenter ses recettes.

Un consensus semble désormais se dessiner autour d’un scenario de pause dans les baisses de taux. Fin septembre, le Gouverneur de la Banque centrale a déclaré que les dernières actions étaient « suffisantes ». Début octobre, le PDG de Bank Mandiri – l’une des principales banques du pays – a quant à lui estimé que le taux était désormais « relativement optimal » et qu’une nouvelle baisse n’aurait pas d’effet tant que les banques n’auraient pas réduit le niveau de leurs prêts non-performants. Plus récemment, l’agence de notation Moody’s a publié une note de recherche dans laquelle elle conseille à la Bank Indonesia de faire une pause dans son assouplissement, étant donné la stratégie monétaire engagée par la Federal Reserve qui pourrait notamment renforcer le dollar américain.

 

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