Fiche pays (mai 2022)

Après deux années de récession, la croissance a nettement rebondi en 2021 – soutenue par la stabilisation relative du cadre macroéconomique, elle-même permise par des efforts pour assainir les finances publiques. Depuis avril 2022, on assiste néanmoins à une reprise de l’inflation et une dépréciation de la monnaie locale par rapport au dollar américain, qui pourrait avoir des conséquences sur l’activité économique en 2022, et, sur la situation socio-économique d’une grande partie de la population, déjà fragilisée par la crise du COVID. L’évolution de la situation économique sera également un critère important dans le cadre des nouvelles discussions engagées par les autorités avec le FMI pour préparer un éventuel nouveau programme.

Mise à jour Covid-19 : Le taux de vaccination atteint plus de 40% (17 points de plus que la moyenne en Afrique), principalement avec les vaccins chinois Sinovac et Sinopharm. Le principal risque pour l’économie du pays serait l’émergence d’un nouveau variant comme en novembre 2021, lorsque les pays tiers ont imposé des restrictions sur les déplacements pour toute l’Afrique australe suite à la découverte d’Omicron en Afrique du Sud.

1. Situation économique et politique

1.1. Situation politique

Emmerson Mnangagwa, auparavant vice-président, est arrivé au pouvoir en novembre 2017, suite à l’éviction de Robert Mugabe, après trente ans à la tête du pays. M. Mnangagwa a ensuite été élu, après des élections aux résultats contestés par l’opposition, mais finalement validés par la Cour suprême en août 2018. Depuis le début de son mandat, le Président Mnangagwa fait du réengagement du Zimbabwé sur la scène internationale et de l’ouverture aux investisseurs (« Zimbabwé open for business ») une priorité de sa politique étrangère et économique. Les autorités ont engagé de nouvelles discussions avec le FMI sur la perspective d’un éventuel nouveau programme. Les prochaines élections générales sont prévues en 2023.

1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie

Dans les années 1980, le Zimbabwe était une des économies les plus développées et les plus riches du continent africain : puissance agricole (tabac) et industrielle, riche en minerais (pierres et métaux précieux, nickel, minerai de fer), avec des services publics performants. A la fin des années 1990, la réforme foncière s’est accompagnée d’une baisse de la production agricole. Par ailleurs, le pays a accumulé des arriérés de paiement importants vis-à-vis des Institutions Financières Internationales (IFIs – en particulier, Banque Mondiale pour 1,5 Md USD et BAfD pour 720 MUSD), des créanciers du club de Paris (pour 3,8 Mds USD) et de pays non-membres (1,7 Md USD) tels que la Chine.

En 2021, le Zimbabwe était la troisième économie d’Afrique australe avec un PIB de 33 Mds USD et un marché de 15 M d’habitants (PIB par tête de 2 100 USD). Depuis vingt ans, la population s’est appauvrie et plusieurs millions de personnes ont émigré, principalement en Afrique du Sud, pour des raisons économiques. Entre 2019 et 2021 le taux de pauvreté a augmenté de deux points, pour atteindre plus de 40% (deux fois plus qu’en 2010). Selon les dernières estimations, plus du quart de la population se trouverait en situation de crise alimentaire (stade 3 sur 5) et près de 10% en situation d’urgence (stade 4). Le pays se place en 150ième position sur 189 pays en termes d’Indice de Développement Humain (IDH).

2. Conjoncture et finances publiques

2.1. Conjoncture économique

En 2019 et en 2020, le PIB s’est contracté de 6,1% et 5,3%, respectivement. Cette profonde récession a d’abord été provoquée par la crise de change et de confiance dans la monnaie domestique, qui a éclaté en octobre 2018. Cette dernière a engendré une inflation à trois chiffres (jusqu’à 837% sur un an en août 2020) et un décrochage de la monnaie domestique (dont la valeur a été divisée par plus de trente par rapport à l’USD sur les deux années). A cette période, les pénuries étaient généralisées (devises, carburant, électricité, intrants, nourriture, etc.), avec un fort impact sur l’activité. Les effets de la crise ont ensuite été exacerbés par la survenue de chocs externes : l’épidémie de Covid bien sûr, mais aussi des phénomènes climatiques extrêmes – sécheresses, inondations et cyclones, ayant entrainé une chute de la production agricole.

En 2021, la croissance du PIB a rebondi de 6,3% – ce qui s’explique avant tout par une base très faible. L’activité a aussi été portée par l’augmentation de la production minière, dans un contexte de reprise de la demande mondiale et de cours élevés des matières premières. Après plusieurs années de sécheresse, la bonne pluviométrie a permis de soutenir la production agricole. La stabilisation du cadre macroéconomique, à partir de l’été 2020, a aussi favorisé le rebond de l’économie.

Pour 2022, le FMI tablait sur un ralentissement de la croissance à 3,5% (baisse de la production agricole après une année exceptionnelle et stabilisation de la production minière), mais cette prévision semble désormais plus difficile à atteindre compte tenu de l’environnement macroéconomique dégradé, qui pourrait peser sur la confiance des agents, sur la demande interne et in fine sur l’activité.

2.2. Situation des finances publiques

Entre 2016 et 2018, le déficit (7,5% du PIB en moyenne par an sur les trois exercices), largement financé par de la création monétaire, a alimenté l’inflation. Compte tenu de l’état très dégradé du tissu productif, l’augmentation des dépenses publiques s’est traduite par un accroissement du déficit courant. Fin 2018, en l’absence de marges de manœuvre du fait de la dollarisation de l’économie, les déséquilibres sont devenus insoutenables.

Dès 2019, le ministère des Finances a mis en place une gestion basée sur la trésorerie, ajustant le niveau des dépenses en fonction des recettes. Cela a permis de contenir le déficit à moins de 1% du PIB en moyenne par an sur la période 2019-2021 (un léger excédent a même été dégagé en 2020). Cet ajustement a entraîné une forte baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires (baisse des salaires en terme réel), une baisse des crédits alloués à l’investissement et aux infrastructures – avec un fort impact pour la population et sur la fourniture des services publics.

A moyen terme, l’allocation générale de DTS du FMI d’août 2021 (960 MUSD pour le Zimbabwe), va redonner quelques marges de manœuvre au gouvernement, qui a décidé d’allouer la moitié de l’enveloppe au budget sur trois ans : dépenses de santé et d’éducation, soutien à l’agriculture et à l’industrie, développement des infrastructures. Le reste de l’enveloppe sera destiné à alimenter un fonds de prévoyance (30%) et conservé sous la forme de réserves à la RBZ pour soutenir la devise locale (un tiers).

2.3. Situation monétaire

Alors que la situation était de plus en plus instable ces derniers mois, on a observé une nouvelle dépréciation de la monnaie et une hausse de l’inflation depuis la mi-avril. La prime sur le marché parallèle de la monnaie a fortement augmenté : environ 80% au 15 septembre, 115% au 15 avril et près de 150% au 10 mai. En parallèle, alors que l’inflation était restée relativement sous contrôle au second semestre 2021 (entre 50% et 60% sur un an), elle est repartie à la hausse à partir du mois de février (+66%). En avril, elle a atteint plus de 95%.

Dans ce contexte, les autorités ont annoncé début mai une série des mesures pour stabiliser la situation, dont il est encore trop tôt pour mesurer l’impact.

3. Relations avec la communauté financière internationale

Les arriérés de paiements dus aux IFIs empêchent toute intervention financière d’ampleur en faveur du Zimbabwe. Suite à la présentation d’une nouvelle stratégie d’apurement par les autorités fin 2021, et grâce aux progrès réalisés ces derniers mois (assainissement budgétaire et stabilisation du cadre macroéconomique), des discussions ont pu débuter avec le FMI, concernant la mise en œuvre éventuelle d’un nouveau programme

4. Aide publique au développement de la France

Entre 2018 et 2020 (dernières données disponibles), le Zimbabwe a reçu en moyenne 530 MUSD de versement brut d’Aide Publique au Développement (APD) par an de la part des bailleurs bilatéraux. La grande majorité de cette somme provenait des Etats-Unis (47%), du Royaume-Uni (près du quart) et de la Suède (environ 9%) – transitant principalement hors budget. Sur la période, la contribution de la France s’est élevée à 2,7 MUSD par an, en moyenne.

Compte tenu des contraintes qui pèsent sur le pays, l’activité de l’AFD se fait uniquement en subventions – y compris de l’assistance technique et des études. Elle cible en priorité le secteur agricole (santé animale avec le CIRAD, par exemple) la protection de la biodiversité, et le patrimoine culturel (projet Great Zimbabwé).

5. Relations économiques avec la France

5.1. Échanges commerciaux avec la France

Le commerce bilatéral entre la France et le Zimbabwe a progressé de 20% en 2021, pour atteindre 73 MEUR. Après une baisse marquée en 2020, les flux commerciaux ont retrouvé leur niveau pré-crise. Cette évolution s’explique notamment par le rebond de nos importations (+25% à 50 MEUR – portées notamment par des achats de tabac) et dans une moindre mesure, par l’augmentation de nos exportations (+10% à 23 MEUR – portées par les ventes de machines à destination de l’industrie minière). Le Zimbabwe demeure un partenaire commercial modeste pour la France (152ième débouché et 117ième fournisseur).

5.2. IDE et présence française

Fin 2020, le stock d’IDE français au Zimbabwe s’élevait à 910 MEUR, en constante augmentation depuis 2010 et en très nette progression sur un an (suite aux investissements de Saint Gobain et de Proparco au sein de la Joint-Venture Limagrain-Seedco) – après un fort mouvement de désinvestissement suite à la crise des années 2000. La grande majorité de ces capitaux ont été investis dans les secteurs de la distribution et de l’industrie.

La présence française la plus significative est celle de Total, qui dispose d’un réseau de distribution de plus d’une centaine de stations-services. Dans le secteur des services, on note également l’implantation de Bureau Veritas (contrat avec l’Etat zimbabwéen pour le contrôle de la conformité des produits sensibles à l’importation), de JCDecaux (panneaux publicitaire), de Schneider Electric (équipements électriques) et des entreprises de transport et de logistique AGS, Bolloré Logistics et CMA CGM.

Dans le domaine agro-industriel, le semencier Limagrain est présent en partenariat avec l’entreprise locale Seedco, avec des efforts importants en matière de recherche et développement. L’entreprise Lesaffre (levure) dispose également d’une unité de production et d’un centre d’expertise (formation, d’assistance technique, de développement de produits et de procédés), avec à terme l’ambition de servir la région australe. Enfin, Saint Gobain, qui était déjà présent dans le pays, a fait l’acquisition début 2020 d’une usine (colle pour revêtement), avec aussi l’ambition de servir le marché austral.

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