Fiche pays (Juillet 2025)

Le Zimbabwe est un pays de taille intermédiaire (PIB de 35,2 Mds USD pour 17 millions d’habitants) au cadre macroéconomique fragile. La nouvelle monnaie (Zimbabwe Gold – ZiG), introduite le 5 avril 2024 pour remplacer le Zimdollar (ZWL), a contribué à stabiliser l’inflation et le marché des changes, mais son rôle reste limité et la dollarisation de l’économie demeure très élevée. L’économie, qui conserve un fort potentiel de croissance, fait preuve d’une certaine résilience (prévision de croissance de 6,0 % en 2025, après 1,7 % en 2024), portée par le redressement de l’agriculture et du secteur minier, le bon niveau des prix de l’or et le maintien des transferts de la diaspora. Cependant, les finances publiques restent tendues et les perspectives de traitement de la dette incertaines, la négociation d’un programme sans financement avec le FMI ayant été interrompues à ce stade. La population continue de subir les effets de la crise économique, et l’insécurité alimentaire, qui s’est fortement aggravée en 2024/2025, est préoccupante.

1. Situation économique et politique

1.1. Situation politique

 Emmerson Mnangagwa est arrivé au pouvoir en novembre 2017 à la suite du renversement de Robert Mugabe, qui avait passé trente ans à la tête du pays. Elu en 2018, M. Mnangagwa a été reconduit dans ses fonctions pour un second mandat de cinq ans à l’issue des élections générales d’août 2023, dont les résultats ont été contestés par l’opposition. Depuis le début de son premier mandat, le Président Mnangagwa a fait du réengagement du Zimbabwe sur la scène internationale et de l’ouverture aux investisseurs (Zimbabwe open for business) une priorité de sa politique étrangère et économique., Des réformes restent toutefois attendus dans les domaines de la gouvernance politique et économique.

1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie

Dans les années 1980, le Zimbabwe était une des économies les plus développées et les plus riches du continent africain : une puissance agricole (tabac) et industrielle, riche en minerais (pierres et métaux précieux, nickel, minerai de fer), et dotée de services publics performants. Au début des années 2000, la réforme foncière et les expropriations qui s’en sont suivies ont entraîné une chute de la production agricole et la mise en place de sanctions par les Etats-Unis et de mesures individuelles par l’Union Européenne. Par ailleurs, le pays a accumulé d’importants arriérés de paiement vis-à-vis des Institutions Financières Internationales (IFIs – en particulier, Banque Mondiale pour 1,5 Md USD et BAfD pour 0,7 Md USD à la fin de l’année 2024), des créanciers du club de Paris (pour 4,0 Mds USD) et d’autres pays non-membres du Club (0,8 Md USD), en particulier la Chine.

Avec un PIB officiel de 35,2 Mds USD et une population de 17 M habitants en 2024 (PIB par habitant de 2070 USD), le Zimbabwe reste la troisième économie d’Afrique australe. Depuis le début des années 2000, la population s’est appauvrie et plusieurs millions de personnes (4M environ) ont émigré, principalement en Afrique du Sud. Les crises multiples auxquelles le pays a été confronté ces dernières années, et notamment le dérapage de l’inflation, qui a fortement érodé le pouvoir d’achat des ménages, ont accéléré cette dynamique. Le taux de pauvreté (au seuil de 3,65 USD par jour, applicable aux pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure) atteint près de 63% d’après la Banque mondiale. Selon le Programme alimentaire mondial, 6 millions de personnes se sont trouvées en situation d’insécurité alimentaire entre janvier et mars 2025. Les inégalités sont parmi les plus importantes au monde (indice de Gini de 0,50). Le pays se place à la 153ème position sur 189 pays en termes d’Indice de Développement Humain (IDH), un classement qui continue à se détériorer dans un contexte de déclin continu des services publics : principalement l’éducation, la santé, et les infrastructures.

2. Conjoncture et finances publiques

2.1 Situation monétaire

Après deux décennies marquées par des soubresauts majeurs, la situation monétaire du Zimbabwe s’est stabilisée depuis la fin de l’année 2024, bien qu’elle reste fragile. Pour rappel, le 5 avril 2024, dans un contexte de crise monétaire, la banque centrale du Zimbabwe a annoncé l’introduction d’une nouvelle devise, le Zimbabwe Gold (ZiG), la sixième depuis 1980. Le dollar zimbabwéen (ZWL), qui avait été introduit en 2019 après une décennie de dollarisation, connaissait en effet une grave crise de confiance, liée aux opérations quasi-fiscales réalisées par la Banque centrale (Reserve Bank of Zimbabwe – RBZ) et à la volonté des autorités de contrôler le marché des changes.

La forte croissance de la masse monétaire qui en avait résulté avait eu pour conséquence : i) une hyperinflation chronique (estimée par le FMI à +779 % sur un an en décembre 2023), bien que difficilement mesurable (la RBZ ayant modifié par trois fois son mode de calcul de l’inflation depuis le début de l’année 2023, lui permettant de communiquer sur une hausse des prix nettement plus modérée, à 57,5 % sur un an en avril 2024) ; ii) une dévaluation inédite du ZWL, qui atteignait la parité de 28 720 ZWL pour 1 USD à la fin du premier trimestre 2024, soit une dépréciation de 370 % depuis le début de l’année (6105 ZWL pour 1 USD le 31 décembre 2023) et de plus de 4100 % depuis la fin de l’année 2022 (682 ZWL pour 1 USD). Dans un contexte de perte de confiance généralisée, la prime sur le marché parallèle atteignait par ailleurs jusqu’à 60 %.

Si le taux de change, initialement fixé à 13,56 ZiG pour 1 USD, est resté relativement stable dans les premiers mois suivant l’introduction du ZiG (14 ZiG pour 1 USD le 26 septembre 2024), la prime sur le marché parallèle, qui s’était stabilisée autour de 30 % jusqu’à la mi-juillet 2024, est toutefois rapidement repartie à la hausse (plus de 100 % au 26 septembre), comme l’inflation (+1,4 % en glissement mensuel en août 2024, contre -0,1 % en g.m en juillet), contraignant les autorités à dévaluer le ZiG de 42,6 % le 27 septembre 2024 (23,4 ZiG pour 1 USD).

Cette dévaluation s’est accompagnée de la mise en œuvre par la RBZ de politiques monétaires plus strictes, notamment l'arrêt de ses opérations quasi-fiscales, le relèvement des réserves obligatoires et des taux directeurs, et la limitation des liquidations de certificats de dépôt non négociables (NNCD). L’abrogation courant avril d’une mesure qui obligeait les commerces du secteur formel à taux de change interbancaire (Willing Buyer/Willing Seller), affectant leur compétitivité par rapport aux commerces du secteur informel, a également constitué un signal positif. Ces mesures ont contribué à stabiliser le taux de change et à ramener l'inflation mensuelle à 0,4 % en août 2025. Selon le FMI, l’inflation sur un an devrait ainsi fortement décélérer, pour atteindre +30,7 % en décembre 2025 (contre +687 % sur un an en décembre 2024). La prime de change sur le marché parallèle s'est également réduite, restant toutefois élevée (autour de 30 %).

Malgré une réelle amélioration de la situation monétaire, opérée sous l’impulsion du nouveau gouverneur de la RBZ, des efforts restent toutefois encore à accomplir pour libéraliser pleinement le taux de change, qui reste très dépendant des interventions de l’institution monétaire. La possible reprise à moyen terme des opérations quasi-fiscales de la RBZ constitue également un facteur d’inquiétude dans un contexte marqué par de fortes contraintes budgétaires, et alors que beaucoup de mécanismes ayant permis les dérives passées sont toujours en place (overdraft facility pouvant théoriquement représenter jusqu’à 20 % des recettes fiscales de l’année). Le manque de confiance dans la pérennité du ZiG, pourtant censé devenir la seule monnaie du pays à horizon 2030, peut s’illustrer par les niveaux toujours élevés de dollarisation.

2.2 Conjoncture économique

L’économie zimbabwéenne a fortement ralenti en 2024 (+1,7 %, après +5,3 % en 2023 et +6,1 % en 2022), sous l’effet de la baisse des cours des principales matières premières exportées (platine, lithium) et de la sécheresse liée à l’épisode El Niño, qui a lourdement affecté la production agricole (-15 %) et réduit la capacité électrique du barrage de Kariba. Certains secteurs ont néanmoins enregistré une progression modérée, notamment le commerce de gros et de détail (+5,1 %), l’extraction minière (+2,3 %) et l’industrie manufacturière (+2,0 %). Du côté de la demande, la croissance a surtout été soutenue par la consommation publique (+5,4 %).

La croissance devrait rebondir en 2025 (prévision de +6,0 % selon le FMI), portée par deux moteurs principaux : i) sur le plan agricole, la dissipation des effets d’El Niño et l’arrivée d’un cycle La Niña plus favorable annoncent une récolte exceptionnelle, estimée à 3,2 millions de tonnes de céréales (maïs et blé), tirant la production à la hausse (+12,8 %) ; ii) sur le plan minier, la reprise de l’activité (+5,6 %) sera soutenue par la hausse attendue des prix de l’or et du platine dans un contexte international marqué par des tensions commerciales. Du côté de la demande, l’essor de la consommation privée (+6,6 %) et l’augmentation attendue des transferts de la diaspora renforceront cette dynamique de reprise.

À moyen terme, le FMI prévoit néanmoins un ralentissement vers +3,5 % à l’horizon 2030, dans un contexte de stabilisation encore fragile et de déséquilibres macroéconomiques persistants. Les risques restent élevés : vulnérabilité aux aléas climatiques, incertitudes autour de la politique monétaire, possibles droits de douane pénalisant les exportations d’or, de platine et de tabac, tensions commerciales et diminution potentielle de l’aide publique au développement.

2.3 Situation des finances publiques

Depuis 2019, le gouvernement a annoncé sa volonté de gérer le budget selon une logique de trésorerie, en ajustant les dépenses en fonction des recettes. Si cette politique a permis de contenir le déficit public, (inférieur à 1,0 % en moyenne entre 2019 et 2022), la situation s’est dégradée de manière spectaculaire en 2023 (déficit de 9,5 % du PIB selon le FMI), année durant laquelle le Trésor a émis des bons pour l’équivalent de 7 % du PIB (1,9 Mds USD au profit du Mutapa Investment Fund récemment créé, qui a en retour acquis des parts, à un prix surévalué, dans une entreprise privée - mine de Kuvimba - propriété d’un proche du président ; et 900 millions d'USD pour régler certains engagements antérieurs de la RBZ en USD).

Malgré une forte réduction du déficit budgétaire en 2024 (-0,4 % du PIB, contre -9,5 % du PIB en 2023), l’absence de sources extérieures de financement et l’arrêt des opérations quasi-fiscales de la Banque centrale n’ont pas permis de répondre à l’ensemble des besoins de financement, entraînant l’accumulation de 600  MUSD d’arriérés de dette domestique supplémentaires. Si les recettes ont augmenté (12,9% du PIB en 2024, contre 11,6% du PIB l’année précédente), sous l’effet de plusieurs mesures fiscales, c’est également le cas des dépenses (hausse des salaires des fonctionnaires, dépenses d'investissement liées à l'accueil du Sommet de la SADC, et hausse du service de la dette).

Le déficit budgétaire devrait atteindre 0,7 % du PIB en 2025 selon le FMI avant de se stabiliser aux alentours de 0,4 % du PIB à moyen terme. L’absence continue de sources extérieures de financement devrait entraîner l’accumulation d’arriérés supplémentaires, entraînant la dette sur un chemin toujours plus insoutenable. La possible reprise à moyen terme des opérations quasi-fiscales de la RBZ afin de financer les dépenses courantes du pays constitue également un facteur d’inquiétude. Le FMI encourage ainsi le gouvernement à augmenter ses recettes de manière pérenne, notamment via la suppression d’exemptions fiscales (impôt sur les sociétés) et le renforcement de la taxation des recettes minières. Parallèlement, la modération de la masse salariale de la fonction publique (qui représente désormais plus de 55 % des recettes publiques) permettrait de soutenir l’ajustement budgétaire tout en sauvegardant les dépenses prioritaires.

La dette publique du Zimbabwé est considérée comme insoutenable par le FMI : elle atteignait 23,3 Mds USD fin 2024 (dont 16,75 Mds USD de dette externe), soit 78,1 % du PIB. Elle est principalement détenue par les créanciers du Club de Paris (17,3%), les créanciers multilatéraux (11,9%), la Chine (9 %) et les créanciers commerciaux (Afrexim 5,8%, TDB 3%). Près de 7,4 Mds USD du stock de dette externe est constitué d’arriérés et d’intérêts de retard accumulés depuis les années 2000, principalement envers le Club de Paris (4 Mds USD d’arriérés, dont 845 M USD pour la France), les créanciers multilatéraux (2,7 Mds USD) ou la Chine (773 M USD). La part de la dette domestique a par ailleurs fortement augmenté, passant de 9% de la dette publique à 23% en 2024.

3. Relations avec la communauté financière internationale

Les arriérés de paiements dus aux IFIs empêchent toute intervention financière d’ampleur en faveur du Zimbabwe. Le prérequis pour un réengagement de la communauté financière internationale (qui ouvrirait la voie à un apurement des arriérés) passe par une démonstration de la bonne volonté des autorités, notamment concernant la compensation des fermiers expropriés, et la mise en place de réformes, à la fois sur le plan économiqueet politique .

Dans ce contexte, la Banque Africaine de Développement (BAfD) a lancé, début décembre 2022, une plateforme de dialogue sur l'apurement des arriérés et le règlement de la dette du pays. Une feuille de route comprenant une liste de matrices de réformes à mettre en place par le gouvernement a été établie, abordant trois thèmes principaux : i) l’économie ; ii) la réforme foncière ; iii) la gouvernance politique.

Sur le volet économique, elle se concentre principalement sur la mise en place d’un programme sans financement du FMI (Staff Monitoring Programme – SMP). Le FMI s’est déplacé à plusieurs reprises dans le pays, dont la dernière fois en juillet 2025, sans que les négociations ne puissent aboutir, les conditions d’octroi n’étant pas réunies à ce jour. Sur les volets liés à la réforme foncière et à la gouvernance politique, les progrès réalisés n’ont pas à ce stade convaincu les partenaires de développement, et les échanges se poursuivent.

4. Aide publique au développement de la France

Entre 2021 et 2023 (dernières données disponibles), le Zimbabwe a reçu en moyenne 533 MUSD de versement brut d’Aide Publique au Développement (APD) par an de la part des bailleurs bilatéraux. La majorité de cette somme, qui transite principalement hors budget, par des associations et des ONG, provenait des Etats-Unis (63%), du Royaume-Uni (10%) et dans une moindre mesure de Suède (7%). Sur la période, la contribution de la France (6,5 MUSD par an, en moyenne) est restée marginale (1%).  

Compte tenu des contraintes qui pèsent sur le pays, l’activité de l’AFD est très limitée (portefeuille de 3,6MEUR) et repose uniquement sur des subventions (y compris assistance technique et études). Elle cible en priorité le secteur agricole (santé animale avec le CIRAD, par exemple) et la protection de la biodiversité. L’AFD finance également le projet de réhabilitation du site Great Zimbabwe.

5. Relations économiques avec la France

5.1. Échanges commerciaux avec la France

Les échanges commerciaux entre la France et le Zimbabwe se sont contractés de 20 % en 2024, pour s’établir à 60 M EUR, après une année 2023 particulièrement dynamique (+31 %). Cette évolution est exclusivement attribuable au recul des exportations françaises à destination du Zimbabwe (-61,1 %, à 15 M EUR), qui sont retombées après un pic historique en 2023 (38,5 M EUR), en lien avec une chute des ventes d’équipements mécaniques, électriques, électroniques et informatiques (principalement des machines industrielles et agricoles). À l’inverse, les importations françaises en provenance du Zimbabwe, toujours dominées par les produits agricoles, ont progressé (+21,8 %, à 46 M EUR). La France renoue ainsi avec le déficit commercial structurel (-31 M EUR) qu’elle enregistre vis-à-vis du Zimbabwe. Le pays demeure un partenaire commercial marginal de la France (172ème débouché et 124ème fournisseur), alors que l’instabilité de son cadre macroéconomique ne permet pas à ce marché de taille moyenne (17 M habitants) d’exploiter tout son potentiel.

5.2. IDE et présence française

Fin 2024 (dernière donnée disponible), le stock d’IDE français au Zimbabwe s’élevait à 75 MEUR, un niveau stable par rapport à l’année précédente. La présence française la plus significative est celle de Total Energies, qui dispose d’un réseau de distribution de plus d’une centaine de stations-services. Dans le secteur des services, on note également l’implantation de Bureau Veritas (contrat avec l’Etat zimbabwéen pour le contrôle de la conformité des produits sensibles à l’importation), de JCDecaux (panneaux publicitaires), de Schneider Electric (équipements électriques) et des entreprises de transport et de logistique AGS, AGL (ex Bolloré) et CMA CGM. Dans le domaine agro-industriel, le semencier Limagrain est présent en partenariat avec l’entreprise locale Seedco. L’entreprise Lesaffre (levure) dispose également d’une unité de production et d’un centre d’expertise à vocation régionale. Enfin, Saint-Gobain, qui était déjà présent dans le pays, a fait l’acquisition début 2020 d’une usine (colle pour revêtement), elle aussi à vocation régionale. A noter que le groupe Hydrogène de France cherche à développer sa solution de renewstable (centrale solaire combinée à des installations de stockage par hydrogène pour palier à l’intermittence de la production), sur un modèle de Partenariat Public Privé avec l’électricien national ZESCO. Dans les télécommunications, Eutelsat prépare son expansion au Zimbabwe et a déjà un partenariat depuis 2021 avec TelOneZimbabwe pour fournir une connexion haut-débit par satellite. Thalès est le fournisseur des systèmes de contrôle aérien du pays.. Au niveau des projets d’infrastructures, le projet de monorail à Harare, porté par le développeur privé Sesani avec l’expertise d’Alstom et Systra, doit encore sécuriser des financements. Pour le tourisme, Accor opère un hôtel de luxe (Mbano Manor Hotel) dans la région des Victoria Falls.

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