Tableau de bord macroéconomique (janvier 2021)

  • Une des économies les plus touchées du continent africain et parmi les émergents.

L’Afrique du Sud a abordé la crise du Covid-19 dans une situation difficile qui, ajoutée à une gestion très prudente de la pandémie, devrait se traduire par une contraction du PIB comprise entre -7% et -8% en 2020 – après +0,2% en 2019. Le pays est entré en récession dès le T4 2019 et affichait depuis 2009 une croissance atone (1,5% en moyenne). Le rebond attendu en 2021 devrait être modéré (entre +2,5% et +3,5%), compte tenu des fortes contraintes qui vont continuer de peser sur l’économie du pays – approvisionnement en électricité, confiance et demande interne au plus bas. La croissance potentielle atteint difficilement 1,5% et l’exécutif a le plus grand mal à imposer les réformes nécessaires pour relancer l’économie. Un espoir réside toutefois dans la mise en œuvre du plan de reconstruction économique présenté mi-octobre – investissement conséquent dans les infrastructures, plan d’urgence pour le secteur électrique, renforcement de la lutte contre la corruption et du climat des affaires.

Alors que 1,7 M d’emplois ont été détruits entre avril et septembre 2020, la crise risque de remettre en cause les progrès sociaux réalisés depuis la fin de l’apartheid – accès à l’eau et à l’électricité, scolarisation, réduction de la pauvreté. D’autant que ces dernières années, la croissance avait déjà été trop faible pour lutter contre les nombreux problèmes sociaux qui touchent le pays : les inégalités ont augmenté et la criminalité a atteint des niveaux records. Selon la Banque Mondiale, le taux de pauvreté va augmenter de deux points en 2020, pour atteindre 22% (au seuil de 1,9 USD par jour). Le taux de chômage pourrait rapidement dépasser 40%, alors qu’il atteignait déjà plus de 30% avant la crise. En 2020, le PIB par tête a reculé pour la septième fois au cours des dix dernières années.

L’inflation a fortement ralenti depuis le déclenchement de la crise, jusqu’à 2,1% sur un an au mois de mai, du fait de la chute de la demande interne et des cours du pétrole. Alors qu’elle a atteint 3,1% sur un an en décembre, l’inflation devrait rester modérée dans les mois à venir – prévisions inférieures à 4% en moyenne en 2021 après 3,3% en 2020. Grâce aux marges de manœuvre importantes érigées ces dernières années, la banque centrale a pu prendre des mesures d’ampleur pour faire face à la crise – alors que la réponse budgétaire a été décevante (en deçà des 10% du PIB annoncés en avril) : baisse de 2,75 points du taux repo depuis mars, facilitation de l’accès à la liquidité pour les banques, assouplissement de la règlementation prudentielle, intervention sur le marché obligataire secondaire, etc. Compte tenu de l’évolution des fondamentaux et des signaux envoyés par la banque centrale en faveur de la croissance, la politique monétaire devrait rester accommandante (taux repo de 3,5%) pour une période prolongée.

 

  • Les financies publiques prennent un chemin de moins en moins soutenable

Alors que les finances publiques du pays se dégradent depuis le début des années 2010 (déficit supérieur à 4,5% du PIB en moyenne sur la période), l’impact de la crise va être massif et durable. Malgré la volonté de mieux maîtriser le déficit depuis l’arrivée à la présidence de Cyril Ramaphosa, la faiblesse de la croissance, la désorganisation de l’administration fiscale et le soutien financier accordé aux entreprises publiques ont fait déraper le déficit tous les ans depuis 2018. A cette situation déjà fragile va s’ajouter l’impact de la crise qui sera massif : le déficit devrait atteindre près de 16% du PIB pour l’exercice 2020-2021 et se maintenir au-delà de 7,5% du PIB au cours des trois suivants. Le ratio d’endettement va augmenter de près de vingt points, pour atteindre 82% du PIB dès la fin du mois de mars prochain. Même s’il a été revu à la baisse, le scénario de stabilisation de la dette publique est ambitieux : à hauteur de 95% du PIB à l’horizon de cinq ans – avec principalement des risques liés au niveau de la croissance et à l’effort porté sur la maîtrise de la masse salariale de la fonction publique (nominal stable sur les trois prochains exercices). La structure de la dette présente un risque modéré, car elle est peu sensible au risque de change (12% est libellée en devises) et de refinancement à court terme (maturité moyenne de 14 ans). Toutefois, la trajectoire prise par les finances publiques est de moins en moins soutenable : le service de la dette est désormais le troisième poste de dépense et, celui qui augmentera le plus au cours du prochain triennum.

 

  • La notation sud-africaine menacée par des fragilités persistante

En 2020, les trois principales agences ont dégradé la notation souveraine du pays – en particulier Moody’s, la seule qui maintenait le pays en catégorie investissement – davantage en lien avec les fragilités de l’économie qu’en réaction à la crise. Les pressions s’accroissent sur le gouvernement pour qu’il accélère sur le chemin des réformes, afin de faire revenir la confiance, les investissements et la croissance.

 

  • Des questions sur la capacité du pays à financer son déficit courant dans le futur

Sur les trois premiers trimestres de 2020, l’Afrique du Sud a enregistré un excédent courant aussi élevé qu’il est inhabituel – cela n’était pas arrivé depuis 2002. L’excédent courant a atteint 41 Mds ZAR (soit 2,3 Mds EUR et 1,2% du PIB), contre un déficit de 130 Mds ZAR en moyenne sur la même période au cours des quatre dernières années. Cette évolution s’explique principalement par la forte progression de l’excédent de la balance commerciale des biens, qui a atteint 176 Mds ZAR (9,5 Mds EUR et 5% du PIB), contre 16 Mds ZAR en moyenne sur les quatre dernières années – du fait de la bonne tenue des exportations et de la forte baisse des importations, en lien avec des termes de l’échange nettement en faveur de l’Afrique du Sud (prix du pétrole au plus bas et rebond des prix des produits miniers) et de la faiblesse de la demande interne. L’excédent courant record s’explique aussi par une diminution du déficit de la balance des revenus primaires (qui est structurellement le principal contributeur au déficit courant du pays) – à 80 Mds ZAR – contre 113 Mds ZAR en moyenne sur les quatre dernières années  – principalement dû à la baisse des dividendes versés aux non-résidents dans le contexte de la crise. A noter que le déficit de la balance des services a atteint un niveau très élevé (26 Mds ZAR, soit 0,7% du PIB) – un niveau deux fois supérieur à celui enregistré en moyenne ces quatre dernières années, en lien avec la chute de l’activité touristique), sans toutefois affecter de manière significative les performances globales de la balance courante.

Toujours sur les trois premiers trimestres de 2020, l’Afrique du Sud a enregistré des sorties nettes de capitaux pour un montant de 114 Mds ZAR (contre des entrées nettes pour 86 Mds ZAR en moyenne au cours des quatre ans précédents) – en raison de la sortie massive d’investissements de portefeuille et des « autres investissements », avec notamment une désaffection pour la dette souveraine sud-africaine dans un contexte très risqué – que la bonne orientation des flux d’Investissements Directs Etrangers (IDE) n’a pas permis de contrebalancer (soutien financier des sociétés mères accordés à leurs filiales sud-africaines).

Compte tenu des équilibres de la balance des paiements décrits ci-dessus (excédent de la balance courante inférieur à la sortie nette de capitaux), le niveau des réserves de changes a diminué de près de 50 Mds ZAR (2,7 Mds EUR) sur les trois premiers trimestres de 2020. A la fin de la période, le montant des réserves s’élevait à 54 Mds USD (soit une couverture de huit mois d’importations). Les sorties nettes de capitaux, qui se sont prolongées tout au long de 2020, interrogent sur les capacités futures du pays à financer son déficit courant (structurel) lorsque la situation se normalisera.

Le rand est une monnaie très volatile voire spéculative. Compte tenu du poids important des investisseurs étrangers sur le marché domestique (30% des obligations souveraines étaient détenues par des investisseurs étrangers fin décembre 2020 – en baisse de sept points par rapport à fin 2019), la devise sud-africaine réagit fortement à l’évolution du risque sur les marchés internationaux et en particulier au risque émergent. Au cours des premiers mois de 2020, le rand s’est fortement déprécié, pour atteindre jusqu’à 19,1 ZAR pour un USD le 23 avril – chute de 26,5% par rapport au 1er janvier 2020. La relative normalisation de la situation au niveau international et les bons résultats commerciaux ont ensuite permis à la monnaie sud-africaine de se renforcer – mi-janvier 2021, la parité a atteint 15,2 ZAR pour un USD – soit une baisse de 8% par rapport au 1er janvier 2020.

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