Tableau de bord conjoncturel d’Afrique australe

 

  • Une reprise de la croissance économique régionale inégalement répartie entre les pays de la zone

Les dernières données du FMI publiées en avril 2018 (World Economic Outlook, Avril 2018) confirme une augmentation de la croissance économique en Afrique sub-saharienne de 0,7 % en 2016 à 1,4 % l’an passé, soit des chiffres supérieurs (de 0,1 point de pourcentage) aux prévisions d’octobre dernier, et prévoit sa poursuite avec +1,9 % en 2018. Néanmoins, cet effet de reprise est très inégalement réparti au sein des différents pays de la zone : tandis que certains ont connu une croissance relativement robuste en 2017 (+4 % au Malawi, +3,6 % en Zambie, +3,1 % au Lesotho, +3 % au Mozambique et au Zimbabwe), celle d’Afrique du Sud reste modeste (+1,3 % après +0,6 %) et les autres pays ont vu leur activité stagner (0,2 % au Swaziland, +0,7 % en Angola) voire diminuer (-1,2 % en Namibie du fait du ralentissement du secteur de la construction, d’une reprise très moyenne de l’activité minière et d’une demande angolaise peu dynamique) malgré l’amélioration du contexte mondial et la bonne reprise des cours des matières premières. Par ailleurs, l’amélioration des taux de croissance reflètent pour certains pays le rattrapage d’une année 2016 particulièrement difficile notamment pour l’Angola (-0,8 %), le Swaziland (croissance nulle), l’Afrique du Sud (0,6 %) et le Zimbabwe (0,7 %).

Pour l’Afrique du Sud, 1ère économie de la région, la croissance, bien que toujours atone, s’est établie bien au-delà des attentes des analystes du FMI qui prévoyaient encore 0,7 % en octobre dernier : avec +1,3 % en rythme annuel en 2017, elle est en nette accélération par rapport à 2016, tirée par les bonnes performances des secteurs financier, agricole et minier. La mise en place du nouveau gouvernement, porté par Cyril Ramaphosa, et les premières mesures prises (gouvernance des entreprises publiques notamment) a permis de rassurer les investisseurs étrangers et d’empêcher une dégradation de l’agence de notation Moody’s, qui avait renchéri l’accès aux financements internationaux.

En Angola à l’inverse, les performances se situent bien en dessous des prévisions établies fin 2017 : le rebond de la production pétrolière a été moins fort qu’envisagé, et la croissance n’a atteint que +0,7 % contre les +1,5 % attendus. En revanche, le PIB/tête a recommencé à augmenter dans le pays après 3 années consécutives de baisse, mais reste cependant encore inférieur au niveau de 2013.

 

  • L’amélioration des conditions climatiques et la hausse des cours mondiaux comme moteurs principaux de la reprise économique, avec également une baisse des taux directeurs permise par la maîtrise de l’inflation

En 2017, les deux moteurs principaux de la reprise économique ont été l’amélioration des conditions climatiques et la hausse des cours mondiaux des matières premières. En effet, la plupart des pays d’Afrique australe ont un secteur agricole important (Lesotho, Malawi et dans une moindre mesure l’Afrique du Sud et le Zimbabwe) et/ou un secteur minier fournissant la majorité de leurs exportations (Angola, Zambie, et Namibie surtout, et également Afrique du Sud et Zimbabwe). D’une part, la fin de la sécheresse a permis la normalisation des rendements agricoles après une année 2016 particulièrement difficile. D’autre part, le renchérissement du cours des matières premières a soutenu la croissance à travers l’augmentation des exportations, à la fois en valeur et en volume (reprise d’activité dans certaines mines et ouverture de nouvelles). En effet, depuis janvier 2017, les principaux produits miniers et de l’énergie ont vu leur prix augmenter : +6 % pour le charbon, +12 % pour l’or, +19 % pour le cuivre et jusqu’à +30 % pour le pétrole et +40 % pour le nickel, participant en grande partie à la réduction du déficit commercial d’un certain nombre de pays.

Par ailleurs, le mouvement d’assouplissement monétaire se poursuit dans la région : le taux directeur a été diminué de 25 pdb en Afrique du Sud et au Lesotho respectivement en mars et en avril 2018, de 50 pdb en Zambie en février, de 125 pdb au Mozambique en mars 2018 et de 200 pdb au Malawi en décembre 2017. Ces baisses successives ont été rendues possibles par une évolution favorable de l’inflation depuis plusieurs mois dans presque tous les pays, notamment ceux qui présentaient des niveaux d’inflation très élevés : en Angola, l’inflation s’établit aujourd’hui à 20,9 % contre 36,5 % à la même période l’an passé, freinée néanmoins par la mise en place d’un taux de change flottant depuis fin 2017 qui a engendré une forte dévaluation du Kwanza ; au Malawi, elle s’est réduite de près de 10 points de pourcentage sur l’année 2017 tandis qu’au Mozambique, le taux a chuté de 20,6 % en janvier 2017 à 3,1 % le mois dernier. Au Zimbabwe en revanche, l’inflation est sur une tendance haussière du fait de la création monétaire électronique. Ainsi, au niveau régional, l’inflation s’établit désormais à 7,6 % contre 13,5 % début 2017, conséquence également de l’appréciation de la plupart des monnaies locales face aux grandes devises internationales. A titre indicatif, sur 1 an, le Rand s’est apprécié de +10,1 % face au dollar américain, le pula botswanais de +8,5 % et la metical mozambicain de +17,8 %, signe d’un léger regain de confiance des investisseurs étrangers, ainsi que d’une amélioration du contexte économique. La baisse des taux directeurs représente une bonne nouvelle dans des pays où la majorité des crédits sont à taux variables, car elle permet de relancer la consommation des ménages, de baisser le coût du crédit pour les entreprises et donc de contribuer positivement à la croissance. Les banques centrales demeurent cependant prudentes dans la baisse des taux d’intérêt (les taux réels sont souvent élevés) face notamment à la perspective de resserrement monétaire aux Etats-Unis et en zone euro.

Enfin, la reprise de la croissance mondiale continue d’avoir un effet positif sur les économies de la région en tirant vers le haut leurs exportations via une augmentation de la demande externe et en réduisant leur déficit commercial. Selon les données du FMI, la croissance globale est en hausse de +3,8 % en 2017, soutenue par un rebond du commerce mondial, et est attendue à +3,9 % pour l’année à venir.

 

  • La situation des finances publiques continuent de fragiliser la situation économique des pays, accentuée par la faiblesse de la diversification des activités et la dépendance à l’Afrique du Sud

La question de la soutenabilité des finances publiques est la principale inquiétude concernant les pays d’Afrique australe depuis quelques années : exception faite du Botswana dont la dette publique ne s’élève qu’à 15,6 % du PIB en 2017, tous les autres pays de la région présentent des niveaux de dette publique élevés (102,2 % au Mozambique, 78,4 % au Zimbabwe et 65,2 % en Angola en 2017) et/ou très souvent en hausse sur ces dernières années (+12 points en Afrique du Sud, +16 points au Malawi, +22 points en Namibie et +37 points en Zambie depuis 2012). En 2016, la dégradation des finances publiques avait été accentuée par la baisse des recettes issues de la Southern African Customs Union (à travers la baisse progressive des droits de douane et le ralentissement de l’économie sud-africaine) qui était venue détériorer le solde courant de pays déjà structurellement déficitaires. Toutefois, en 2017, l’ensemble des pays déficitaires ont vu ce solde s’améliorer en raison de la meilleure performance des recettes fiscales liées aux exportations. Globalement, les déficits publics demeurent relativement importants et entrainent la création d’arriérés de paiements dans plusieurs pays, notamment au Mozambique qui est en situation de surendettement depuis la révélation des dettes cachées en 2016 et dont les arriérés s’accumulent aujourd’hui à un montant de 710 M USD (soit environ 5 % du PIB). Au Zimbabwe, le déficit s’élevait à -9,6 % en 2017 notamment parce que les mesures annoncées de gel des salaires dans la fonction publique n’ont pas été prises. En Zambie, l’effort de consolidation budgétaire et de réduction des arriérés se poursuit[1] mais dans le même temps de nouveaux projets d’investissement menacent la soutenabilité de la dette publique, avec un risque jugé élevé par le FMI avec qui les discussions pour un programme sont bloquées. Néanmoins, les gouvernements ont mis en place des mesures de consolidation budgétaire de plus en plus sérieuses et crédibles au regard des différentes organisations internationales. En Angola, les dépenses publiques sont passées de 40 % du PIB en 2013-2014 à 21,4 % dans le projet de loi de finances pour 2018 et les salaires sont demeurés quasiment fixes, malgré une inflation importante dans le pays. Au Mozambique, les dépenses publiques ont également été réduites de 3,4 points de PIB pour l’année fiscale 2018/2019. Enfin en Afrique du Sud, le nouveau budget de mi-février a présenté une trajectoire budgétaire soutenable qui a permis de réduire la pression exercée par les agences de notation depuis le milieu de l’année 2016.

De plus, la fragilité des finances publiques met en lumière le problème de la faiblesse de la diversification de l’activité économique de certains pays, notamment en Zambie où 90 % des exportations sont dominées par le cuivre ou au Malawi où la prédominance de l’activité agricole (29,5 % du PIB) rend le pays particulièrement vulnérable aux aléas climatiques et aux chocs externes en général. Par ailleurs, la quasi-stagnation de l’activité en Afrique du Sud en 2016 et la reprise modérée en 2017 a pénalisé beaucoup de pays qui restent encore très dépendants de la 1ère économie de la région. En Namibie, les recettes d’exportations ont fortement diminué, l’Afrique du Sud étant le premier partenaire commercial du pays et au Zimbabwe, les transferts des zimbabwéens de l’étranger se sont contractés de 1 277 M USD en 2015 à 1 105 M USD anticipés en 2017, conséquence de l’atonie de l’activité sud-africaine (pays où est concentrée la diaspora zimbabwéenne).

 

  • Les nouveaux gouvernements en place ces derniers mois semblent conscients de la nécessité de la mise en place de réformes structurelles dans le but d’améliorer le climat des affaires et de restaurer la confiance des investisseurs étrangers.

Au-delà des efforts nécessaires d’assainissement des comptes publics, le développement de l’attractivité du pays pour les investisseurs étrangers passe par l’amélioration du cadre de l’environnement des affaires et du lancement de réformes des entreprises publiques, qui peuvent désormais être impulsées dans de nombreux pays grâce au changement de gouvernement. Au Zimbabwe, la chute de Robert Mugabe, au pouvoir depuis plus de trente ans, laisse entrevoir de meilleures perspectives quant à l’amélioration de la gouvernance du pays tandis qu’en Afrique du Sud, l’élection de Cyril Ramaphosa à la tête de l’ANC a été très bien accueillie par les milieux d’affaires. Ces nouveaux leaders placent au centre de leur programme politique une réforme de la gouvernance des entreprises d’Etat, assortie d’une gestion plus efficace et transparente des finances publiques. Au Botswana, M. Mogkweetsi E. Masisi, le président élu en avril 2017, a inscrit son gouvernement dans la continuité du précédent pouvoir, tant aux niveaux social qu’économique, mais avec une politique économique a priori plus ouverte aux investissements étrangers pour accélérer la diversification de son économie. Enfin, en Angola, la fin de l’ère dos Santos laisse entrevoir de meilleures perspectives en termes de transformation de la structure de l’économie Ces efforts de réformes restent essentiels afin de restaurer l’attractivité des pays et attirer de nouveaux flux d’investissement étrangers, en baisse depuis quelques années.

 

 

La dégradation des finances publiques comme facteur d’abaissement des notations des dettes souveraines des différents pays de la région

En 2017, pour la quasi-totalité des pays d’Afrique australe, les notations souveraines ont été abaissées, les classant dans la catégorie spéculative. En janvier 2017, le Mozambique est placé en situation de défaut sélectif par Standards & Poor’s suite à la révélation des dettes cachées et à la réévaluation du niveau de dette, estimé à plus de 100% du PIB. Puis en avril 2017, c’est l’Afrique du Sud qui voit sa notation souveraine être dégradée d’un cran (de BBB- à BB+) en catégorie spéculative par S&P, suivie par une décision similaire de Fitch à quelques jours d’intervalle. La décision intervient principalement en réaction au large remaniement ministériel opéré par le Président Zuma le 30 mars dernier avec le remplacement de Pravin Gordham au poste de Ministre des finances, et une nouvelle dégradation a eu lieu lors de la présentation du budget pluriannuel en octobre 2017. La Namibie a elle aussi été doublement dégradée par Moody’s et Fitch (respectivement en août et en octobre) et classée dans la première tranche de la catégorie spéculative. Enfin, durant l’été, la note de l’Angola est à la fois abaissée par S&P (en aout) et Moody’s (en septembre) et se situe désormais un cran au-dessus de la catégorie de « risque élevé ». Le mauvais classement de l’ensemble des économies de la région (exception faite du Botswana, noté A2 par Moody’s et A- par Fitch) est un des facteurs de la baisse des flux d’IDE depuis quelques années et prive donc les pays d’un accès à des financements internationaux qui permettraient une relance de la croissance dans un contexte de demande interne atone et de restriction de l’investissement public. Les perspectives paraissent plus optimistes pour 2018 avec une augmentation de la perspective des notes angolaise et sud-africaine en mars et avril dernier et une confirmation de la catégorie investissement pour l’Afrique du Sud par Moody’s.

Achevé de rédiger le 25 mai 2017

 



[1] En Zambie, la trajectoire de déficit public est très différente en comptabilité de caisse –qui influe sur la dynamique d’endettement - (5 % en 2016, 7 % en 2017  et 6 % en 2018 où le déficit tiré à la hausse par le remboursement des arriérés) et en comptabilité d’engagement – qui reflète l’effort ou pas de réduction des dépenses ou de hausse des recettes – (10 % en 2016 lors de l’accumulation des arriérés, 5 % en 2017 et 4 % en 2018).

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