Présentation du budget pour l'exercice 2021-2022 (février 2021)

La présentation du budget a été bien accueillie par les milieux d’affaires et par les marchés, qui ont jugé l’exercice sérieux et crédible, même si la situation des finances publiques reste très préoccupante. Les meilleurs résultats attendus en termes de recettes budgétaires pour l’exercice en cours vont avoir un impact positif sur l’ensemble de la trajectoire – elles vont notamment permettre d’éviter des hausses d’impôts. Le cap est maintenu en matière de maitrise des dépenses, avec l’objectif de stabiliser la dette publique à l’horizon 2025-2026 et la volonté de contenir les dépenses de fonctionnement pour favoriser la reprise de l’investissement public. Un certain nombre de risques ne sont toutefois pas levés, avec notamment de difficiles négociations à venir pour contenir la masse salariale de la fonction publique et l’absence d’annonce de réforme des entreprises publiques en difficulté, au premier rang desquelles Eskom.

  • Le mercredi 24 février, le ministre des Finances Tito Mboweni a présenté le budget pour l’exercice 2021-2022 (d’avril à mars). Au-delà de la présentation des équilibres budgétaires, cela a été l’occasion pour le ministre de faire passer deux messages. D’une part, l’objectif de ce budget est de continuer à soutenir le tissu économique et social à court terme dans le contexte de la crise, tout en maintenant une trajectoire budgétaire soutenable à moyen terme. D’autre part, il a martelé qu’il ne s’agissait pas d’un budget d’austérité (ce que les chiffres confirment), mais d’un budget prudent.
  • Comme attendu, les bonnes performances fiscales enregistrées depuis octobre 2020 vont permettre de limiter l’impact de la crise sur l’exercice en cours et sur l’ensemble de la trajectoire budgétaire à moyen terme. A la fin de l’exercice en cours (2020-2021), les revenus de l’Etat ne devraient être inférieurs « que » de 7% par rapport à ce qui avait été inscrit dans le budget initial présenté l’an passé, contre -20% prévu en octobre dernier dans le budget de mi-parcours. Malgré ces meilleurs résultats qu’espérés, le manque à gagner reste massif (213 Mds ZAR, soit 12 Mds EUR).

  • En conséquence, le déficit budgétaire ne devrait atteindre « que » 14% du PIB en 2020-2021, contre -16% prévu en octobre. Par ailleurs, l’enveloppe de 100 Mds ZAR (5,6 Mds EUR) dégagée grâce aux meilleures performances fiscales va permettre au gouvernement (i) de ne pas procéder aux augmentations d’impôts annoncées en octobre 2020 – 40 Mds ZAR sur trois ans et (ii) de financer une partie du programme de vaccination – 10 Mds ZAR.
  • A moyen terme, le National Treasury (NT) est aussi en mesure de proposer une trajectoire plus favorable en termes de stabilisation de la dette publique : à hauteur de 89% du PIB à l’horizon 2025-2026, contre 95% du PIB annoncé dans le budget de mi-parcours.
  • Le budget 2021-2022 a été élaboré sur la base d’un rebond du PIB de 3,3% en 2021, dans la fourchette haute des prévisions et alors que le FMI a annoncé une révision à la baisse de sa prévision à +2,8%. Bien que le déficit se résorbe plus vite que prévu, il sera supérieur à 9% du PIB en 2021-2022 – et il se maintiendra au-dessus de 6% du PIB lors des deux exercices suivants.
  • Les revenus de l’Etat devraient atteindre 1 520 Mds ZAR (84 Mds EUR et 28% du PIB), en augmentation de 4,5% par rapport à ce qui avait été anticipé dans le budget de mi-parcours – à nouveau en grande partie grâce aux meilleurs résultats attendus pour l’exercice en cours. A revenu constant, on observe trois modifications importantes de la fiscalité : (i) Une baisse de 27% de l’impôt sur les sociétés, financée par un élargissement de la base fiscale – suppression de certaines exemptions et niches fiscales ; (ii) Une augmentation supérieure à l’inflation de toutes les tranches de l’impôt sur le revenu, qui va profiter aux revenus moyens et aux plus modestes – et dont le manque à gagner sera financé par (iii) L’augmentation des taxes sur le carburant, l’alcool et la tabac.

  • Les dépenses devraient atteindre 2 020 Mds ZAR (112 Mds EUR et 38% du PIB), soit une augmentation minime par rapport à ce qui avait été prévu dans le budget de mi-parcours (+1,5%) : le NT maintient ainsi le cap ambitieux qu’il s’était fixé en matière d’assainissement, en faisant porter l’effort sur les dépenses de fonctionnement (masse salariale de la fonction publique) tout en rééquilibrant les dépenses en faveur de l’investissement. D’une part, selon les projections du NT, la masse salariale de la fonction publique ne devrait augmenter que de 1,2% sur les trois prochains exercices – modération salariale, réduction des primes et des avantages, suppression des postes non-critiques. La réalisation de cet objectif dépendra toutefois (i) du verdict de la Cour constitutionnelle sur le contentieux qui oppose les syndicats à l’Etat – ce dernier n’ayant pas procédé, en avril 2020, à l’augmentation due au titre de l’accord salarial pour la période 2018-2020 – après un premier jugement favorable rendu en décembre dernier ; (ii) de l’issue des négociations pour la période 2021-2023 qui doivent s’ouvrir dans les prochaines semaines. D’autre part, les dépenses d’investissements seront celles qui progresseront le plus sur les trois prochains exercices (+12,5%), après le service de la dette toutefois (+13,3%). Le montant des dépenses publiques en matière d’infrastructures devrait atteindre 250 Mds ZAR dès 2021-2022 – dont une partie pour le Fonds pour les infrastructures, qui sera abondé à hauteur de 18 Mds ZAR à la fin du triennum, avec l’objectif de catalyser des fonds privés, notamment dans le cadre de partenariats publics-privés.
  • Les autres annonces en matière de dépenses ont portées sur la mise en œuvre des priorités présentées par le président Ramaphosa dans son discours sur l’état de nation deux semaines auparavant (NDI-2021-0071104) : (i) Ajout de 11 Mds ZAR à l’enveloppe de 83 Mds ZAR déjà engagée pour financer le programme de soutien à l’emploi – soit un montant total proche de l’objectif des 100 Mds ZAR ; (ii) Prolongation de trois mois de l’allocation spéciale Covid-19 en faveur des personnes ne bénéficiant d’aucuns transferts sociaux (2 Mds ZAR) ; (iii) Enveloppe supplémentaire de 7 Mds ZAR sur les trois prochains exercices en faveur de la banque publique Land Bank, en grande difficulté financière – qui est le seul nouveau soutien accordé à une entreprise publique dans ce budget.

  • Sur le plan du financement, l’Etat prévoit d’emprunter 55 Mds ZAR (3 Mds EUR) de moins que ce qui était anticipé dans le budget de mi-parcours d’octobre (-9%) – grâce d’une part, et à nouveau, à la résorption du déficit plus vite qu’anticipé ; et d’autre part, à la mobilisation de la trésorerie disponible en vue de limiter l’endettement. Près de 90% du besoin de financement (hors trésorerie) sera mobilisé sur le marché domestique, 7% auprès des bailleurs et 4% sur le marché international. A noter que, contrairement aux années précédentes, le ministre n’a pas mentionné dans son discours la volonté de recourir aux bailleurs de fonds.
  • Enfin, le ministre ne s’est pas attardé sur l’agenda des réformes poussé par le NT pour relancer la croissance et l’investissement, citant les résultats obtenus en matière de renforcement de la concurrence, d’augmentation de la productivité et d’amélioration du climat des affaires, mais sans précisions sur les chantiers en cours (plan d’urgence pour le secteur électrique, licence 5G, libéralisation partielle dans les secteurs ferroviaire et portuaire, etc.). Il a toutefois annoncé des fonds supplémentaires pour lutter contre l’évasion fiscale (+3 Mds ZAR sur trois ans), contre la corruption (+2 Mds ZAR). Il également annoncé l’évolution de deux réglementations clefs pour faciliter la mise en œuvre du plan massif d’investissement dans les infrastructures, qui est cœur du plan de relance post-Covid : (i) présentation en conseil des ministres de la nouvelle loi sur les marchés publics d’ici la fin de 2021 (attendue initialement un an plus tôt) ; (ii) lancement d’une consultation sur la révision de la réglementation des fonds de pension pour faciliter la mobilisation des financements privés.

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