ZAMBIE
Fiche pays (mai 2022)
Depuis novembre 2020, la Zambie est en situation de défaut et la seule issue pour le pays est de bénéficier d’une restructuration de sa dette. Dans cette perspective, une première étape a été franchie en décembre 2021, lorsque le nouveau gouvernement a trouvé un accord de principe avec le FMI pour la mise en œuvre un programme de financement. Les principaux créanciers du pays doivent désormais se mettre d’accord sur les termes d’un traitement afin de restaurer la soutenabilité de la dette. Suite à l'alternance politique intervenue en août 2021 et à l’accord trouvé avec le FMI, les investisseurs étrangers montrent un fort intérêt pour la dette zambienne, ce qui a permis de stabiliser le cadre macroéconomique.
Situation Covid-19 : Alors que l’économie était déjà dans une situation difficile avant la survenue de l’épidémie, le gouvernement a mis en place des mesures de confinement moins strictes que ses voisins lors de la première vague, pour prévenir une crise économique d’ampleur. Les mesures mises en place pour contenir la seconde (décembre 2020-janvier 2021) et la troisième vague (juin-juillet 2021) ont aussi été moins contraignantes. La découverte du variant Omicron en Afrique du Sud fin novembre 2021 a porté un coup à la reprise économique, du fait des restrictions de déplacements mises en œuvre par les pays tiers pour toute l’Afrique australe. Actuellement, 13% de la population a reçu au moins une dose de vaccin, loin de la moyenne en Afrique sub-saharienne, du fait principalement d’un manque de candidats.
1. Situation économique
1.1. Situation politique
Les élections générales d’août 2021 ont porté au pouvoir M. Hakainde Hichilema, qui a battu sèchement le président sortant Edgar Lungu – fragilisé par la dégradation de la situation économique et du pouvoir d’achat. Il s’agit de la troisième alternance politique depuis l’indépendance du pays en 1964. Malgré les coups portés à la démocratie ces dernières années (intimidation et emprisonnement d’opposants, fermeture de médias, etc.), le président Lungu a reconnu rapidement sa défaite. L’élection de M. Hichilema a été bien accueillie par la sphère économique et par les marchés. D’une part, elle a été synonyme de forte baisse du risque politique. D’autre part, le profil du nouveau président (homme d’affaires maitrisant les dossiers économiques) et le programme qu’il a porté pendant la campagne (axé sur la relance de l’économie et sur un retour à l’ordre budgétaire), ont été pour eux très rassurants.
1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie
Avec un PIB de 21 Mds USD, la Zambie est une économie de taille moyenne, la quatrième en Afrique australe derrière l'Afrique du Sud, l'Angola et le Zimbabwe. L’économie du pays est très dépendante du secteur minier – 18% du PIB et plus de 75% des recettes d’exportation ces dernières années – en particulier du cuivre : second producteur au niveau du continent. L’agriculture représente environ 3% du PIB, mais plus de 20% des emplois. L’économie est peu inclusive, centrée sur des secteurs d’activité à forte intensité capitalistique et/ou de rente (les mines, la construction et la distribution), largement contrôlés par des capitaux étrangers, dont les bénéfices sont captés par une petite partie de la population.
En 2021, le PIB par tête du pays s’élevait à 1 070 USD. Il fait partie des pays à « revenu intermédiaire de la tranche inférieure ». Dans un pays déjà très marqué par les problèmes sociaux, la plupart des indicateurs socio-économiques se sont dégradés suite à la crise : le taux de pauvreté a augmenté de 2 points, pour atteindre près de 60% (au seuil de 1,9 USD par jour), la malnutrition est très répandue (35 % des enfants de moins de cinq ans souffrent d'un retard de croissance). Les inégalités sont aussi très prononcées : près de 45% des richesses sont concentrées chez les 10% les plus riches. Enfin, le pays se situe dans le dernier tiers du classement en termes d’IDH – 143ème rang sur 189 pays en 2021.
2. Conjoncture et finances publiques
2.1. Conjoncture économique
Après une décennie de forte croissance, avec des taux supérieurs à 7%, la Zambie a subi de plein fouet la fin du super-cycle des matières premières en 2015. Entre 2016 et 2019, le taux de croissance a atteint 3% en moyenne – avec une volatilité importante, et loin du potentiel du pays.
En 2020, le PIB s’est contracté de 2,8% – davantage que la moyenne en Afrique sub-saharienne, mais moins que ses voisins de la sous-région australe. En 2021, le rebond de l’économie a été modéré (+3,3%). Sur le plan sectoriel, il a été porté par la construction (effet de base) et les télécommunications (forte augmentation de la demande et nouveaux usages comme le mobile banking, dans le contexte de la crise). En revanche, malgré le niveau historique des cours, la production de cuivre a diminué en volume, alors qu’elle avait déjà été faible en 2020. L’environnement macroéconomique s’est amélioré dans la seconde partie de l’année. L’élection du nouveau président s’est traduite par un regain d’intérêt de la part des investisseurs étrangers pour la dette domestique. Cet afflux de capitaux étrangers, conjugué à l’augmentation de l’excédent courant (niveau élevé des cours du cuivre et baisse significative des remboursements dus au titre de la dette – décision du gouvernement ne plus honorer ses engagements vis-à-vis des créanciers privés et initiative de suspension du service de la dette par les pays du G20 – DSSI) et à l’allocation générale de droits de tirage spéciaux par le FMI (1,4 Md USD), a entrainé une appréciation du kwacha par rapport à l’USD : +5% entre fin août et fin décembre 2021. En parallèle, l’inflation est passée de 24% sur un an en août à 16% en décembre. Même s’ils restent très dégradés, l’amélioration des fondamentaux a eu un impact positif sur la confiance des agents et sur la demande interne.
Pour 2022, les prévisions tablent sur une croissance comprise entre 3,1% (FMI) et 3,5% (Bank of Zambia – BoZ). L’environnement macroéconomique a continué à évoluer favorablement. Depuis le début de l’année, le kwacha est relativement stable et l’inflation a continué à diminuer (+12% sur un an en avril). Ces développements positifs libèrent des marges de manœuvre, dans un contexte international peu porteur, mais ne doivent pas faire oublier que le pays reste dans une situation difficile. Sur le plan sectoriel, le secteur bancaire (financement du déficit), les télécommunications et la distribution (baisse de l’inflation et du chômage) devraient porter la croissance cette année. En revanche, la production agricole va être affectée par des conditions météorologiques défavorables. La reprise du secteur minier devrait être limitée : la demande chinoise (principal client du cuivre zambien) va être affectée par les difficultés liées à la gestion de l’épidémie de Covid et les principales mines du pays devraient continuer à tourner en deçà de leurs capacités du fait d’un manque d’investissement, suite à des conflits entre les compagnies internationales et le précédent gouvernement.
2.2. Situation des finances publiques
La crise de la Covid-19 a été le déclencheur d’une crise de la dette souveraine, qui était en gestation depuis plusieurs années. Entre 2015 et 2019, le déficit public a atteint en moyenne 8% du PIB par an. D’une part, les finances publiques ont été plombées par les difficultés du gouvernement à mobiliser des ressources domestiques du fait de la faiblesse de la croissance et d’un système favorisant l’optimisation et l’évasion fiscales – en particulier dans le secteur minier. D’autre part, à partir de 2015, le président Lungu s’est engagé dans une stratégie de développement des infrastructures tous azimuts, financées à taux de marché et avec une grande opacité, s’agissant notamment des prêts de la Chine.
Malgré la mise en œuvre de la DSSI, le déficit public a atteint près de 14% du PIB en 2020 et il a été supérieur à 8,5% du PIB en 2021 – dans le contexte de la campagne électorale, qui s’est traduite par l’augmentation des subventions et des transferts financiers directs, caractérisés là aussi par une grande opacité. A noter que les chiffres du déficit sont largement sous-estimés, compte tenu de l’importance des arriérés de paiement domestiques et de TVA, qui représentaient plus de dix points de PIB fin 2021. Pour 2022, le gouvernement table sur un déficit public représentant 6,7% du PIB, mais avec de nombreuses incertitudes, en fonction de l’’évolution de la situation internationale (surprofits des entreprises minières vs augmentation des cours du pétrole), domestique (niveau de la croissance, de l’inflation et du kwacha) et de la mise en œuvre des réformes (réduction de la subvention aux carburants, efficacité de l’administration fiscale, annulation des projets d’infrastructures pour lesquels le gouvernement s’est engagé sans que les financements n’aient été décaissés, etc.).
L’accumulation de déficits publics élevés et la forte dépréciation du kwacha (dont la valeur a été divisée par 2,5 par rapport à l’USD entre juillet 2017 et juillet 2021) ont mené la dette publique zambienne sur une trajectoire toujours moins soutenable. En novembre 2020, les autorités ont été contraintes de faire défaut sur le remboursement d’un coupon d’un des trois Eurobonds émis depuis 2012. Depuis cette date, pour mettre tous ses créanciers sur un pied d’égalité, la Zambie ne rembourse plus que ses prêts multilatéraux. Fin 2021, le montant des arriérés d’intérêts s’élevait à 810 MUSD.
En 2021, le ratio de dette publique du pays a diminué de 15 points (du fait principalement d’un effet de change), pour atteindre toutefois 125% du PIB en fin de période. En 2014 il était de 36%. Fin 2021, la dette publique totale en devises (gouvernement central et entreprises publiques – y compris les garanties) s’élevait à 17 Mds USD, soit environ 54% de la dette publique totale. Si la dette en devises a été relativement stable (afin de respecter les conditions de mise en œuvre de la DSSI), la dette en monnaie locale a presque doublé en 2021, pour atteindre 12 Mds USD, soit 36% du total – pour financer la forte augmentation des subventions dans le contexte de la campagne électorale. La dette publique en devises est principalement composée de prêts contractés auprès de créanciers chinois (37% – souverains ou commerciaux – Exim China, China Development Bank, Industrial and Commercial Bank of China, etc.), de trois Eurobonds pour un montant total de 3 Mds USD (21%) et de financements multilatéraux (15%, en particulier de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement – BAfD).
3. Relations avec la communauté financière internationale
La Zambie est éligible aux financements les plus concessionnels des banques multilatérales de développement. Le portefeuille de la Banque Mondiale compte une vingtaine de financements actifs, pour un montant total de 1,4 Md USD – dont quatre ont été engagés en 2020 (pour un montant total de 310 MUSD – éducation, genre, santé, réponse post-Covid et agriculture) et trois en 2021, pour un montant de 275 MUSD (mêmes domaines). Le portefeuille de la BAfD compte un peu moins d’une vingtaine de projets actifs, pour un montant de 730 MUSD. En 2020, aucun projet important n’a été engagé et en 2021 uniquement un petit projet agricole (10 MUSD). Les deux banques multilatérales de développement, en particulier la Banque Mondiale, se tiennent prêtes à soutenir la mise en œuvre du programme FMI dès que ce dernier aura été approuvé par le conseil d’administration.
Après plusieurs années de grandes tensions, la double crise (de la Covid-19 et de la dette) a obligé le gouvernement Lungu à normaliser ses relations avec le FMI. La détente s’est confirmée avec l’arrivée au pouvoir de Hakainde Hichilema. En décembre 2021, les deux parties ont annoncé un accord de principe pour la mise en œuvre d’un programme de financement dit de Facilité Elargie de Crédit (Extended Credit Facility – ECF), d’un montant de 1,4 Md USD sur la période 2022-2025, avec deux objectifs principaux : restaurer la stabilité macroéconomique et permettre un redémarrage de l’économie sur des bases plus robustes et plus inclusives.
Le programme devrait être articulé autour des grands axes suivants : (i) assainissement budgétaire ; (ii) renforcement de la gestion des finances publiques et amélioration de la gouvernance (iii) développement humain et protection sociale. L’accord de principe n’est toutefois que la première étape d’un long processus – le programme ne pourra être soumis à l’approbation du conseil d’administration du FMI que lorsque les créanciers du pays auront donné des garanties suffisantes en matière de restructuration (comprenant très probablement une part d’annulation), permettant de restaurer la soutenabilité de la dette. Après plusieurs mois d’incertitudes, le gouvernement chinois a finalement confirmé en avril 2022 sa participation au comité des créanciers officiels – première étape des négociations.
A ce stade, aucune date n’a été fixée pour la tenue du premier comité. Selon les termes du nouveau cadre de traitement de la dette décidé par les pays du G20 (Common Framework), les créanciers commerciaux (environ 45% de la dette externe) devront ensuite consentir à un effort au moins équivalent à celui des créanciers officiels, ce qui à ce stade n’est pas acquis et soumis à leur bonne volonté. Depuis décembre 2021, le FMI relève un grand volontarisme et des progrès satisfaisants dans la mise en œuvre des réformes préalables demandées : la réduction des subventions pour le carburant a été engagée, une partie des arriérés de paiements domestiques a été remboursée, la réforme de la banque centrale a été lancée, le cadre et l’administration fiscales ont été renforcés, des annonces fortes ont été faites en matière de lutte contre la corruption et des premiers cas de malversation ont été révélés.
4. Aide publique au développement de la France
Entre 2018 et 2020 (dernières données disponibles), la Zambie a reçu en moyenne 210 MUSD de versements bruts d’Aide Publique au Développement (APD) par an de la part des bailleurs bilatéraux. La grande majorité de cette somme provenait des Etats-Unis (64%), de la Suède et du Royaume-Uni (9% chacun). La contribution de la France a représenté moins de 0,5% du total (environ 510 000 USD par an en moyenne), avec notamment le décaissement de plusieurs financements de l’AFD pour des projets dans les domaines de l’eau et de la biodiversité.
5. Relations économiques avec la France
5.1. Échanges commerciaux avec la France
En 2021, le commerce bilatéral entre la France et la Zambie a progressé pour la seconde année consécutive (+6,5% après +5,5% en 2020), pour atteindre plus de 36 MEUR. Les flux commerciaux bilatéraux n’ont pas réellement été affectés par la crise et atteignent des niveaux supérieurs à ceux observés entre 2017 et 2019 (14 MEUR en moyenne). Cette évolution s’explique notamment par la hausse de nos importations (+18%), portées par les achats de pierres précieuses – une dynamique que l’on observe depuis plusieurs années. Nos exportations ont également progressé, mais à un rythme moins soutenu (+10%) – portées par les ventes de pièces détachées de machines utilisés dans l’industrie minière. In fine, l’excédent commercial (structurel) qu’enregistre la France vis-à-vis de la Zambie a atteint 16 MEUR en hausse de 6,5%.
5.2. IDE et présence française
Le stock d’IDE français en Zambie s’élevait à 130 MEUR en 2019. Ces investissements concernaient principalement le secteur de l’immobilier et dans une moindre mesure celui de la distribution. Une quinzaine d’entreprises françaises sont implantées en Zambie, employant plus de 1 500 personnes. Il s’agit principalement de grandes entreprises, opérant dans les secteurs énergétique (Total Energies dispose notamment d’un réseau de distribution d’une soixantaine de stations-services ; Engie et Neoen), du transport et de la logistique (Bolloré, CMA-CGM, AGS), du BTP (Solétanche Freyssinet/Vinci Construction, Razel-Bec), de l’agroalimentaire (Parmalat-Lactalis) et des services (Newrest, JCDecaux, Ipsos et Bureau Veritas).