Présentation du budget 2022 (décembre 2021)

Pour 2021, le ministère des Finances réussit à nouveau le tour de force de maitriser le déficit public. La dégradation de la situation monétaire et sur le marché des changes, avec des soupçons de reprise des activités quasi-budgétaires par la banque centrale, méritent toutefois une attention renforcée. Pour 2022, le ministère continue de miser sur une gestion basée sur la trésorerie, ajustant le niveau des dépenses en fonction de la conjoncture et des rentrées fiscales, ce qui permet de proposer un déficit crédible à hauteur de 1,5% du PIB.

 

  • Le vendredi 25 novembre, le ministre des Finances Mthuli Ncube a présenté le budget du Zimbabwe pour l’exercice 2022, intitulé Reinforcing Sustainable Economic Recovery and Resilience.

 

  • Cela a été l’occasion de faire un point sur l’exécution du budget 2021 – avec des équilibres conformes à ce qui avait été présenté lors de la revue de mi-parcours en juillet dernier, en nette amélioration par rapport au budget initial. Au cours de l’année, le rebond de la croissance s’est confirmé, à hauteur de 7,8%, contre 6,4% selon le budget initial – la prévision du FMI reste toutefois inférieure (+6%). Par ailleurs, les revenus de l’Etat devraient être supérieurs de 27% par rapport à ce qui avait été anticipé, grâce notamment aux surprofits réalisés par les miniers, générant une cagnotte fiscale représentant 0,3 point de PIB. Les dépenses sont restées maitrisées, en augmentation de 21%. In fine, le déficit public devrait atteindre 0,5% du PIB contre 1,3% prévu initialement.

 

  • La présentation du budget a aussi été l’occasion pour le ministre de revenir sur la situation macroéconomique fragilisée ces derniers mois. Le budget 2022 table sur une prévision de croissance de 5,5% (contre 3,1% pour le FMI), portée par l’agriculture, le secteur minier, la construction et le tourisme. L’inflation, qui avait fortement décru depuis l’été 2020, est repartie à la hausse, passant de 50% sur un an en août à 58% au mois de novembre – augmentation des prix du pétrole et nouvelles turbulences sur le marché des changes. Il y a surtout un fort soupçon de reprise des activités quasi-fiscales par la banque centrale (Reserve Bank of Zimbabwe – RBZ) : en particulier pour financer des avances aux agriculteurs dans le cadre du mécanisme de rachat de céréales et, dans une moindre mesure, pour financer les incitations en faveur des petits producteurs d’or. S’agissant du marché des changes, la prime sur le marché parallèle a atteint jusqu’à 100% à la fin du mois de septembre, poussant les autorités à laisser la monnaie domestique se déprécier. La parité officielle atteint désormais 105 ZWL pour 1 USD, contre un peu moins de 90 à la fin du mois de septembre – la prime sur le marché parallèle est actuellement d’environ 75%. Une pression accrue sur la balance courante au troisième trimestre (reprise des importations, augmentation des dividendes versées par les compagnies minières étrangères, baisse des transferts de fonds de migrants et des financements des bailleurs), conjuguée à une préférence renouvelée des agents pour la devise sont probablement à l’origine de ces perturbations.

 

  • Pour l’exercice 2022, le ministre table sur les recettes qui ont fonctionné les années précédentes : une augmentation crédible des revenus, une augmentation relativement contenue des dépenses et surtout une gestion basée sur la trésorerie, permettant d’ajuster le niveau des dépenses en fonction de la conjoncture et des rentrées fiscales, afin d’atteindre un déficit modéré. Sur cette base, le déficit public inscrit au budget 2022, à 1,5% du PIB, est tout à fait crédible.

 

  • Les revenus prévus dans le budget 2022 s’élèvent à 850 Mds ZWL, soit 17% du PIB, en hausse de 0,2 point par rapport à 2021. En terme réel, les baisses d’impôts présentées afin de soutenir la consommation et l’investissement (relèvement des seuils de l’impôt sur le revenu pour la tranche inférieure et pour la tranche supérieure ; relèvement des seuils d’exemption pour les bonus et les primes de licenciement ; exemptions en soutien à l’industrie, aux secteurs du tourisme et de l’élevage ; etc.) sont plus que compensées par les efforts prévus pour renforcer l’efficacité de l’administration fiscale et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. A ce sujet, le ministre est longuement revenu sur les schémas les plus développés au Zimbabwe (fausses déclarations – production minière, flux de commerce –, fraude à la TVA, exemptions indues, contrebande, etc.) et sur la manière de les combattre.

 

  • Le budget 2022 prévoit une augmentation des dépenses de 1,3 point de PIB, à 930 Mds ZWL. Cette progression s’explique principalement par l’augmentation des dépenses de fonctionnement (+1,2 point – représentant près de trois-quarts des dépenses totales), dont +0,2 point pour la masse salariale de la fonction publique, y compris les dépenses liées aux retraites (37% des dépenses totales). Le budget d’investissement (27% des dépenses) est stable, en augmentation de 0,1 point de PIB. En 2022, l’effort budgétaire sera principalement porté sur trois secteurs : (i) l’éducation de base (13% des dépenses) ; (ii) l’agriculture (13% – largement basé sur la distribution de financements à des taux préférentiels et de subventions – pour l’achat d’intrants, pour le soutien aux plus démunis, etc.) ; et (iii) la santé (12,2%).

 

  • A noter qu’au Zimbabwe la fourniture des services publics est largement assurée par les bailleurs, dont les fonds transitent en grande partie hors budget. Pour 2022, l’effort des bailleurs devrait atteindre 760 MUSD, ce qui représente un peu moins de 10% du budget total du pays, en baisse de 10% par rapport à 2021. Les principaux contributeurs sont les Etats-Unis (un peu moins de 50% de l’effort), le Royaume-Uni (8%) et l’Union européenne (4%). A titre d’exemple, les ressources injectées par les bailleurs dans le secteur de la santé devraient représenter 40% de dépenses en plus de celles budgétées par l’Etat.

 

  • In fine, les besoins en financement de l’Etat s’élèveront à 147 Mds ZWL en 2022 – couverts pour environ une moitié par de l’endettement domestique ; pour un quart par des décaissements des agences de crédit-export ExIm China (centrale thermique de Hwange principalement) et ExIm India ; pour un huitième en mobilisant une partie des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) reçus en août dernier au titre de l’allocation générale réalisée par le FMI ; et le reste (moins de 10%) avec l’émission d’une obligation souveraine en USD à la bourse de Victoria Falls.

 

  • Sur les 960 MUSD alloués au pays par le FMI, un peu moins de la moitié devrait être destiné à financer des dépenses budgétaires au cours des trois prochaines années – dont 15% dès 2022, représentant une enveloppe de 145 MUSD – dépenses de santé et d’éducation, soutien à l’agriculture et à l’industrie, développement des infrastructures. Le reste de l’enveloppe sera destiné à alimenter un fonds de prévoyance (30%) et conservé sous la forme de réserves à la RBZ pour soutenir la devise locale (un tiers). Même si le budget 2022 propose une allocation des dépenses par secteur, cette répartition est largement théorique, le tout ayant vocation à se fondre dans le budget de l’Etat.

 

  • En septembre 2021, la dette publique externe a atteint 13,7 Mds USD, en augmentation de 60% par rapport à la même période l’an passé. L’encours vis-à-vis des créanciers bilatéraux (5,5 Mds USD dont 4,5 Mds USD d’arriérés) et multilatéraux (2,7 Mds USD – dont 2,4 Mds USD d’arriérés) est stable. La forte augmentation réside dans l’intégration de 4,9 Mds USD de dettes contractés par la RBZ – dont 3,3 Mds USD au titre des legacy debt. Ce montant correspond à la perte subie par les agents économiques suite à la fin de la parité entre l’USD et la monnaie locale en juin 2019. Un montant conséquent des avoirs, qui aurait dû être converti en devise, a subi une perte de valeur très importante compte tenu de la forte dépréciation de la monnaie domestique. L’intégration de ce montant aux chiffres de la dette acte la reconnaissance par les autorités des sommes dues. Sur la période, la dette domestique a été multipliée par 4,5 pour atteindre 55 Mds ZWL (environ 530 MUSD). A noter que ces chiffres n’intègrent pas les 3,5 Mds USD dûs au titre de l’accord de compensation conclu avec les fermiers expropriés dans les années 2000.
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