Fiche Pays (mai 2023)

Les multiples chocs subis par l’Afrique du Sud en 2022 (intensification des délestages électriques, fortes perturbations logistiques liées aux inondations intervenues au mois d’avril dans le Kwazulu Natal et à d’importants mouvements sociaux en fin d’année, répercussions de la guerre en Ukraine) ont eu un impact important sur la croissance, qui n’a atteint que 2,0% sur l’année, après 4,9% en 2021. Pour 2023, les prévisions de croissance s’établissent autour de 0,2%, en raison de la persistance de difficultés structurelles préexistantes à la crise. Les délestages électriques, qui atteindront de nouveaux records en 2023, devraient peser sur la croissance à hauteur de 2 points de PIB (estimation SARB). Le gouvernement doit accélérer dans la mise en œuvre des réformes, pour soutenir la transformation du modèle économique, afin de le rendre plus durable et plus inclusif.

1. Situation économique et politique

1.1. Situation politique

Cyril Ramaphosa a accédé à la présidence de l’ANC (African National Congress) fin 2017, avant de devenir président de la République en février 2018. Son arrivée au pouvoir a entraîné une amélioration de la gouvernance, après une présidence Zuma marquée par une corruption endémique. Cet élan s’est toutefois heurté à plusieurs écueils : peu de poursuites malgré les rapports de la Commission d’enquête Zondo sur la « capture de l’Etat » ; mise en cause du Président Ramaphosa dans une possible affaire de blanchiment de capitaux (il est accusé d’avoir dissimulé le produit en liquide d’un vol de plusieurs millions d’USD dans sa propriété de Phala Phala) ; accusations de corruption formulées par l’ancien président de la compagnie nationale d’électricité Eskom vis-à-vis de nombreux responsables publics et gouvernementaux (sans les désigner nommément). Une partie de l’opposition et des commentateurs critique en outre la neutralité perçue comme bienveillante de l’Afrique du Sud vis-à-vis de la Russie, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Cyril Ramaphosa n’en a pas moins été désigné fin 2022 comme candidat pour les élections de 2024, sur fond de dissensions entre ailes pro-business et populiste de l’ANC. L’ANC pourrait y perdre la majorité absolue pour la première fois depuis 1994, dans le sillage des élections municipales de 2021.

1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie

L’Afrique du Sud est la première économie d’Afrique australe (plus de 60% de son PIB) et la seconde en Afrique sub-saharienne (406 Mds USD en 2022, contre 419 Mds USD en 2021) derrière le Nigéria (477 Mds USD). En 2022, le pays affichait un PIB par habitant de 6 694 USD, dans le top 10 des pays d’Afrique sub-saharienne, loin devant les autres grandes économies de la région. L’Afrique du Sud est le seul pays africain membre des BRICS et du G20.

L’Afrique du Sud est un pays émergent doté d’une économie moderne, relativement diversifiée et qui dispose de nombreux atouts : des ressources naturelles abondantes ; une agriculture commerciale performante (3% du PIB en moyenne entre 2020 et 2022) ; une industrie manufacturière puissante, compétitive et intégrée dans les chaînes de valeur mondiales (12% du PIB – automobile notamment) ; un secteur des services avancé (dont un secteur financier solide et sophistiqué – 24% du PIB) ; des infrastructures de qualité et des institutions judiciaires fortes et indépendantes. L’économie reste relativement dépendante de l’industrie minière, même si ce secteur tend à diminuer (5% du PIB : or, platine, diamant, ferrochrome, charbon, etc.).

Malgré tous ces avantages, on observe une tendance au décrochage de l’économie. Entre 2010 et 2019, le taux de croissance annuel moyen du pays a atteint 1,7%, contre plus du double lors de la décennie précédente. Depuis 2016, le différentiel de croissance vis-à-vis de l’Afrique sub-saharienne et des autres économies émergentes s’accroît.

Ces résultats décevants au regard du potentiel du pays ont mis un frein aux progrès sociaux réalisés dans la période qui a suivi la fin de l’apartheid (1991), encore aggravés par la crise de la Covid. Le taux de chômage, bien qu’en légère baisse après un pic de 35,3% enregistré au T4 2021, atteignait 32,9% au T1 2023 (62,1% chez les jeunes). L’économie enregistre toujours un déficit de 190 000 emplois par rapport à la période pré-Covid (fin du premier trimestre 2020). En 2022, le taux de pauvreté (au seuil de 2,15 USD par jour) reste relativement stable à 20,5%. Les inégalités, déjà parmi les plus importantes au monde, ont continué à augmenter. Si l’accès aux services de base s’est nettement amélioré depuis le début des années 1990, les systèmes d’éducation et de santé fonctionnent toujours à deux vitesses : des systèmes privés de qualité internationale mais inabordables côtoient des systèmes publics universels inefficaces. Le secteur des transports s’est beaucoup dégradé avec une désintégration du système ferroviaire remplacé par le transport routier. Les statistiques de la criminalité atteignent des niveaux record.

2. Conjoncture et finances publiques

2.1. Conjoncture économique

Après un rebond de la croissance en 2021 (+4,9%), dans un contexte de réduction des restrictions sanitaires, les difficultés structurelles de l’économie ont resurgi en 2022. Le développement de la corruption et la désorganisation de l’Etat sous les présidences de Jacob Zuma ont en effet entraîné (i) une chute des investissements et de la croissance potentielle ; (ii) une crise des entreprises publiques, et en particulier de l’électricien public Eskom, qui se traduit par des difficultés croissantes d’approvisionnement en électricité ; (iii) un dérapage des finances publiques. Les multiples chocs subis par l’Afrique du Sud en 2022 (intensification des délestages électriques, fortes perturbations logistiques liées aux inondations intervenues au mois d’avril dans le Kwazulu Natal et à d’importants mouvements sociaux en fin d’année, répercussions de la guerre en Ukraine) ont obéré la croissance, qui n’a atteint que 2,0% sur l’année.

Pour 2023, les prévisions de croissance sont peu encourageantes : le FMI et la SARB tablent respectivement sur une progression du PIB de 0,1% et 0,3%, en raison de difficultés structurelles préexistantes à la crise : problèmes d’approvisionnement en électricité, et plus généralement de coût et de qualité des services clefs (transport, logistique, télécommunications, en lien avec les difficultés rencontrées par les entreprises publiques) ; confiance des agents économiques au plus bas, pesant sur la consommation et sur l’investissement ; inefficacité du système éducatif ; etc. La SARB estime ainsi à 2 points de PIB l’impact des délestages électriques (qui enregistreront des niveaux inédits cette année, après une année 2022 déjà record) sur la croissance en 2023. Le niveau élevé de l’inflation (prévision de 6,2% en 2023 selon la SARB) et la poursuite du durcissement de la politique monétaire de la banque centrale (+ 425 points de base depuis novembre 2021, à 8,25%) devraient également peser sur la demande des ménages et sur l’activité. La reprise de l’économie chinoise, si elle se confirmait, pourrait toutefois entraîner une reprise de la hausse du cours des matières premières et des exportations sud-africaines.

Sur le plan des réformes, le bilan du gouvernement est en demi-teinte, la mise en place des réformes structurelles prévues dans le cadre de l’opération Vulindlela a pris du retard. Si on peut recenser quelques avancées (privatisation partielle de South African Airways, attribution de licences de distribution d’eau et de licences 5G, etc.), de nombreuses réformes peinent toujours à se concrétiser : libéralisation à venir des secteurs de la logistique et du transport de fret, construction d’infrastructures permettant de sécuriser l’approvisionnement en eau, régime de visas pour les travailleurs qualifiés, lutte contre la corruption (Public Procurement Bill).

2.2. Situation des finances publiques

La situation des finances publiques se dégrade depuis le début des années 2010 (déficit supérieur à 4,5% du PIB en moyenne sur la décennie) du fait de la faiblesse de la croissance, de la désorganisation de l’administration fiscale (autre héritage de la période Zuma) et du soutien financier accordé aux entreprises publiques. Après le pic de la crise sanitaire (exercice fiscal 2020/21), où le déficit public a atteint 10% du PIB et la dette publique 70% du PIB (+13 points), la situation des finances publiques s’est temporairement améliorée : les marges de manœuvre dégagées grâce à l’augmentation des revenus de l’Etat (surprofits des entreprises minières) sur l’exercice 2021/22 ont été allouées pour moitié à la réduction du déficit – qui s’est établi à 4,6% du PIB, en baisse de 4,7 points par rapport aux chiffres présentés dans le budget initial. Selon le gouvernement, le déficit se serait ensuite réduit à 4,2% du PIB sur l’exercice 2022/23 (achevé fin mars 2023), contre une prévision initiale de 6%. Si le gouvernement table sur une amélioration continue de la trajectoire budgétaire sur les prochains exercices (réduction du déficit public à 3,2% en 2025/26, la dette atteignant un point haut à 73,6% sur le même exercice), ce scénario revêt de nombreux risques : atteinte d’objectifs ambitieux en termes de croissance et de maîtrise des dépenses, notamment concernant la masse salariale de la fonction publique (à noter à titre d’exemple que le gouvernement a augmenté le salaire des fonctionnaires de 7,5% à peine un mois après l’adoption du budget pour 2023/24, qui ne prévoyait qu’une hausse de 1,6%). Si la reprise partielle (à hauteur de 254 Mds ZAR) de la dette d’Eskom, et indirectement (à hauteur de 56 Mds ZAR), de celle des municipalités, ne devrait pas, en raison d’un jeu d’écriture, affecter le montant total de la dette de l’Etat, elle en dégradera en revanche la qualité.

La trajectoire prise par les finances publiques est peu soutenable : le service de la dette reste le troisième poste de dépenses, et celui qui augmentera le plus au cours du prochain triennum. La structure de la dette publique présente toutefois un risque modéré, car elle est peu sensible au risque de change (11% est libellée en devises) et de refinancement à court terme (maturité moyenne de plus de 11 ans), même si son exposition aux investisseurs étrangers est forte (près de 25% de la dette libellée en rand est détenue par des non-résidents, une part qui est néanmoins en forte diminution sur l’année). Cette structure limite la hausse de l’endettement du pays, dans un contexte où le rand s’est déprécié de 26% sur un an (donnée du 29 mai).

3. Relations avec la communauté financière internationale

Les autorités sud-africaines, historiquement très prudentes vis-à-vis des institutions financières internationales (IFIs), ont récemment opéré un changement d’approche radical. Afin de faire face aux besoins de financement additionnels liés à la crise de la Covid-19, l’Afrique du Sud, pays à « revenus intermédiaires de la tranche supérieure » selon le classement de la Banque Mondiale, a fait appel à un financement d’urgence du FMI (Rapid Financing Instrument) pour un montant de 4,2 Mds USD, décaissé en juillet 2020. Le pays a engagé la même année des négociations avec la Banque mondiale afin de bénéficier d’un prêt d’appui budgétaire, qui n’ont toutefois abouti qu’en janvier 2022, avec un premier financement de 750 M USD (auquel se sont raccrochés les prêts de 300 M EUR réalisés par l’AFD et la KfW au titre du Partenariat pour une transition énergétique juste - JETP), suivi d’un second volet de 480 M USD. La Banque mondiale, bien que n’étant pas membre du JETP, est impliquée dans la transition énergétique de l’Afrique du Sud : prêt de 447 M USD à Eskom pour le démantèlement de la centrale à charbon de Komati, auquel devrait s’ajouter un nouveau prêt à hauteur de 1 Md USD dans le courant de l’année 2023. Divers partenaires, bilatéraux ou multilatéraux, devraient également proposer de nouveaux financements dans ce cadre en 2023.

La Société Financière Internationale (SFI) et MIGA (Multilateral Investment Guarantee Agency) sont également très actifs dans le pays – respectivement premier portefeuille du continent (2,6 Mds USD en 2022) et premier client d’Afrique subsaharienne. Les relations avec la Banque Africaine de Développement (BAfD), historiquement plus fluides qu’avec les autres bailleurs multilatéraux, sont également importantes, avec sept projets actifs, dont quatre en financement souverain. Les quatre financements souverains portent sur un montant total de 240 MUSD, dont un financement en faveur d’Eskom engagé en 2018 (162 MUSD), et un financement pour la réalisation du projet Lesotho Highland Water Project Phase II (78 MUSD), engagé en 2021. En 2020 et 2021, le gouvernement a également contracté trois prêts auprès de la NDB (New Development Bank – banque des BRICS), pour un montant total de 3 Mds USD, en appui à la relance post-Covid.

4. Aide publique au développement de la France

Entre 2019 et 2021 (dernières données disponibles), l’Afrique du Sud a reçu en moyenne 1,09 Md USD de versement brut d’Aide Publique au Développement (APD) par an de la part des bailleurs bilatéraux. La quasi-totalité de cette somme a été décaissée par les Etats-Unis (56%), l’Allemagne (16%), la France (14%) et le Royaume-Uni (8%). La France se place donc en troisième position, avec 158 MUSD de versement brut par an. Selon les années, entre 60% et 95% de cette somme provient du décaissement de prêts de l’AFD ou de Proparco. A noter la forte progression observée sur la seule année 2021, où la France, avec 301 M USD d’APD à destination de l’Afrique du Sud, a représenté 23% des décaissements des bailleurs bilatéraux, en seconde position derrière les Etats-Unis.  

Jusqu’à récemment, l’AFD n’intervenait en Afrique du Sud que sous la forme de prêts non souverains, à destination de quatre grands types d’acteurs : banques publiques de développement, secteur bancaire privé, municipalités et grandes entreprises publiques. Cette situation a commencé à évoluer en 2015, avec l’obtention de la garantie de l’Etat pour un financement en faveur d’Eskom, du fait des difficultés financières de l’entreprise. Deux nouveaux prêts sous garantie souveraine de l’Etat ont ensuite été attribués à l’entreprise publique. Plus récemment, l’Afrique du Sud a adopté une nouvelle stratégie de financement, reposant sur un recours accru aux financements concessionnels des bailleurs internationaux (objectif d’emprunt à taux concessionnels de 9 Mds USD sur les trois prochaines années, annoncé par le ministère des Finances). Ces emprunts s’inscrivent dans le cadre du Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), annoncé lors de la COP26 à Glasgow : plusieurs bailleurs bilatéraux (France, Allemagne, Etats-Unis, Royaume-Uni et Union Européenne) se sont engagés à soutenir la transition énergétique sud-africaine à hauteur de 8,5 Mds USD. La contribution de la France s’élève à 1 Md EUR, et reposera sur des prêts de l’AFD, dont un prêt budgétaire (de politique publique) de 300 M EUR au Trésor sud-africain décaissé en fin d’année 2022.

5. Relations économiques avec la France

5.1. Échanges commerciaux avec la France

Après un premier rebond de 22% en 2021, le commerce franco-sud-africain a augmenté de 31% en 2022, pour atteindre le niveau inédit de 3,5 Mds EUR. Il dépasse désormais de 18% son niveau pré-crise (moyenne 2017-2019), principalement sous l’effet d’une forte hausse des importations (+53,5%). Celles-ci, qui ont particulièrement progressé pour les hydrocarbures et produits miniers d’une part, et les matériels de transport (automobiles) d’autre part, ont entraîné une nette contraction de l’excédent commercial à 260 M EUR (-53,5%), après trois années consécutives de hausse (558 M EUR en 2021, loin toutefois des niveaux record de 1,4 Md EUR affichés au début des années 2000). La croissance des échanges bilatéraux a été plus marquée que celle observée au niveau mondial (+24,9%), mais moins qu’au niveau de l’Afrique subsaharienne (+47,3%). Malgré la forte hausse des échanges en 2022, les parts de commerce bilatéral entre la France et l’Afrique du Sud sont en diminution. Si l’Afrique du Sud demeure un partenaire secondaire au niveau mondial, elle est un partenaire significatif à l’échelle de l’Afrique sub-saharienne (1er client et 3ème fournisseur).

5.2. IDE et présence française

Fin 2021, le stock d’Investissements Directs Etrangers (IDE) de la France en Afrique du Sud s’élevait à près de 2,6 Mds EUR. En 2020 (dernière donnée disponible), la France se classait au onzième rang des investisseurs étrangers, derrière le Royaume-Uni (1er investisseur avec plus de 30% du stock), les Pays Bas (19%), la Belgique (10%), les Etats-Unis (7%) et l’Allemagne (5%).

On compte dans le pays environ 480 implantations d’entreprises françaises, dépendant de plus de 160 groupes français, et employant plus de 65 000 personnes. Elles couvrent un large éventail de secteurs : alimentation & boisson (Limagrain, Danone, Parmalat-Lactalis, LVMH, Pernod-Ricard), énergie (EDF, Engie, Total Energies, Air Liquide, Hydrogène de France), eau (Veolia, Suez), déchets (Séché Environnement, Veolia), transport & logistique (Alstom, RATP DEV, CMA-CGM, Air France, Mobilitas), aéronautique et défense (Airbus, Thales, Safran), santé (Servier, Pierre Fabre), pétrole et gaz (Total Energies, Air Liquide), équipements électriques (Schneider Electric, Legrand, Nexans, Socomec), mines (Imerys), équipementiers automobiles (Faurecia, Valeo, Michelin), matériaux de construction (Saint Gobain), construction (Vinci, Freyssinet), biens de consommation (L'Oréal). Pour ce qui concerne les services : communication-médias (JC Decaux, Publicis, GL Events, Havas, Canal+), logiciel-IoT (Dassault Systèmes, Idemia, Sigfox, Thales, Atos), ingénierie (Ingerop, Systra), contrôle (Bureau Veritas), restauration (Newrest), distribution (Décathlon, Leroy Merlin), services financiers et audit (Mazars, Société Générale, Euler Hermès).

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