L’attention de l’Espagne reste presque exclusivement concentrée sur la crise catalane, y compris dans les milieux agricoles.

Après les graves incendies de mi-octobre en Galice, la sécheresse persistante reste une préoccupation majeure en Espagne, ainsi que l’extension de la bactérie Xylella Fastidiosa sur les amandiers d’Alicante.

Les pêcheurs basques de thon germon protestent contre les flottes française et irlandaise.

Crise catalane et agriculture

Les organisations professionnelles agricoles catalanes, favorables à l’auto-détermination, ne craignent pas l’indépendance, même si celle-ci les privait, à terme, des aides de la PAC. Depuis le début de la crise, les principales organisations professionnelles agricoles de Catalogne, Unió de Pagesos et JARC-COAG, se sont mobilisées pour soutenir non pas l’indépendance mais « le processus d’auto-détermination et la défense de la liberté et de la démocratie », et n’ont pas manqué une occasion de le montrer (manifestations d’agriculteurs et défilés de tracteurs lors du référendum du 1er octobre, grève du 3 octobre, etc.). Toutefois, le spectre de la perte des aides PAC (représentant aujourd’hui entre 25 et 30% des revenus agricoles), qu’une éventuelle sécession provoquerait, ne semble pas inquiéter les agriculteurs catalans. Dans cette hypothèse, le syndicat majoritaire Unió de Pagesos (qui compterait près de 10 000 membres) a rappelé que la Catalogne est contributeur net au budget de la PAC. Il reconnait qu’une sortie du marché communautaire serait « suicidaire » pour l’agriculture catalane qui exporte 75% de ses produits vers l’UE. Il mise toutefois sur la négociation d’un accord commercial avec l’UE (sur le modèle Norvège-Islande-Suisse-Lichtenstein) et reste persuadé que les agriculteurs catalans sauraient trouver des débouchés alternatifs (marchés russe et chinois notamment) s’ils devaient vivre dos à l’Espagne et hors du marché communautaire. Par ailleurs, le syndicat compte sur le réinvestissement dans l’agriculture catalane des 2 Md€ nets que la région verse chaque année au budget espagnol. Les deux syndicats sont convaincus que l’UE n’abandonnera pas les agriculteurs catalans du jour au lendemain et sont confiants dans le maintien des aides PAC jusqu’en 2020.

Paiement anticipé des aides PAC 2017 aux agriculteurs catalans : Madrid a pris le relais. Suite à la prise de contrôle des comptes de la Catalogne par le Gouvernement central, il revenait à ce dernier de procéder au paiement anticipé de 70% des aides PAC 2017 en faveur des 48 000 bénéficiaires catalans. La totalité des déclarations individuelles uniques ayant été contrôlées, le département de l’agriculture catalan a dû demander au gouvernement central, la veille de la déclaration unilatérale d’indépendance, de payer les aides FEAGA correspondantes (156 M€). Au prix d’un lourd travail de transfert de données entre les organismes payeurs (FEGA) de Barcelone et Madrid, le FEGA madrilène a pu effectuer ces paiements dans le respect des règlements communautaires, et au grand soulagement des agriculteurs catalans qui redoutaient des retards liés à la crise politique. Le ministère espagnol a précisé que le FEGA dispose désormais de l’ensemble des fichiers nécessaires au paiement du solde 2017 (66 M€) en décembre prochain, et au paiement des aides couplées au premier trimestre 2018. Sur un total d’environ 5 Md€ d’aides directes de la PAC octroyées chaque année à l’Espagne, la Catalogne en perçoit 256 M€.

Politiques agricoles et forestières

Incendies de forêts

Mi-octobre, l’Espagne et le Portugal, dans des conditions de sécheresse sévère et balayés par des vents violents et chauds au passage de l’ouragan Ophelia, ont été à nouveau frappés par des incendies, de grande ampleur et très dispersés, causant la mort de 41 personnes dans le centre et le Nord du Portugal et de 4 personnes dans la région espagnole voisine, la Galice. En Espagne, les Asturies, la Cantabrie et la Castille et Léon ont également été touchées. Dans les 2 pays, les feux ont détruit des centaines d’habitations et ravagé plusieurs milliers d’hectares de pins et d’eucalyptus, mais aussi des zones forestières et naturelles protégées, à forte valeur patrimoniale (parcs régionaux, réserves de biosphère, zone Natura 2000). Ces drames s’ajoutent à ceux qu’ont subi, en juin, le Portugal (64 victimes, 254 blessés et plus de 20 000 ha ravagés dans une zone montagneuse du centre) et l’Espagne (8 500 ha détruits aux abords du parc national de la Doñana, en Andalousie). Le message de solidarité et de soutien que le ministre Stéphane Travert a adressé à ses homologues portugais et espagnole a été particulièrement apprécié par Madrid et Lisbonne. La ministre espagnole a rappelé que le Gouvernement avait alloué près de 2 Md€ à la politique forestière et indiqué que de nouvelles mesures de lutte contre les incendies seraient annoncées prochainement.

Sécheresse

Mise en place de mesures de restriction de l’irrigation dans certaines zones, afin de préserver la ressource pour l’alimentation de la population. La ministre de l’agriculture a annoncé que ces restrictions pourraient être étendues si le déficit de pluies s’aggrave dans les mois à venir. Au 2 octobre, les réserves hydrauliques du pays se situaient à 33,9%, contre 52,8% de moyenne au cours des 5 dernières années. Le déficit persistant de précipitations et les températures anormalement élevées aggravent la situation de sécheresse agronomique qui génère d’importants dégâts aux cultures et aux pâturages, notamment au Nord-Ouest et au centre de la péninsule. Trois bassins restent en alerte (Duero, Jucar, Segura).

Demande d’assouplissement des conditions du paiement vert. L’eurodéputée socialiste et vice-présidente de la commission agriculture du PE, Clara Aguilera, a demandé à la Commission d’assouplir les conditions liées au versement du paiement vert (notamment SIE) pour les agriculteurs espagnols touchés par la sécheresse persistante. Elle a précisé que pour la plupart d’entre eux, la moitié du montant de l’aide était en jeu.

Actualité PAC

L’Espagne, 1ère bénéficiaire et bénéficiaire net du budget communautaire.  Avec un total de 11,59 Md€ de fonds européens perçus en 2016, l’Espagne est le premier bénéficiaire des fonds communautaires. Avec un solde positif de plus de 2 Md€, le pays est bénéficiaire net. Toutefois, l’Espagne passe à la 3ème position (derrière la France et l’Allemagne) s’agissant du FEAGA (environ 5 Md€ en 2016).

Règlement Omnibus : satisfaction espagnole. L’eurodéputée PP Esther Herranz a qualifié de « très satisfaisant » l’accord politique Conseil/PE du 12 octobre sur la révision intermédiaire de la PAC, qui prend en compte un grand nombre de revendications espagnoles, telles que l’augmentation des aides aux JA, une meilleure définition des pâturages permanents (qui permet de mettre fin au préjudice subis par les éleveurs extensifs en zone méditerranéenne), le renforcement du rôle des OP dans les négociations collectives et l’amélioration de la gestion des droits de plantation viticole.

PAC2020 : la ministre espagnole fermement opposée à tout cofinancement. Lors d’un forum sur l’avenir de l’Europe, la ministre de l’agriculture, Isabel Garcia Tejerina, a confirmé que l’Espagne n’était pas disposée à assumer le cofinancement de la future PAC – scénario envisagé dans plusieurs documents de la Commission. Dans une approche très européiste, elle a rappelé l’importance des aides FEAGA-FEADER de l’actuelle programmation (47 Md€) pour le pays. Soulignant l’importance croissante du secteur agroalimentaire, fer de lance de la récupération économique de l’Espagne (10% du PIB et 19% des exportations du pays), elle a affirmé que, malgré les contraintes financières liées à la sortie du RU, la continuité de la PAC n’était pas négociable.

PAC2020 : la ministre espagnole reconnait que les aides à la production seront difficiles à maintenir. Tout en confirmant la position espagnole en faveur du maintien des aides couplées pour certains secteurs et dans certaines zones, elle a reconnu que ces aides peuvent avoir un effet distorsif sur les marchés.

Paiement de base : baisse du nombre de bénéficiaires mais hausse du nombre de droits en 2016. En 2016, le nombre de bénéficiaires du paiement de base (777 187) a baissé de 1,5% par rapport à 2015. Cependant, le nombre de droits totaux octroyés s’est élevé à 19,55 millions, soit 65 312 de plus que l’année antérieure. Selon le FEGA, cette hausse est la conséquence de l’assignation de droits provenant de la réserve nationale. La valeur moyenne par droit n’a pas évolué d’une année sur l’autre (143,49 €). En revanche, le montant moyen par bénéficiaire (3 610,30 €) a augmenté de 2%, sous l’effet de la convergence externe. Par ailleurs, 28 797 bénéficiaires de droits n’ont pas sollicité de paiement. Concernant la réserve nationale, 2 766 exploitants ont bénéficié de droits (pour un montant total de 11,6 M€) et les JA représentaient le groupe de bénéficiaires le plus important, en termes de demandes (2 491) comme de montant alloué (10,45 M€).

Filières agricoles

Vins

Hausse significative des prix vrac sortie bodegas sur les premiers mois de la campagne 2017, sous l’effet de la baisse des volumes. Vins blancs sans IG : de 34,13 €/hl en moyenne début août, le prix moyen est monté à 39,01 € la 3ème semaine d’octobre (contre 27,3 € en 2016 et 24,84 € en 2015 à la même période). Vins rouges sans IG : 41,82 €/hl en moyenne début août, à 47,77 € la 3ème semaine d’octobre (contre 38,21 € en 2016 et 36,53 € en 2015), jusqu’à 53,74 €/hl à Badajoz et 59,16 € à Valence.

Agrumes

Des volumes en baisse de 20% attendus dans la région de Valence. Les premières estimations prévoient une récolte d’agrumes de 3,1 Mt. La communauté de Valence explique cette baisse, de 20% par rapport à la campagne 2016/2017, par l’alternance naturelle des cycles de production, la réduction des surfaces en production au profit d’autres cultures fruitières en plein développement (telles que le kaki), et par la climatologie (fortes pluies fin 2016, températures élevées en mai 2017). Les clémentines précoces devraient être particulièrement touchées, avec seulement 39 000 t (-29%). Si les calibres et la qualité sont au rendez-vous, les prix devraient s’établir à un niveau soutenu.

Huile d’olive

Des prévisions de production 2017/2018 en baisse en Andalousie. Alors que la surface en oliviers a augmenté de plus de 80 000 ha depuis 2005 (et dépasse aujourd’hui 1,5 Mha), la production d’huile d’olive pour la campagne 2017/2018 en Andalousie devrait se situer légèrement en dessous de 885 000 t, en baisse de près de 16% par rapport à la campagne antérieure et de 7,7% sur la moyenne des 5 dernières années. Le maintien de températures élevées depuis le printemps et le déficit pluviométriques sont les principales causes de ce manque d’olives. Toutefois, le faible niveau des stocks d’huile disponibles, les prix modérément élevés de début de campagne et le maintien de la demande à l’export laissent présager un marché dynamique. A l’échelle espagnole, le Conseil Oléicole International (COI) prévoit une production de 1,15 Mt (contre 1,28 Mt en 2016/2017), et un volume global de 2,9 Mt au niveau mondial.

Actualité sanitaire

Xylella Fastidiosa

Alicante : confirmation d’un 4ième foyer, colère des syndicats agricoles. Un 4ème foyer de Xylella Fastidiosa a été confirmé fin octobre par la conseillère en charge de l’agriculture dans la communauté autonome de Valence. Il s’agit de 58 nouvelles parcelles d’amandiers situés dans la province d’Alicante. Craignant l’arrachage à terme de la totalité des amandiers de la province, les syndicats agricoles pointent du doigt l’inefficacité des mesures d’éradication et réclament une stratégie de contention ciblant l’insecte vecteur et les arbres infectés, comme aux Baléares et en Italie. Ils ont de surcroît critiqué l’absence de transparence et le défaut de communication des services du gouvernement de Valence (les arboriculteurs auraient été informés de l’existence de la maladie sur leurs parcelles par les médias). Enfin, ils ont déploré l’absence de dispositif d’indemnisation à ce jour (alors que les arrachages ont démarré en juillet), l’étude demandée début septembre par le gouvernement à l’Université Polytechnique de Valence n’étant pas encore terminée.

Baléares : mise en place des premières mesures en faveur des arboriculteurs : plan de restructuration du verger, modification du PDR des Baléares, augmentation de l’aide régionale aux fruits  à coque, plans annuels intensifs de traitement phytosanitaire.

Pêches maritimes

Thon germon : les pêcheurs du Pays basque espagnol protestent contre les flottes française et irlandaise. La campagne de pêche au thon germon dans la mer cantabrique s’est terminée sur fond de vives protestations de la part des pêcheurs basques espagnols. Ces derniers accusent en effet les flottes française et irlandaise de pratiquer une pêche sans contrôle et non sélective dans ces eaux, et d’utiliser, depuis deux ans, des chaluts pélagiques à la limite des 12 milles nautiques des eaux espagnoles. Selon eux, cette technique de pêche peu sélective, qui « ramassent tout sur son passage » et conduit à la capture d’espèces non commercialisables (y compris des espèces protégées comme les tortues, les dauphins ou les baleines), et donc à de nombreux rejets en mer, aurait un impact très négatif sur les populations de thon germon, principale ressource de la flotte côtière de la mer de Cantabrie. Les représentants des pêcheurs auraient même envoyé des vidéos à Bruxelles afin de dénoncer l’utilisation de cette technique de pêche, alors que la flotte basque utilise des techniques plus traditionnelles et beaucoup plus respectueuses de l’environnement. Le Président des associations de pêcheurs de Biscaye a déclaré que pour les prochaines campagnes, il sera nécessaire de réviser les quotas de pêche qui leur sont assignés et de renforcer les contrôles de l’activité des flottes pélagiques. Les flottes de la mer de Cantabrie et des îles Canaries ont bénéficié cette année d’un quota de 14 196 t. Au 2 octobre, près de 13 000 t avaient déjà été débarquées dans les ports de Cantabrie et des Canaries.

Thon rouge : les madragues traditionnelles de la côte de Cadix entendent se développer en 2018. La ville de Cadix (Andalousie) espère mettre en activité une cinquième madrague (« almadraba ») en 2018. Cette technique de pêche côtière artisanale et ancestrale en Méditerranée, d’une surface de 2 000 m2, est composée d’un ensemble de filets fixes conçus pour piéger les thons rouges qui migrent au printemps et l’été en longeant la côte andalouse. Dans un communiqué, Francisco Menacho, porte-parole adjoint du PSOE au Sénat, a indiqué espérer que la prochaine réunion de l’ICCAT à Marrakech permettra de reconnaitre les efforts des pêcheurs andalous en faveur de la récupération des stocks de thon rouge, et de leur octroyer des quotas supplémentaires pour cette espèce dès 2018.

Le Gouvernement basque prévoit 1,8 M€ en faveur des projets de développement de la pêche et de l’aquaculture, dont 1,5 M€ d’aides du FEAMP et 275 250 € d’aides régionales. Pour être éligibles, les projets doivent favoriser les activités nautiques, promouvoir les produits de la pêche locale, protéger l’environnement et l’espace côtier, et promouvoir le patrimoine culturel maritime.

La Galice augmente son budget de pêche de plus de 9%, afin d’améliorer la compétitivité de sa filière. En 2018, plus de 155 M€ seront ainsi réservés pour renforcer en priorité la transformation et la commercialisation (+55%), l’installation des jeunes (+50%) et les infrastructures portuaires (+46%). Par ailleurs, plus de 6 M€ (+18%) seront dédiés à la protection, à la gestion et au suivi des zones de production conchylicole. Enfin, plus de 14 M€ (+7,7%) permettront de diversifier et développer les zones de pêche.

Champ d'oliviers

 

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