Fiche pays Zambie (mai 2023)

Depuis novembre 2020, la Zambie est en situation de défaut et la seule issue pour le pays est de bénéficier d’une restructuration de sa dette. Dans cette perspective, une étape majeure a été franchie en juin 2023, avec la conclusion d’un accord de principe entre la Zambie et ses créanciers bilatéraux officiels. Celui-ci doit désormais se concrétiser par la signature d’un protocole d’accord officiel, et se poursuivre par la conclusion d’accords entre la Zambie et ses créanciers commerciaux. Dans ce contexte, la normalisation des fondamentaux macroéconomiques amorcée dès la fin de l’année 2021 se poursuit, et la croissance aurait atteint 4,7% en 2022, soit son plus haut niveau depuis 2014.

1. Situation économique et politique

1.1. Situation politique

Les élections générales d’août 2021 ont porté au pouvoir M. Hakainde Hichilema, qui a battu nettement le président sortant Edgar Lungu. Il s’agit de la troisième alternance politique depuis l’indépendance du pays en 1964. Malgré les coups portés à la démocratie ces dernières années (intimidation et emprisonnement d’opposants, fermeture de médias, etc.), le président Lungu a reconnu rapidement sa défaite. L’élection de M. Hichilema, synonyme de forte baisse du risque politique, a été bien accueillie par la sphère économique et par les marchés, par ailleurs rassurés par le profil du nouveau président (homme d’affaires maitrisant les dossiers économiques) et le programme qu’il a porté pendant la campagne (axé sur la relance de l’économie et sur un retour à l’ordre budgétaire). La période de grâce succédant à l’élection s’est toutefois progressivement estompée, à partir de la fin de l’année 2022, dans un contexte marqué par une restructuration de la dette plus lente qu’initialement anticipé, et d’importants retards dans la distribution par le gouvernement d’engrais et d’intrants agricoles.

1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie

Avec un PIB de 29,7 Mds USD, la Zambie est une économie de taille moyenne, la quatrième en Afrique australe derrière l'Afrique du Sud, l'Angola et le Zimbabwe. L’économie du pays reste très dépendante du secteur minier (13% du PIB et environ 70% des recettes d’exportation), et en particulier du cuivre : la Zambie en est le second producteur du continent après son voisin congolais. L’agriculture représente environ 4% du PIB, mais près de 60% des emplois. L’économie est peu inclusive, centrée sur des secteurs d’activité à forte intensité capitalistique et/ou de rente (les mines, la construction et la distribution), largement contrôlés par des capitaux étrangers, dont les bénéfices sont captés par une petite partie de la population.

En 2022, le PIB par tête du pays s’élevait à 1 420 USD. Il fait partie des pays à « revenu intermédiaire de la tranche inférieure ». Dans un pays déjà très marqué par les problèmes sociaux, la plupart des indicateurs socio-économiques se sont dégradés suite à la crise : le taux de pauvreté a continué à augmenter, pour atteindre près de 62% (au seuil de 2,15 USD par jour), la malnutrition est très répandue (un tiers de la population souffrait d’insécurité alimentaire sévère en 2020), et les inégalités sont très prononcées (indice de Gini : 57,1 en base 100). Enfin, le pays se situe dans le dernier tiers du classement en termes d’IDH – 154ème rang sur 191 pays en 2021.

2. Conjoncture et finances publiques

2.1. Conjoncture économique

Après une décennie de forte croissance, avec des taux supérieurs à 7%, la Zambie a subi de plein fouet la fin du super-cycle des matières premières en 2015. Entre 2016 et 2019, le taux de croissance a atteint 3% en moyenne (avec une volatilité importante, et loin du potentiel du pays). En 2020, le PIB s’est contracté de 2,8% – davantage que la moyenne en Afrique sub-saharienne, mais moins que ses voisins de la sous-région australe. En 2021, le rebond de l’économie a été modéré (+4,6%), porté par la construction (effet de base) et les télécommunications.

L’environnement macroéconomique s’est initialement amélioré à partir de l’élection du Président Hichilema en août 2021, suivie de la conclusion d’un accord de principe (Staff Level Agreement) avec le FMI au mois de décembre 2021, puis du programme ECF du FMI en août 2022, mais les délais de négociations au sein du comité des créanciers ont pesé sur le rétablissement de la situation, marquée par une dégradation progressive des indicateurs macroéconomiques à partir de l’automne 2022. L’indice PMI de la banque Stanbic, qui s’était maintenu au-dessus de la barre de 50 points (signe d’une perception d’un accroissement de l’activité par les entreprises) quasiment chaque mois entre septembre 2021 et septembre 2022, est majoritairement resté en territoire négatif à partir d’octobre 2022, repassant toutefois au-dessus de la barre des 50 points au mois de mai 2023.

La normalisation des fondamentaux macroéconomiques a néanmoins eu pour conséquence une accélération de la croissance (4,7 % du PIB en 2022, soit son plus haut niveau depuis 2014). La reprise a été largement supérieure aux attentes, le gouvernement ayant tablé sur une croissance de 3,0% seulement en 2022 dans son budget pour l’année 2023, en raison notamment du ralentissement constaté dans les secteurs de la construction, minier et agricole, affecté par une sécheresse particulièrement sévère, ainsi qu’un sous-investissement chronique dans les installations minières. À cet égard, si les conflits entre les compagnies privées opérant deux des plus importantes mines du pays (Mopani et Konkola) ne sont pas encore réglés, le gouvernement aurait toutefois avancé dans leur résolution. D’importants investissements dans les transports, les TIC et le secteur éducatif (avec une augmentation importante de la masse salariale) ont permis de soutenir l’activité.

Pour 2023, les prévisions tablent sur un ralentissement de la croissance à 3,6% (Banque mondiale et FMI). L’économie continue d’être pénalisée par les difficultés de l’industrie du cuivre (faiblesse des cours et sous-production liée à un sous-investissement dans les mines), la survenue de chocs externes (inondations en février 2023), des difficultés d’approvisionnement électrique et un environnement macroéconomique toujours instable. La bonne mise en œuvre de la stratégie de développement des autorités et du programme FMI devrait toutefois permettre à la Zambie d’atteindre un taux de croissance de 5,0 % à horizon 2027.

2.2. Situation des finances publiques

La crise de la Covid-19 a été le déclencheur d’une crise de la dette souveraine, qui était en gestation depuis plusieurs années. Entre 2015 et 2019, le déficit public a atteint en moyenne 8% du PIB par an. D’une part, les finances publiques n’ont pu mobiliser des ressources domestiques du fait de la faiblesse de la croissance et d’un système favorisant l’optimisation et l’évasion fiscales – en particulier dans le secteur minier. D’autre part, à partir de 2015, le président Lungu s’est engagé dans une stratégie de développement des infrastructures tous azimuts, financées à taux de marché et avec une grande opacité, s’agissant notamment des prêts de la Chine.

Malgré la mise en œuvre de l’initiative de suspension du service de la dette (Debt Service Suspension Initiative – DSSI), le déficit public a atteint près de 14% en 2020 et 8,1% du PIB en 2021 – dans le contexte de la campagne électorale, qui s’est traduite par l’augmentation des subventions et des transferts financiers directs, caractérisés là aussi par une grande opacité. L’accumulation de déficits publics élevés et la forte dépréciation du kwacha (dont la valeur a été divisée par 2,5 par rapport à l’USD entre juillet 2017 et juillet 2021) ont mené la dette publique zambienne sur une trajectoire toujours moins soutenable. En novembre 2020, les autorités ont été contraintes de faire défaut sur le remboursement d’un coupon d’un des trois Eurobonds émis depuis 2012. Depuis cette date, pour mettre tous ses créanciers sur un pied d’égalité, la Zambie ne rembourse plus que ses prêts multilatéraux.

La politique de consolidation fiscale poursuivie par le gouvernement zambien a toutefois permis un début de diminution du déficit public, qui a atteint 7,7% du PIB en 2022, et ce en dépit d’une baisse des recettes (20% du PIB, contre 22,3% en 2021), liée à une sous-performance du secteur minier. La baisse des dépenses (de 30,4% à 27,6% du PIB entre 2021 et 2022) s’explique principalement par le retrait partiel des subventions à l’énergie et aux intrants agricoles (de 5,5% à 2,1% du PIB entre 2021 et 2022). A noter que les dépenses d’intérêts (dont la quasi-totalité est imputable à la dette domestique) représentent à elles seules 6,1% du PIB et 30% des recettes. A noter également l’importance des arriérés de paiement domestiques et de TVA, qui représentaient près de 20% du PÏB fin 2022 (dont 60% dues par les compagnies minières).

Selon le FMI, le solde primaire (+0,8% du PIB en 2022) devrait s’apprécier au cours des prochaines années pour atteindre +3,3% en 2025, sous l’effet de la suppression des réductions d’impôt pour l’achat de carburants (1,2% du PIB), de l’augmentation de la base taxable et de l’amélioration du taux de recouvrement.

Après un pic de 150% du PIB en 2020 (contre 36% en 2014), le ratio de dette publique du pays a décru au cours des deux dernières années (du fait principalement d’un effet de change), atteignant 120% du PIB fin 2022 (33,4 Mds USD dont 4,3 Mds USD en arriérés). La dette publique externe du pays représente 21,0 Mds USD, répartie entre créanciers bilatéraux (6,3 Mds USD), multilatéraux (3,5 Mds USD) et commerciaux (6,8 Mds USD, dont 3,5 Mds USD détenus sous forme d’obligations internationales). Elle comprend également des arriérés de l’Etat et de l’entreprise publique ZESCO (1,7 Md USD), ainsi que la dette domestique (en monnaie locale) détenue par les investisseurs non-résidents (2,6 Mds USD), comptabilisée en dette publique externe. Les prêts contractés auprès des créanciers chinois représentent près de 6 Mds USD, soit un tiers de la dette externe publique, dont 4,1 Mds USD auprès de China EximBank (relevant du champ souverain chinois) et 1,8 Md USD auprès de 14 établissements bancaires et entreprises chinoises. La dette domestique a continué à augmenter en 2022, pour atteindre 12,4 Mds USD.

3. Relations avec la communauté financière internationale

La Zambie est éligible aux financements les plus concessionnels des banques multilatérales de développement. Le portefeuille de la Banque Mondiale compte une trentaine de projets actifs, pour un montant total de 2,4 Mds USD. Quatre nouveaux projets ont été engagés en 2022 (740 MUSD – prêts souverains de relance de la croissance, agriculture), et trois au premier semestre 2023 (tourisme, éducation et agribusiness). Le portefeuille de la BAfD compte une quinzaine de projets actifs, pour un montant de 791 MUSD.

Après plusieurs années de grandes tensions, la double crise (de la Covid-19 et de la dette) a obligé le gouvernement Lungu à normaliser ses relations avec le FMI. La détente s’est confirmée avec l’arrivée au pouvoir de Hakainde Hichilema. En décembre 2021, les deux parties ont annoncé un accord de principe pour la mise en œuvre d’un programme de financement dit de Facilité Elargie de Crédit (Extended Credit Facility – ECF). Ce programme, approuvé par le conseil d’administration du FMI le 31 août 2022, et d’un montant de 978,2 M DTS (soit environ 1,3 Md USD), poursuit deux objectifs principaux : restaurer la stabilité macroéconomique et permettre un redémarrage de l’économie sur des bases plus robustes et plus inclusives. Il est articulé autour de trois grands axes : i) assainissement budgétaire ; ii) renforcement de la gestion des finances publiques et amélioration de la gouvernance ; et iii) développement humain et protection sociale). La première tranche du programme (189 MUSD) a été décaissée le 31 août 2022, les six tranches suivantes devant théoriquement l’être les 1er avril et 1er octobre de chaque année. Les négociations sur la restructuration de la dette zambienne, entamées courant 2022 sur le fondement du « Cadre commun pour les traitements de la dette au-delà de l’ISSD » sous l’égide du Club de Paris et du G20, ont néanmoins accumulé de nombreux retards, en raison de négociations difficiles avec la Chine. Un accord de principe sur la restructuration de la dette bilatérale externe de la Zambie (6,3 Mds USD, soit environ 30% de sa dette externe) a finalement été atteint au mois de juin 2023, ouvrant la voie à l’organisation, le 13 juillet, de la première revue du programme du FMI, et au décaissement dans la foulée de la deuxième tranche du programme (188 MUSD). Les négociations avec la Chine se poursuivent en vue de la signature formelle d’un protocole d’accord (Memorandum of Understanding) entre la Zambie et ses créanciers officiels, qui sera une condition nécessaire à la poursuite du programme et au décaissement des tranches suivantes. En parallèle, la Zambie doit par ailleurs toujours négocier une restructuration de sa dette contractée auprès des créanciers commerciaux (environ 37% de la dette externe) qui, selon les termes du cadre de traitement, doivent consentir à un effort au moins équivalent à celui des créanciers officiels.

La performance du programme du FMI est jugée très satisfaisante au regard du contexte macroéconomique domestique et international particulièrement dégradé, l’ensemble des critères de performance quantitatifs et des repères structurels de mars et de juin 2023 ayant été atteints, à l’exception de deux d’entre eux, repoussés à la fin de l’été.

4. Aide publique au développement de la France

Entre 2019 et 2021 (dernières données disponibles), la Zambie a reçu en moyenne 609 MUSD de versements bruts d’Aide Publique au Développement (APD) par an de la part des bailleurs bilatéraux. La grande majorité de cette somme provenait des Etats-Unis (62%), de la Suède (10%) et du Royaume-Uni (9%). La contribution de la France a représenté moins de 1% du total (environ 5,3 MUSD par an en moyenne), malgré une augmentation notable en 2021 (11,8 MUSD). On peut notamment noter le décaissement de plusieurs financements de l’AFD dans les domaines de l’eau et de la biodiversité. L’encours de l’AFD dans le pays s’élevait à 92 MEUR fin 2022. La Zambie n’honorant plus son service de la dette, l’AFD a toutefois suspendu la majorité de ses activités dans le pays dans l’attente de la signature formelle d’un protocole d’accord sur la restructuration.

5. Relations économiques avec la France

5.1. Échanges commerciaux avec la France

En 2022, les échanges commerciaux entre la France et la Zambie ont progressé pour la troisième année consécutive (+28,5% après +13,9% en 2021), pour atteindre le niveau inédit de 47,7 MEUR. Cette évolution s’explique exclusivement par la forte progression de nos importations (+110% à 21,3 MEUR), portées par nos achats de pierres précieuses et de diamants. Nos exportations ont en revanche légèrement régressé (-2,3% à 26,3 MEUR). L’excédent commercial (structurel) qu’enregistre la France vis-à-vis de la Zambie s’est ainsi considérablement réduit (-70%, à 5 MEUR), atteignant un niveau inédit depuis plus d’une décennie.

5.2. IDE et présence française

Le stock d’IDE français en Zambie s’élevait à 133 MEUR en 2022. Ces investissements concernaient principalement le secteur de l’immobilier et dans une moindre mesure celui de la distribution. Une quinzaine d’entreprises françaises sont implantées en Zambie, employant plus de 1 500 personnes. Il s’agit principalement de grandes entreprises, opérant dans les secteurs énergétique (Total Energies dispose notamment d’un réseau de distribution d’une soixantaine de stations-services ; Engie et Neoen), du transport et de la logistique (AGL ex-Bolloré, CMA-CGM, AGS), du BTP (Solétanche Freyssinet/Vinci Construction, Razel-Bec), de l’agroalimentaire (Parmalat-Lactalis) et des services (Newrest, JCDecaux, Ipsos et Bureau Veritas).

La présence française va toutefois se renforcer dans les prochaines années avec la réalisation (sur financement de la SFI) du projet de barrage hydroélectrique de Mpatamanga sur la rivière Shire à proximité de Blantyre. D’une capacité de 350 MW, cet ouvrage, qui doublera la production d’électricité du pays, sera réalisé par EDF, en partenariat avec le norvégien SN Power. L’investissement total sera de l’ordre d’1 Md USD.

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