AFRIQUE DU SUD
Nouveau coup d’arrêt à la reprise au second trimestre 2022 (septembre 2022)
Selon les données de l’agence nationale des statistiques (Stats SA), le PIB s’est contracté de 0,7% au second trimestre par rapport au trimestre précédent. Comme attendu, la reprise connait un net coup d’arrêt, conséquence de plusieurs chocs internes (délestages électriques, impact des inondations dans la région de Durban, mouvements sociaux). Par ailleurs, la détérioration des performances du commerce extérieur sud-africain (hausse des importations bien plus marquée que celle des exportations) a significativement pesé sur l’activité. Les prévisions de croissance pour l’ensemble de l’année 2022 ont été légèrement revues à la baisse : la plupart des analystes tablent désormais sur une progression du PIB située entre 1,5% et 2,3%.
Mardi 6 septembre, StatsSA a annoncé une contraction du PIB de 0,7% pour le second trimestre 2022 – en glissement trimestriel, corrigée des variations saisonnières, après une croissance de 1,7% au trimestre précédent. Alors que l’économie sud-africaine avait enregistré une croissance continue sur six des sept derniers trimestres (une contraction de 1,8% avait été enregistrée au T3 2021, marqué par l’épisode d’émeutes dans le Gauteng et le KZN et la troisième vague de Covid-19), elle subit un nouveau coup d’arrêt au T2 2022. La contraction de l’activité était anticipée par les analystes, avec un consensus établi aux alentours de -0,8%.
Cette mauvaise performance s’explique notamment par plusieurs chocs internes : i) l’impact des inondations dans la région de Durban (Kwazulu Natal - KZN) au mois d’avril, qui ont occasionné des dégâts sur plusieurs infrastructures stratégiques (dont le port de Durban par lequel transite près de 60% du commerce extérieur sud-africain), les outils de productions (nombreuses usines endommagées, dont la principale usine du constructeur automobile Toyota dans le pays), et les cultures (cannes à sucre) ; ii) la recrudescence des délestages électriques (volume d’électricité produit en recul de 1,4% sur le trimestre par rapport au trimestre précédent), notamment au mois de juin (plusieurs jours au niveau 6, soit un retranchement de 6 000 MW de capacités de production qui s’est traduit par environ dix heures de coupures de courant quotidiennes) ; iii) plusieurs mouvements sociaux, notamment dans l’industrie minière (grève chez l’un des principaux producteurs d’or et de platine du pays de fin mars à début juillet).
Sur le plan sectoriel, huit secteurs sur dix ont ainsi enregistré un recul de leur activité. Au cours de la période, le secteur manufacturier a été le principal contributeur à la contraction (-5,9%, soit une contribution négative de 0,7 point), suivi du secteur agricole (-7,7% soit -0,2 point). Le secteur minier a également enregistré des résultats décevants (-3,5% soit -0,2 point) avec une activité en diminution pour le quatrième trimestre consécutif, du fait d’un recul des productions en volume d’or, de charbon, de manganèse et de diamants dans un environnement international marqué par un ralentissement de la demande mondiale (politique de zéro Covid en Chine), de difficultés logistiques persistantes, et d’une modération des cours des matières premières. Le secteur du BTP recule également pour un cinquième trimestre consécutif (-2,4% soit -0,1 point), en lien avec d’importants retards dans les chantiers d’immeubles résidentiels. A noter, à l’inverse, les bonnes performances des services financiers (+2,4% soit une contribution positive de 0,6 point), dues au dynamisme du crédit au secteur privé, porté par la reprise de certains plans d’investissement des entreprises et la demande toujours élevée des ménages. Les secteurs des transports et de la communication voient également leur activité progresser (+2,4% soit +0,1 point), du fait d’une normalisation progressive après la levée des dernières restrictions sanitaires au mois d’avril.
Alors que l’économie avait retrouvé ses niveaux d’activité pré-crise (T4 2019) au trimestre précédent, elle retombe à un niveau inférieur à la fin du deuxième trimestre 2022 (-2,1%). Seuls trois secteurs se sont montrés durablement résilients, avec un niveau d’activité nettement supérieur au T4 2019 : l’agriculture (+130%), les services à la personne (+10,8%) et les services financiers (+5,5%). L’ensemble des autres secteurs continuent d’opérer en deçà de leur niveau d’activité pré-crise. Les plus affectés demeurent le BTP (-26,5%), le commerce domestique (-19,2%) et l’industrie manufacturière (-13,9%).
Du point de vue de la demande, la dégradation des performances du commerce extérieur sud-africain est le principal contributeur au recul de l’activité. Les exportations nettes ont ainsi diminué de 5,3% sur la période, soit une contribution négative à la croissance de 1,5 point. Cette évolution s’explique notamment par une nette progression des importations (+5,6%, portées par la hausse inédite des cours internationaux du pétrole), qui n’a pas été compensée par la hausse bien plus mesurée (+0,3%) des exportations, contraintes par des difficultés logistiques et la modération de la demande mondiale). A l’inverse, la consommation des ménages a continué de progresser (+0,6% soit +0,4 point), en lien avec les évolutions positives sur le marché du travail (création d’environ 1 million d’emplois sur le premier semestre 2022) qui ont soutenu les revenus des ménages. La reprise de l’investissement marque progressivement le pas (+0,5% soit +0,1 point après +3,4% au trimestre précédent), en lien avec la détérioration des perspectives de croissance mondiale, qui pèse sur la confiance des entreprises, et le recul des investissements publics.
Bien que cette contraction ait été anticipée et que la tendance générale soit à la hausse sur les derniers mois, les marchés ont réagi négativement à cette évolution : la devise locale a ainsi perdu 0,6% contre l’USD dans la journée de mardi (pour atteindre la parité de 17,2 ZAR pour 1 USD) et le taux sur les obligations du gouvernement à maturité 2030 a progressé de 0,19 point pour atteindre 10,52%.
Pour l’ensemble de l’année 2022, les analystes ont revu leurs prévisions de croissance légèrement à la baisse : ils tablent désormais sur une progression du PIB située entre 1,5% (PWC) et 2,3% (FMI). L’Afrique du Sud devrait renouer avec la croissance au troisième trimestre. Celle-ci serait notamment portée par l’atténuation de l’impact des chocs internes, les bonnes performances du secteur agricole et le retour progressif à la normale de certains secteurs comme le tourisme. La poursuite des réformes structurelles (dont le dernier exemple est l’annonce du plan d’urgence pour le secteur énergétique par le président Cyril Ramaphosa en juillet 2022) devrait également renforcer la confiance des agents économiques et, in fine, soutenir l’activité. Le ralentissement anticipé de la croissance mondiale et la modération des cours des matières premières devraient toutefois dégrader les perspectives sud-africaines dans les mois à venir. Le durcissement de la politique monétaire dans un contexte inédit d’accélération des pressions inflationnistes risque également de peser sur la croissance.