Présentation du budget pour l’exercice 2022-2023

Le Ministre des Finances Enoch Godongwana a, pour la première fois, présenté le 23 février les perspectives budgétaires du pays devant le Parlement. Cet exercice, dans la droite ligne des annonces faites par le Président Ramaphosa lors du SONA, peut être considéré comme réussi, car le Ministre a maintenu la ligne prudente de son prédécesseur (équilibre entre désendettement et dépenses sociales nouvelles pour l’utilisation du surplus financier de l’exercice précédent). Les mesures fiscales annoncées, tant pour les entreprises que pour les particuliers, sont limitées et visent à soutenir la croissance. Le Ministre s’est également engagé en faveur de la poursuite des réformes et notamment de la relance par les infrastructures et de la restructuration des entreprises publiques. Même si des éléments d’incertitude subsistent, notamment quant à la maîtrise des dépenses de fonctionnement de l’Etat (masse salariale), ce budget a été bien accueilli par les observateurs et par les marchés.

1. Le Ministre des Finances sud-africain Enoch Godongwana a prononcé mercredi 23 février 2022 devant le Parlement le discours de présentation du budget pour l’exercice 2022-2023 qui débutera le 1er avril prochain, ainsi que les perspectives budgétaires pour les deux exercices suivants. L’exercice a été jugé réussi par la très grande majorité des analystes et observateurs

2. On notera d’abord que l’intervention du Ministre Godongwana était parfaitement alignée sur les priorités économiques exposées par le Président Cyril Ramaphosa lors du discours annuel sur l’état de la Nation (SONA) le 10 février dernier. Pour mémoire ces priorités sont rappelées en annexe de la présente note.

3. Les perspectives budgétaires s’inscrivent dans un environnement économique légèrement révisé à la baisse, avec une croissance ramenée à 4,8% en 2021 (contre 5,1% lors du budget de mi-parcours) et une prévision moyenne annuelle de 1,8% sur les trois prochains exercices (2,1% en 2022). Outre le risque de nouvelles vagues de la Covid, les principaux risques sont à la fois internes (système électrique) et externes (hausse des taux d’intérêt, inflation importée).

4. Les marges de manœuvre résultant du budget en cours seront utilisées prudemment : les recettes supplémentaires de l’exercice 2021-2022, dues principalement aux résultats de l’impôt sur les sociétés (secteur minier), ainsi qu’à des collectes plus importantes que prévues de l’IRPP et de la TVA sont de l’ordre de 200 Mds ZAR (environ 12 Mds EUR). Elles vont permettre d’une part de ramener à 5,7% du PIB le déficit annuel 2021-2022 (contre 7,8% prévus lors du budget intermédiaire MTBPS et 9,3% dans le budget initial présenté en février 2021). Leur utilisation devrait se répartir entre 55% permettant de financer des dépenses sociales nouvelles en faveur des ménages les plus démunis affectés par la crise sanitaire (20 M de personnes soit le tiers de la population) et 45% affectés au désendettement de l’Etat.

5. Malgré un tassement des recettes fiscales en 2022-2023, le déficit public devrait rester sous contrôle à 6 points de PIB (pour revenir à 4,2 % en 2024 – 2025). En ce qui concerne le ratio dette / PIB, sa stabilisation à 75,1% est maintenant prévue pour l’exercice 2024-2025, soit trois points de moins que la trajectoire anticipée dans le MTBPS et 13 points de moins que dans le budget initial 2021/22. Le poids croissant de la charge de la dette, que le Ministre a qualifié de fardeau, justifie cette ligne prudente. La dette du gouvernement représente aujourd’hui 4 300 Mds ZAR (environ 253 Mds EUR) et le service annuel devrait représenter près de 300 Mds ZAR (20 Mds EUR) par an en moyenne sur le triennum budgétaire. Le service de la dette représente aujourd’hui des montants plus importants que les budgets de l’éducation ou de la santé.

6. Cette dette sera financée à 2/3 sur le marché domestique et 1/3 à l’étranger (ce qui suppose un recours accru au financement des bailleurs, déjà observé depuis 2020 avec la sollicitation du FMI, de la NDB puis de la Banque Mondiale, les conditions offertes étant sensiblement plus favorables en termes de taux comme de durée) - a fortiori dans un contexte de remontée généralisée des taux tel qu’anticipé dans les prochains mois.

7. La détermination du gouvernement à contenir les dépenses se traduit par un rythme de progression inférieur à l’inflation (3,2 % pour l’exercice à venir) et par une prévision de retour à un excédent primaire pour le budget 2023-2024, ce qui serait inédit depuis la fin des années 2000.

8. La maîtrise des dépenses de fonctionnement et en particulier celle de la masse salariale de la fonction publique (qui absorbe environ 50% des ressources fiscales hors charge de la dette) reste la priorité. Une progression annuelle des salaires de 1,8 % par an (donc sensiblement inférieure à l’inflation en moyenne annuelle) est ainsi prévue pour le triennum budgétaire.

9. Cela suppose une conclusion positive des difficiles négociations qui vont s’ouvrir en mars avec les syndicats de la fonction publique. A cet égard, le gouvernement a enregistré un premier succès sur le terrain judiciaire, avec le rejet par la Cour constitutionnelle du recours engagé par les syndicats contre la décision de suspension prise en 2020 de l’accord salarial triennal signé en 2018. Ce jugement a été rendu public le 1er mars 2022.

10. Le principal bénéficiaire de la manne fiscale est le Ministère du développement social, qui va recevoir près de 60 Mds ZAR de dotations supplémentaires, permettant de revaloriser certains transferts sociaux (personnes âgées, vétérans, parent d’enfant isolé, etc.) et surtout de reconduire pour un an (pour un coût d’environ 44 Mds ZAR) l’aide mensuelle de 350 ZAR allouée aux personnes privées de ressources durant la crise sanitaire.

11. La priorité est aussi donnée aux dépenses d’investissement et notamment à la mise en œuvre du plan de relance par les infrastructures (Economic Recovery and Transformation Plan- ERTP), avec des crédits publics en hausse de 9,4 %, qui sont supposés servir d’effet de levier à des financements privés. Le Ministre a, par ailleurs, annoncé une dotation supplémentaire de 10 Mds ZAR pour l’agence SANRAL chargée des travaux d’entretien du réseau routier

12. Tout en se félicitant des progrès enregistrés dans la remise en ordre de l’administration fiscale SARS (nouveaux moyens humains et matériels accordés dans les prochaines années, pour renforcer l’efficacité des contrôles dans le pays et aux frontières et notamment la lutte contre la fraude et la corruption), le Ministre Godongwana s’est voulu rassurant vis-à-vis des contribuables, entreprises comme particuliers. Le mot d’ordre est ainsi de ne pas freiner la reprise de l’économie en « laissant l’argent dans les poches des sud-africains ».

13. Pour les entreprises, la principale annonce qui était attendue par les milieux d’affaires est la réduction d’un point du taux de l’impôt sur les sociétés (de 28 à 27 %), qui prendra effet pour les exercices se terminant au 31 mars 2023. En contrepartie, des mesures d’élargissement de la base imposable sont envisagées.

14. Pour les ménages, le barème de l’impôt sur le revenu est revalorisé de 4,5 %, en ligne avec l’inflation moyenne. Des mesures de seuil d’imposition ou de déduction sont par ailleurs accordées à certaines catégories de la population.

15. Au moment où les cours internationaux du pétrole s’envolent (ce qui a porté le litre d’essence au-delà du seuil symbolique de 20 rands), les taxes sur les carburants ne seront pas augmentées cette année, ce qui constitue un allègement de l’ordre de 3,5 Mds ZAR pour les consommateurs.

16. Le Ministre a souligné d’emblée que, parmi les risques à prendre en compte pour l’équilibre à moyen et long terme des finances publiques, l’un des principaux est constitué par les demandes continuelles de soutien financier des entreprises publiques SOEs en difficulté.

17. Une approche stratégique sera désormais mise en œuvre dans le cadre du nouveau Conseil présidentiel pour les entreprises d’Etat (SOC). Ce dernier déterminera, au vu des résultats économiques et de l’importance des demandes de soutien, si les entreprises en difficulté doivent être maintenues, regroupées voire liquidées. La question pourrait par exemple se poser pour l’industriel de la défense DENEL, dont la survie dépend d’une allocation estimée à 3 Mds ZAR.

18. Comme lors des présentations budgétaires des années précédentes, Eskom fait l’objet d’un traitement et d’annonces particuliers, compte tenu de sa dimension systémique pour le pays (notamment une dette totale proche de 400 Mds ZAR et les lourdes conséquences pour l’économie des épisodes de délestages forcés). Le Ministre a confirmé le soutien de l’Etat, qui se traduira par l’allocation de 88 Mds ZAR de subventions de l’Etat jusqu’à l’exercice 2025 – 2026 (alors que l’entreprise a déjà bénéficié de 136 Mds ZAR de soutiens au cours des dernières années).  Eskom est encouragé à poursuivre sa restructuration, avec la mise en place de la branche transmission d’ici au mois d’avril 2022, puis celles des branches production et distribution d’ici la fin de l’année.

19. La volonté d’accélérer les investissements dans les infrastructures, considérées comme l’épine dorsale de l’économie, portera en particulier sur les secteurs de l’énergie, du ferroviaire et du portuaire, ainsi que des télécommunications. Elle se traduit aussi par une ouverture plus grande aux investissements privés, qui devrait être facilitée par des réformes du cadre des partenariats publics privés (PPP) et par des évolutions de la réglementation sur le fonctionnement des fonds de pension.

20. Pour soutenir la création d’entreprises, instrument privilégié de réduction du chômage et des inégalités, le Ministre a confirmé la mise en place d’un nouveau mécanisme de garantie publique pour les prêts accordés par le système financier (le mécanisme de prêts garantis par l’Etat, mis en place en urgence en 2020, dans le cadre du soutien à l’économie face aux effets de la pandémie, ayant été un échec).

21. Enfin, M. Godongwana a souligné la nécessité pour l’économie d’accélérer la transition énergétique pour répondre aux défis de l’urgence climatique. Il a évoqué la mise en place d’une task team présidentielle chargée de la mise en œuvre de la Just Energy Transition (JET) qui bénéficiera, à la suite de la COP 26 de Glasgow, de financements concessionnels (accordés par plusieurs pays dont la France via l’AFD pour un montant total annoncé de 8,5 Mds USD).

22. La mise en place progressive d’un mécanisme de taxe carbone est confirmée avec une hausse du prix de la tonne d'équivalent dioxyde de carbone émise annoncée de +7,5% au 1 er janvier 2022. Toutefois, la première phase d’application, étendue pour 3 ans jusqu’à fin 2025, aura un impact relativement limité pour les entreprises – avec le maintien des mesures transitoires d’abattements fiscaux. La hausse devrait ensuite s’accélérer, pour atteindre le niveau d’au moins 30 USD par tonne à l’horizon 2030.

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