Présentation du budget 2020-2021 par le ministre des Finances (mars 2020)

Une nouvelle fois, M. Mboweni a présenté une situation dégradée des finances publiques, reportant la réduction du déficit à 2021-2022. Ce dérapage est attribuable à une nouvelle révision à la baisse des prévisions de croissance, aux soutiens financiers pluriannuels d’ampleur accordés aux entreprises publiques en 2019 et à l’augmentation du service de la dette. En conséquence, la dette publique devrait atteindre plus de 70% du PIB en 2023. La principale annonce du ministre a porté sur un effort de réduction des dépenses d’un point de PIB par an, principalement issu d’une réduction du poids de la masse salariale du secteur public. Encore une fois, la mise en œuvre du budget présenté par le ministre n’est pas exempte de risques : de nouvelles difficultés des entreprises publiques pourraient affecter une croissance déjà faible et/ou nécessiter une rallonge budgétaire ; la réduction du poids de la masse salariale reste à négocier avec les syndicats.

Deux semaines après le discours du président Ramaphosa sur l’état de la Nation (SONA), le ministre des Finances est intervenu le 26 février devant le parlement siégeant au Cap pour présenter le cadre budgétaire pour le prochain triennat.

1. Une nouvelle fois, et comme cela était attendu, le ministre a présenté une situation dégradée des finances publiques pour l’exercice en cours (2019-2020 – d’avril à mars) et pour le prochain (2020-2021), reportant la réduction du déficit à 2021-2022. Pour l’exercice en cours, le déficit devrait atteindre 6,3% du PIB, contre 4,5% prévu dans la loi de finances initiale et 5,9% dans le budget de mi-parcours. Pour l’exercice 2020-2021, le déficit va continuer à se creuser pour atteindre 6,8% du PIB. Le gouvernement ne sera en mesure de proposer une réduction du déficit qu’en 2021-2022, à un niveau encore supérieur à 6% du PIB.

2. Ce dérapage est principalement attribuable à une nouvelle révision à la baisse des prévisions de croissance. Pour 2019, le National Treasury a revu sa prévision de croissance à 0,3%. Pour 2020, il table sur une croissance de 0,9% – bien que révisée à la baisse, cette prévision reste supérieure au consensus qui se dégage aux alentours de 0,7% – faisant peser le risque d’un nouveau dérapage. Au-delà des nombreuses difficultés rencontrées par l’économie sud-africaine, c’est bien la situation d’Eskom qui explique ces révisions successives – la reprise des délestages depuis plusieurs mois a fortement affecté l’activité et la situation opérationnelle et financière de l’entreprise publique pèse sur la confiance des agents et sur la demande interne.

3. Par ailleurs, les soutiens financiers pluriannuels d’ampleur accordés aux entreprises publiques en 2019 vont continuer de peser fortement sur les dépenses dans les années à venir. Excepté une enveloppe de 16 Mds ZAR (1 Md EUR) pour la compagnie aérienne South African Airways, aucun nouveau soutien financier en faveur des entreprises publiques n’a été budgété. Toutefois, les annonces faites en 2019 vont peser sur l’ensemble du triennat, pour un montant total de 130 Mds ZAR (7,5 Mds EUR), dont plus de 85% en faveur d’Eskom. On notera aussi que le discours du ministre a fait l’impasse sur la question de la restructuration de la dette d’Eskom.

4. Le ministre a annoncé un effort de consolidation substantiel, qu’il fait porter sur une réduction des dépenses de fonctionnement et des gains d’efficacité. Il a ainsi proposé une réduction nette des dépenses de l’Etat de 155 Mds ZAR sur les trois prochains exercices, par rapport aux dernières prévisions proposées dans le budget de mi-parcours, soit environ 1% du PIB en moyenne par an, mais dont seulement 9 Mds ZAR pour 2020-2021.

5. Ces économies viennent en grande partie de la réduction de la masse salariale du secteur public, pour un montant de 160 Mds ZAR – il s’agit sans conteste de l’annonce la plus marquante de ce budget. Alors que la masse salariale du secteur public a augmenté de 60% au cours des dix dernières années, pour atteindre plus de 35% des dépenses, le gouvernement compte parvenir à son objectif en proposant un ajustement des salaires égal ou moindre par rapport à l’inflation, en limitant l’avancement et les bonus. Cet effort de réduction permettrait de réduire la part des salaires à 32,5% des dépenses. Toutefois, la mise en œuvre de cette annonce pose question ; d’abord parce que l’accord triennal entre le gouvernement et les syndicats n’expire qu’en avril 2021, ensuite parce que les syndicats ne semblent pas prêts, à ce stade, à rouvrir les négociations de manière anticipée ni à accepter les efforts que le gouvernement propose. A titre d’illustration, le taux d’augmentation des salaires prévu dans l’accord en cours est fixé à plus de 7% pour 2020-2021 (alors que les prévisions d’inflation tournent autour de 4,5%). Atteindre l’objectif du gouvernement d’une réduction de la masse salariale de 40 Mds ZAR dès le prochain exercice nécessiterait d’abaisser le taux de revalorisation à 1,5%. Une solution consisterait à agir sur les plus hauts salaires, qui ne sont pas régis pas l’accord susmentionné. Le gouvernement compte également parvenir à son objectif de réduction des dépenses en économisant 100 Mds ZAR sur les transferts aux municipalités et aux provinces – qui représentent près de 50% des dépenses totales.

6. Hors service de la dette, les trois principaux postes de dépenses restent l’éducation (25% du budget), la santé (20%) et les transferts sociaux (15% – qui bénéficient à 18 M personnes).

7. Du côté des recettes, les annonces du ministre sont restées très limitée, le gouvernement décidant de ne pas ajouter de contraintes supplémentaires aux ménages et aux entreprises qui voient déjà leur pouvoir d’achat et leurs profits diminuer. Ainsi, le gouvernement a décidé de ne pas procéder à l’augmentation de la TVA qui était pressentie. En revanche, comme cela était attendu, les taxes d’accise sur l’alcool et le tabac ont à nouveau été relevées, de même que la taxe sur les carburants. Par ailleurs, les seuils de l’impôt sur le revenu du bas de la grille ont été ajustés en deçà de l’inflation, afin d’alléger la fiscalité pour les ménages les plus modestes. Enfin, en lien avec la réduction des transferts aux provinces et aux municipalités, le ministre a annoncé un programme d’amélioration de la gestion des finances publiques locales.

8. En conséquence, la trajectoire de la dette publique a de nouveau été revue à la hausse, cette dernière devrait atteindre près de 62% du PIB dès la fin de l’exercice en cours (contre 56% prévu dans le budget 2019) et progresser de dix points d’ici la fin du triennat. Dans ce contexte, l’augmentation du service de la dette est inquiétante : il s’agit du poste de dépense qui augmente le plus vite (+12% par an en moyenne sur les trois prochains budgets), du troisième poste de dépenses après l’éducation et les transferts sociaux, représentant près de 20% des dépenses – contraignant fortement la capacité de l’Etat à investir et à fournir des services publics de qualité.

9. Sur le plan des réformes, le ministre a rappelé les annonces faites par le président lors de son discours à la nation : (i) Nécessité de mettre en œuvre des solutions alternatives de production d’électricité à court terme, afin de faire face aux difficultés opérationnelles d’Eskom (accélération des projets en cours, développement des capacités intégrées de production, facilitation de l’octroi des licences pour les petits projets indépendants, etc.) ; (ii) Nécessité d’accélérer la mise en œuvre des réformes dans les services clefs afin de soutenir la compétitivité des entreprises – télécommunications, logistique portuaire, transport ferroviaire ; (iii) Programme de soutien aux petites et moyennes entreprises. Il a enfin annoncé le lancement des travaux pour la mise en œuvre d’une nouvelle banque publique et d’un fonds souverain.

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