Présentation du budget complémentaire 2020/2021 en réponse à la crise du Covid-19 (juin 2020)

Le budget complémentaire, élaboré sur la base d’une contraction du PIB de 7,2% pour 2020, prévoit que le déficit atteindra 14,6% du PIB pour l’exercice en cours – du fait principalement de la chute des recettes fiscales. L’augmentation des dépenses est contenue, grâce à des réallocations, mais aussi du fait d’un plan de soutien économique et social moins ambitieux que prévu. Ces évolutions devraient porter la dette publique à 82% du PIB en mars 2021, contre 66% prévu initialement. Pour remettre les finances publiques sur une trajectoire soutenable, le ministre des Finances a présenté les objectifs d’un futur plan de consolidation budgétaire, reportant au mois d’octobre l’annonce du détail des mesures – difficiles et loin de faire l’unanimité au sein de la coalition gouvernementale.

  • Le mercredi 24 juin, le ministre des Finances a présenté un budget complémentaire extraordinaire, trois mois après le début de l’année fiscale en cours (2020-21), devenu nécessaire pour prendre en compte l’impact de la crise du Covid-19. L’objectif de cet exercice était double : (i) mettre à jour le cadre budgétaire pour tenir compte de la chute de l’activité et des revenus fiscaux et pour avaliser les nouvelles dépenses et réallocations ; (ii) proposer une feuille de route visant à remettre les finances publiques sur un chemin soutenable et ainsi rassurer les marchés.
  • Ce budget complémentaire a été élaboré sur la base d’une contraction du PIB de 7,2% en 2020, ce qui parait crédible par rapport au consensus, bien qu’en deçà de la nouvelle estimation du FMI parue le même jour (-8%). L’ampleur de la récession reste toutefois toujours difficile à évaluer, avec des prévisions pouvant aller jusqu’à -15%, en fonction du rythme de sortie du confinement, du niveau et de la forme du rebond de l’économie sud-africaine.
  • Selon le budget complémentaire, le déficit public devrait atteindre 710 Mds ZAR (37 Mds EUR) pour l’exercice, représentant 14,6% du PIB – en augmentation de huit points par rapport au budget initial présenté en février dernier. Le déficit du budget consolidé atteindrait 15,7% du PIB, principalement du fait du déséquilibre du fonds d’assurance chômage (Unemployment Insurance Fund).
  • Cette forte dégradation des équilibres budgétaires s’explique avant tout par la chute des revenus de l’Etat, supérieure à 300 Mds ZAR (16 Mds EUR), en baisse de 22% par rapport au budget initial. Parmi ce manque à gagner, une baisse de 70 Mds ZAR résulte des mesures fiscales visant à soulager les entreprises et les ménages – allégements (35% du total) et reports (65%).
  • La forte augmentation du déficit résulte aussi, dans une moindre mesure, de l’augmentation des dépenses par rapport aux prévisions initiales, pour un montant de 42 Mds ZAR (+2,5%). Les nouvelles dépenses liées à la crise du Covid-19, dont les grandes orientations ont été annoncées par la président Ramaphosa au mois d’avril dans le plan de soutien économique et social (NDI-2020-0184397), devraient atteindre 145 Mds ZAR (7,5 Mds EUR). Ces dépenses additionnelles ont été compensées par un plan de réallocation de 110 Mds ZAR. Le résidu correspond à l’augmentation du service de la dette (+7 Mds ZAR).
  • On observe un décalage entre les dépenses présentées dans le budget révisé et le plan de soutien annoncé par le président Ramaphosa, renforçant les inquiétudes relatives à la mise en œuvre et à l’impact de ce dernier. L’enveloppe globale de 145 Mds est décevante par rapport au 230 Mds ZAR annoncés par Cyril Rampahosa – hors dispositif de garantie et hors mesures fiscale. Si le montant alloué au secteur sanitaire et aux municipalités est conforme (20 Mds ZAR chacun), celui dédié aux transferts sociaux complémentaires est en deçà des annonces (40 Mds ZAR contre 50 Mds ZAR initialement). Le plus grand décalage concerne le plan de soutien à l’emploi, qui n’obtient qu’un quart des 100 Mds ZAR annoncés en avril, sans d’ailleurs qu’on ne sache encore comment il se traduit concrètement. Enfin, l’enveloppe globale comprend 3 Mds accordés pour la recapitalisation de la banque publique agricole Land Bank en situation de défaut, dont le lien avec la crise du Covid-19 est ténu. A noter qu’il s’agit de la seule entreprise publique à recevoir de nouveaux crédits budgétaire – posant la question de la survie de la compagnie nationale South African Airways, actuellement en procédure de sauvegarde, dont la relance nécessiterait au minimum 10 Mds ZAR d’argent frais en l’absence de nouveaux investisseurs privés.
  • Pour ce qui concerne les réallocations, l’effort est porté quasiment à parts égales entre l’Etat central (54%) et les collectivités territoriales (46% – principalement les provinces). Les secteurs les plus touchés sont l’éducation et la culture (perte nette de 13 Mds ZAR – c’est-à-dire en prenant en compte les nouvelles dépenses) et le développement économique (-8 Mds ZAR). Par ailleurs, l’effort additionnel demandé sur la masse salariale (-590 MZAR) peut être questionné, alors que le gouvernement est déjà en conflit judicaire avec plusieurs syndicats pour tenter de faire appliquer la mesure d’économie de 40 Mds ZAR prévue dans le budget initial.
  • Le déficit budgétaire record va porter le besoin de financement de l’Etat à près de 780 Mds ZAR (40 Mds EUR) pour 2020-21, en augmentation de 80% par rapport au budget initial, obligeant le gouvernement à plus que doubler son programme d’émission de dette sur le marché domestique déjà en tension (+160% et 80% du besoin de financement). Le gouvernement compte également recourir à l’endettement auprès des institutions financière internationales pour un montant de 7 Mds USD (15% du besoin de financement), ce qui constitue un changement d’approche radical. A ce stade, seul un prêt de la New Development Bank (NDB, banque des BRICS) a été approuvé formellement pour un montant d’1 Md USD. D’autres financements sont actuellement en cours de négociation, en particulier avec le FMI (4,2 Mds USD) et la Banque Mondiale (2 Mds USD). Le gouvernement va aussi devoir puiser davantage que prévu dans ses réserves en liquidité placées à la banque centrale (5% du besoin de financement).
  • Ces évolutions devraient porter la dette publique au-delà de 80% du PIB dès la fin de l’exercice en cours, contre 66% prévu en février.
  • Dans son discours, le ministre a mis en garde contre le risque de crise de la dette souveraine qui se profile, compte tenu de la trajectoire prise par les finances publiques. Il a présenté l’ébauche d’un plan de consolidation budgétaire dont l’objectif est de stabiliser la dette publique à hauteur de 87,5% du PIB fin 2023-24 – alors que selon un scénario « passif », elle pourrait atteindre jusqu’à 106% du PIB à cette même date. Tout en reportant l’annonce des détails au moment du budget de mi-parcours en octobre, le ministre a présenté des objectifs d’économie pour 230 Mds ZAR (12 Mds EUR) sur les exercices 20211-22 et 2022-23 et des mesures fiscales pour 40 Mds ZAR d’ici 2024-25. Il a aussi indiqué que l’élaboration des prochains budgets serait guidée par les principes du zero-based budgeting (ou gestion basée sur les objectifs), permettant de remettre en cause les crédits alloués d’une année sur l’autre sur la base d’évaluations de l’efficacité des programmes et des politiques. Enfin, il a annoncé la mise en œuvre des réformes structurelles décrites dans le rapport du National Treasury de septembre 2019 « Towards an Economic Strategy for South Africa ».
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