Fiche pays Zimbawe (Juin 2019)

  • Un changement de président et un discours économique plus ouvert, mais le même régime politique

    Emmerson Mnangagwa, auparavant vice-président, est arrivé au pouvoir en novembre 2017, suite au retrait de Robert Mugabe après trente ans à la tête du pays. M. Mnangagwa a ensuite été élu, après des élections contestées, mais finalement validées par la Cour suprême en août 2018. Même si le ZANU-PF (Zimbabwe African National Union – Patriotic Front) reste le parti au pouvoir (depuis l’indépendance), le nouveau Président a adopté un discours volontariste et pro-business : lutte contre la corruption, renforcement de la gestion des finances publiques et des entreprises publiques, relance des discussions sur l’indemnisation des agriculteurs expropriés. Au-delà des discours, qui peinent à se concrétiser, le gouvernement a adopté un amendement important relatif à la loi « d’indigénisation » afin d’ouvrir la plupart des secteurs de l’économie aux capitaux étrangers. Toutefois, alors qu’une sévère crise économique sévissait depuis octobre 2018, le gouvernement a fortement réprimé les mouvements sociaux qui se sont déclenchés en janvier 2019.

  • Depuis 1990, le Zimbabwe s’est appauvri et s’est coupé de la communauté financière internationale

    Dans les années 1980, le Zimbabwe était une des économies les plus développées et les plus riches du continent africain. Il s’agissait d’une puissance agricole (tabac) et industrielle, riche en minerais (pierres et métaux précieux, nickel, minerai de fer), aves des services publics (santé et éducation) performants. A la fin des années 1990, l’expropriation violente et sans compensation des agriculteurs blancs a entrainé une chute de la production et la mise en place de sanctions par les Etats-Unis et de mesures restrictives individuelles par l’Union européenne. Par ailleurs, la mauvaise gestion des finances publiques et les erreurs de politique économique ont fait que le pays a accumulé des arriérés de paiement massifs vis-à-vis des Institutions Financières Internationales (IFIs), les pays du Club de Paris et la Chine principalement ; le coupant ainsi des financements internationaux.[1]

    En 2018, le Zimbabwe est la troisième économie d’Afrique australe avec un PIB de plus de 26 Mds USD et un marché de 16,5 M habitants. Toutefois, avec un PIB par tête de 1 710 USD, il est un des trois pays de la sous-région classé par la Banque Mondiale dans la catégorie des économies à faible revenu – avec le Mozambique et le Malawi. Avec plus de 20% de la population vivant avec moins de 1,9 USD par jour, le pays se classe au 156ième rang sur 189 en termes d’Indice de Développement Humain (IDH) – même si les niveaux d’accès à l’éducation et au système de soin, hérités du passé, sont relativement satisfaisants.

  • A partir d’octobre 2018, des crises monétaire et de change ont entraîné récession et forte inflation

    Après une forte croissance entre 2009 et 2012 (moyenne annuelle de 14,5%), l’économie a nettement ralenti du fait de la sécheresse (le secteur agricole a représenté en moyenne 30% des exportations et 10% du PIB ces dernières années), de la faiblesse de l’activité minière (60% des recettes d’exportations et 7% du PIB) et de la baisse des cours des matières premières. Ces mauvais résultats se sont traduits par une pénurie de dollar US, la principale monnaie du pays[2], et une période de déflation.

    Si en 2017, la croissance du pays a connu un rebond à 4,7% (hausse des exportations de produits miniers et reprise de la production agricole), elle s’est réduite à 3,4% en 2018, freinée par la double crise qu’a connue le pays : en octobre 2018, alors que la dollarisation de l’économie et le contrôle des changes imposaient de maintenir les équilibres macroéconomiques, la forte dégradation des fondamentaux depuis plus d’un an (augmentation du déficit budgétaire financé par création monétaire et augmentation du déficit courant) a d’abord entrainé une crise de change alimentée par l’érosion des réserves en devises, puis une crise de confiance dans le système monétaire domestique.[3] Cette double crise a mené à des pénuries dans les magasins, une forte accélération de l’inflation et une dégradation des conditions de vie. Après un taux d’inflation moyen inférieur à 1% en 2017, celui-ci s’est élevé à 11% en 2018 et devrait atteindre plus de 80% en 2019, selon le FMI.

    Pour 2019, le FMI table sur une contraction du PIB comprise entre 2,5% et 5%, en raison (i) des graves troubles sociaux qui ont éclaté en janvier 2019, suite à la forte augmentation des prix des carburants décidée par le gouvernement, ce qui a paralysé l’économie pendant plusieurs semaines ; (ii) de l’importante perte de pouvoir d’achat liée à l’augmentation de l’inflation et à l’effort de consolidation budgétaire entrepris par le gouvernement début 2019 (sous-ajustement des salaires dans la fonction publique par rapport au niveau de l’inflation notamment) ; et (iii) du passage du cyclone Idai et d’un épisode de sécheresse qui frappe le pays depuis le début de l’année et qui ont affecté les récoltes agricoles.

  • Les marges de manœuvre budgétaires du pays sont aujourd’hui inexistantes et le gouvernement est engagé dans un programme FMI qui demande des efforts substantiels

    Entre 2016 et 2018, le gouvernement a laissé filer le déficit (jusqu’à 10% du PIB en 2017 et supérieur à 7% en 2018) – principalement sous l’effet de l’augmentation de la masse salariale (qui représentaient aux alentours de 70% des revenus de l’Etat en 2018), des subventions au secteur agricole (en particulier le programme « Command agriculture ») et des transferts en faveur des entreprises publiques ; alors que dans le même temps, les recettes fiscales diminuaient. Surendetté et ayant perdu du fait des arriérés l’accès aux financements internationaux – qu’ils proviennent des marchés ou des IFIs –, les déficits publics accumulés ces dernières années étaient principalement financés par de la création monétaire – paiement des fonctionnaires en RTGS/monnaie électronique et emprunts auprès de la Banque centrale. En 2018, la dette publique du Zimbabwe a atteint plus de 80% du PIB, dont environ la moitié est libellée en devises.

    Pour sortir de cette spirale inflationniste, le gouvernement, appuyé par un programme FMI sans financement (Staff Monitored Program – SMP), s’est engagé à une consolidation budgétaire significative (avec une cible de déficit inférieure à 5% du PIB) et sans financement par la banque centrale – donc avec seulement recours aux banques commerciales locales. Pour 2019, la dette devrait être ramenée à 40% du PIB compte tenu de la forte inflation qui réduit mécaniquement le poids de la dette en monnaie domestique. La contrepartie de cette amélioration du ratio de dette publique est l’appauvrissement des agents domestiques privés dont les actifs financiers ont fortement baissé en termes réels. L’exécution du programme sans accès à des financements externes et dans un contexte de tensions sociales demeure très risquée.

  • En parallèle, le pays a officiellement abandonné la dollarisation de l’économie au profit d’une monnaie domestique électronique dont la valeur n’est pas encore stabilisée

    En février 2019, le gouvernement a entrepris une réforme du système monétaire et de change, abandonnant la parité entre le dollar et la monnaie électronique domestique. La valeur de cette dernière est désormais fixée sur un marché interbancaire des changes, avec comme objectif de mettre fin au développement du marché parallèle de devises – où l’écart avec le marché officiel avait atteint 1 pour 4 au plus fort de la crise. Avec l’officialisation de la perte de valeur de la monnaie domestique et un taux de change officiel de 1 pour 3, l’écart avec le marché parallèle s’est en partie résorbé. Il subsiste toutefois, car les problèmes de fond demeurent. Premièrement, le niveau de réserves est très faible (inférieur à deux semaines d’importations depuis le début de l’année), ce qui ne permet pas de satisfaire la demande de devises. Deuxièmement, parce que des distorsions demeurent et entravent le fonctionnement du marché.

  • Dans la situation actuelle, la résolution de ce problème d’arriérés devient de plus en plus urgente

    L’accord pour un programme sans financement du FMI obtenu mi-mai, comportant (i) consolidation budgétaire, (ii) resserrement monétaire, (iii) renforcement du secteur financier, (iv) lutte contre la corruption  et (v) amélioration du climat des affaires, est un premier pas significatif démontrant la bonne volonté du gouvernement à avancer sur le chemin des réformes. Si ce programme se déroule suffisamment bien et restaure la confiance entre le pays et les bailleurs, et si en parallèle le Zimbabwe avance sur le volet politique[4], point dur pour les Etats-Unis qui ont renouvelé en 2018 les sanctions contre le Zimbabwe (Zimbabwe Democracy and Economic Recovery Amendment Act – ZIDERA) ; alors un appui de la communauté financière internationale pour le remboursement des arriérés multilatéraux pourrait se mettre en place.

     



    [1] En particulier, auprès de la Banque mondiale (1,2 Md USD), la Banque Africaine de Développement (700 MUSD), la BEI (300 MUSD) et sur des prêts bilatéraux – 3 Mds USD sur les pays du Club de Paris et 1,2 Md USD sur les pays non-membres, tels que la Chine donc.

    [2] Fin 2000, une période d’hyperinflation a entrainé la chute du dollar zimbabwéen puis son abandon au profit du dollar US.

    [3] Après l’abandon du dollar zimbabwéen à la fin des années 2000, au profit du dollar US, une quasi monnaie domestique a été rréintroduite (principalement sous la forme d’une monnaie électronique, le RTGS – Real-Time Gross Settlement – et dans une moindre mesure par les bonds notes) à partir de 2014 avec une parité officielle de 1 pour 1 vis à vis du dollar US.

    [4] En particulier, abrogation de deux lois qui restreignent les libertés publiques (Access to Information and Protection of Privacy Act – AIPPA – and Public Order and Security Act – POSA)

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