Résultat en demi-teinte pour le lancement de l’Energy Bond

 

Les deux premières tranches de l’émission obligataire de 10 Mds GHC (2,3 Mds USD) destinée à apurer les dettes des entreprises publiques du secteur énergétique ghanéen (Energy Bond) n’ont été souscrites qu’à un peu moins de 80%. Cette émission s’est faite sans l’approbation du FMI, qui a décidé de classer en dette souveraine les 4,49 Mds GHC (1,07 Mds USD)  de titres acquis par les investisseurs. Le secteur énergétique et le secteur bancaire devraient bénéficier d’un premier assainissement financier mais au prix d’une pression accrue sur les finances publiques, déjà très détériorées.

 

  1. Les premières tranches de l’Energy Bond n’ont été que partiellement souscrites par les investisseurs.

Les deux premières tranches de l’émission obligataire de 10 Mds GHC (2,3 Mds USD soit 3% du PIB du Ghana) destinée à apurer les dettes des entreprises publiques du secteur énergétique ghanéen (Energy Bond) n’ont pas obtenu les résultats escomptés par le gouvernement.

Sur les 6 Mds GHC (1,36 Mds USD) de titres émis par le fonds commun de créances créé pour l’opération, seuls 4,69 Mds GHC (1,07 Mds USD, soit moins de 80% de la somme totale) ont été souscris et ce, à un taux supérieur aux anticipations :

 

  •  La première tranche obligataire, d’une période de 7 ans et d’une valeur de 2,4 Mds GHC (550 M USD), a été entièrement souscrite au taux de 19% (17,24% anticipés).

     

  •  La seconde, d’une période de 10 ans et d’une valeur de 3,6 Mds GHC (820 M USD), n’a été souscrite qu’à hauteur de 2,29 Mds (520 M USD) GHC à un taux de 19,5% (17,75% anticipés). 

     

  • Les recettes collectées sont réparties entre l’Electricity Company of Ghana (47,70%), la Volta River Authority (22,40%), la Tema Oil Refinery (22,40%) et Legacy Bonds Limited (6,60%), conformément à la composition du fonds commun de créance.

 

Les divergences de vue des analystes sur le caractère souverain du bond ont certainement contribué à alimenter l’incertitude parmi les investisseurs. Bien que les entreprises publiques bénéficiaires de l’obligation soient surendettées, l’Etat n’a pas consenti de garantie souveraine dans l’opération. Le remboursement de l’obligation est garanti par des créances sur les futures recettes issues de taxes pétrolières. Mais, du fait de leur volatilité, celles-ci n’ont pas la même teneur que des actifs tangibles, ce qui accroit les risques d’insolvabilité.

En outre, le Ghana a sans doute surestimé sa réputation auprès des marchés financiers. Le pays ne dispose d’aucun antécédent en matière d’émission d’obligations non-souveraines supérieures à 1 Mds USD, libellées en cedi et proposées aux non-résidents. En avril dernier, l’émission d’une obligation souveraine d’une valeur de 2,25 Mds USD avait été couronnée de succès mais 95% de ses parts n’avaient été acquis que par un seul investisseur.

 

2- L’assainissement financier du secteur de l’énergie et du secteur bancaire se fait au prix d’une pression accrue sur les finances publiques.

Le secteur énergétique devrait bénéficier d’un premier assainissement financier grâce à cette émission obligataire.  Les 2,4 Mds USD de dettes croisées du secteur paralysent les politiques d’investissement dont les entreprises publiques ont besoin pour améliorer la productivité et réduire leurs coûts de production et de distribution.

Le secteur bancaire, exposé au surendettement du secteur de l’énergie à hauteur de 40% de ses encours de prêts, devrait également bénéficier de cet assainissement.  Une fois leurs créances douteuses remboursées, les banques devraient être en mesure de remobiliser leurs crédits vers d’autres secteurs porteurs de croissance.

Mais cette émission obligataire devrait aussi avoir de lourdes conséquences pour l’endettement du Ghana. Le FMI a en effet décidé de classer l’obligation en dette souveraine. Le stock de dette publique (73,5% du PIB fin 2016) et le service de la dette, dont le coût représente déjà 40% des recettes fiscales du pays,  devraient encore s’accroître. Cette émission met donc en péril la tenue des objectifs du programme d’aide du FMI qui doit se clôturer en décembre 2018.

 

 

 

Le gouvernement ghanéen a décidé de cette émission obligataire malgré la désapprobation du FMI et son choix de classer le bond en tant que dette souveraine.

La mise en concession d’ECG, dont les déboires et les impayés sont la cause de la situation financière dégradée du secteur, devait permettre d’assainir la dette du secteur énergétique par des capitaux privés assortis d’un programme d’aide du Millenium Challenge Corporation (498 M USD), sans conséquence pour l’endettement du Ghana. Mais les retards ne cessent de s’accumuler dans le processus d’appel d’offre.

Le taux de souscription insuffisant de la tranche obligataire à 10 ans et les taux d’intérêts élevés devraient forcer le gouvernement à remettre en cause sa stratégie de refinancement du secteur de l’énergie. L’émission des dernières tranches de l’Energy Bond pourrait ainsi être compromise.

Le résultat en demi-teinte de cette opération traduit une défiance des investisseurs envers le papier ghanéen, probablement due au flou entretenu autour des garanties de remboursement de l’obligation et aux risques qui continuent de peser sur la stabilité macroéconomique du Ghana malgré les évolutions positives récentes.