AFRIQUE DU SUD
Fiche Pays (mai 2022)
Les multiples chocs subis par l’Afrique du Sud en 2021 (émeutes, apparition du variant Omicron) n’ont pas empêché un net rebond de la croissance : +4,9%, après -6,4% en 2020 – portée par la bonne orientation de la demande et des prix des matières premières. Pour 2022, les prévisions s’établissent en deçà de 2%. Les prix des matières premières exportées par l’Afrique du Sud devraient se maintenir à un niveau élevé, mais des difficultés structurelles préexistantes à la crise, vont continuer de contraindre l’économie : dégradation des finances publiques, problème d’approvisionnement en électricité et investissement au plus bas notamment. Le gouvernement doit accélérer dans la mise en œuvre des réformes, pour soutenir la transformation du modèle économique, afin de le rendre plus durable et plus inclusif.
Situation Covid-19 : L’Afrique du Sud est un des pays les plus touchés par la pandémie sur le continent – c’est aussi un de celui qui teste le plus. Pour prévenir une crise sanitaire d’ampleur, le gouvernement a mis en place un confinement strict lors de la première vague, avec un coût très élevé pour l’économie. Les mesures mises en place pour contenir la seconde (décembre 2020-janvier 2021) et la troisième vague (juin-juillet 2021) ont été nettement moins contraignantes. La découverte du variant Omicron à la fin du mois de novembre 2021 a porté un coup significatif à la reprise économique, du fait des restrictions de déplacement mises en œuvre par les pays tiers. La cinquième vague a officiellement débuté fin avril, mais le gouvernement semble vouloir entrer dans une phase de normalisation, se contentant de rappeler les gestes barrières et d’imposer des jauges dans certains lieux publics. Actuellement, 36% de la population a reçu au moins une dose de vaccin, du fait principalement d’un manque de candidats.
1. Situation économique et politique
1.1. Situation politique
Cyril Ramaphosa a accédé à la présidence de l’ANC (African National Congress) fin 2017, avant de devenir président de la République en février 2018. Depuis l’arrivée de ce dernier à la présidence, la gouvernance du pays s’est nettement améliorée. Des commissions judiciaires ont commencé à révéler l’ampleur de la corruption et du phénomène de « capture de l’Etat », qui s’étaient développés durant les présidences de Jacob Zuma (2009-2018). Cyril Ramaphosa sera probablement désigné comme candidat de l’ANC pour les prochaines élections de 2024 d’ici la fin de l’année – sur fond de dissensions entre l’aile progressiste/pro-business et l’aile populiste, alors que le parti a réalisé des scores historiquement bas lors des élections municipales de 2021.
1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie
L’Afrique du Sud est la première économie d’Afrique australe (plus de deux-tiers du PIB) et la seconde en Afrique sub-saharienne (420 Mds USD en 2021) derrière le Nigéria (440 Mds USD). En 2021, le pays affichait un PIB par habitant de 6 950 USD, dans le top 10 des pays d’Afrique sub-saharienne, loin devant les autres grandes économies de la région. L’Afrique du Sud est le seul pays africain membre des BRICS et du G20.
L’Afrique du Sud est un pays doté d’une économie moderne, relativement diversifiée et qui dispose de nombreux atouts : des ressources naturelles abondantes ; une agriculture commerciale performante (3% du PIB en moyenne entre 2019 et 2021) ; une industrie manufacturière puissante, compétitive et intégrée dans les chaînes de valeur mondiales (12% du PIB – automobile notamment) ; un secteur des services avancé (dont un secteur financier solide et sophistiqué – 23% du PIB) ; des infrastructures de qualité et des institutions judiciaires fortes et indépendantes. L’économie reste relativement dépendante de l’industrie minière, même si ce secteur tend à diminuer (5% du PIB : or, platine, diamant, ferrochrome, charbon, etc.).
Malgré tous ces avantages, on observe une tendance au décrochage de l’économie. Entre 2010 et 2019, le taux de croissance annuel moyen du pays a atteint 1,7%, contre plus du double lors de la décennie précédente. Depuis 2016, le différentiel de croissance vis-à-vis de l’Afrique sub-saharienne et des autres économies émergentes s’accroît.
Ces résultats décevants ont mis un frein aux progrès sociaux réalisés dans la période qui a suivi la fin de l’apartheid (1991), encore aggravés par la crise de la Covid. Depuis la fin du premier trimestre 2020, 1,8 M d’emplois ont été détruits et le taux de chômage atteint le niveau record de 35% (60% chez les jeunes). En 2021, le taux de pauvreté (au seuil de 1,9 USD par jour) a atteint 21% (contre 19% en 2019 et 16% en 2010). Les inégalités, déjà parmi les plus importantes au monde, ont continué à augmenter. Si l’accès aux services de base s’est nettement amélioré depuis le début des années 1990, les systèmes d’éducation et de santé fonctionnent toujours à deux vitesses : des systèmes privés de qualité internationale mais inabordables côtoient des systèmes publics universels inefficaces. Les statistiques de la criminalité atteignent des niveaux record.
2. Conjoncture et finances publiques
2.1. Conjoncture économique
L’Afrique du Sud a abordé la crise de la Covid-19 dans un contexte économique dégradé, alors que le pays était déjà en proie à d’importantes difficultés. Le développement de la corruption et la désorganisation de l’Etat sous les présidences de Jacob Zuma ont entraîné (i) Une chute des investissements et de la croissance potentielle ; (ii) Une crise des entreprises publiques ; (iii) Un dérapage des finances publiques. Les multiples chocs subis par l’Afrique du Sud en 2021 (émeutes en juillet, apparition du variant Omicron fin novembre) n’ont pas empêché un net rebond de la croissance : +4,9%, après -6,4% en 2020 – portée par la reprise mondiale, en particulier par la bonne orientation de la demande et des prix des matières premières.
Pour 2022, les prévisions s’établissent en deçà de 2%. Les prix des matières premières devraient se maintenir à un niveau élevé. Mais la baisse de la demande mondiale (chinoise et européenne en particulier) devrait peser sur l’activité, de même que la remontée des taux d’intérêt, qui contraint la banque centrale à durcir plus rapidement que prévu sa politique monétaire (+75pdb depuis novembre 2021). La demande des ménages devrait être très modérée (augmentation des prix, des taux et du chômage). Par ailleurs, des difficultés structurelles fortes et préexistantes à la crise, vont continuer de contraindre l’économie du pays : problème d’approvisionnement en électricité et plus généralement de coût et de qualité des services clefs (transport, logistique, télécommunications – en lien avec les difficultés rencontrées par les entreprises publiques) ; confiance des agents au plus bas, qui pèse sur la consommation mais surtout sur l’investissement ; inefficacité du système éducatif ; etc.
Sur le plan des réformes, le bilan du gouvernement est décevant et la croissance potentielle atteint difficilement 1,5%. Si on a observé des avancées importantes ces derniers mois (privatisation partielle de South African Airways, relèvement du seuil d’autoproduction d’électricité, progrès dans la restructuration d’Eskom, lancement de nouveaux appels d’offres pour la production d’énergie renouvelable, attribution des licences 5G, libéralisation partielle à venir du secteur de la logistique et du transport de fret, intensification de la lutte contre la corruption, etc.), de nombreuses réformes sont toujours encalminées dans les méandres de l’administration (système de passation des marchés publics, régime des visas pour les travailleurs qualifiés), de la justice ou par manque de consensus au sein de l’ANC.
2.2. Situation des finances publiques
La situation des finances publiques se dégrade depuis le début des années 2010 (déficit supérieur à 4,5% du PIB en moyenne sur la décennie) du fait de la faiblesse de la croissance, de la désorganisation de l’administration fiscale (autre héritage de la période Zuma) et du soutien financier accordé aux entreprises publiques. Sur l’exercice 2020-21 (celui de la crise, clôturé fin mars), le déficit public a été supérieur à 10% du PIB et la dette publique a progressé de quinze points pour atteindre 77% du PIB. Même si elle reste très dégradée, la situation des finances publiques s’est améliorée dès 2021-22 : les marges de manœuvre dégagées grâce à l’augmentation des revenus de l’Etat (surprofits des entreprises minières), ont été allouées pour moitié à de nouvelles dépenses (réponse aux émeutes de juillet, lutte contre la Covid) et pour une autre moitié à la réduction du déficit – qui devrait atteindre 5,5% du PIB, en baisse de 3,8 points par rapport au budget initial.
La trajectoire budgétaire s’améliore aussi nettement à moyen terme : grâce aux meilleurs résultats enregistrés pour l’exercice précédent, à une légère accélération de l’effort de consolidation, mais surtout grâce au changement de base et de mode de calcul du PIB intervenus en juin 2021. L’objectif est désormais de dégager un excédent primaire dès 2023-24 et de stabiliser la dette publique à hauteur de 75% du PIB en 2024-25. Cette trajectoire est crédible, bien que soumise à plusieurs risques : niveau de la croissance, qui dépendra de la mise en œuvre des réformes structurelles, nombreuses pressions pour augmenter les budgets sociaux dans un contexte très dégradé et très tendu, négociations salariales difficiles avec les syndicats de la fonction publique. Par ailleurs, le service de la dette est désormais le troisième poste de dépenses, celui qui augmentera le plus au cours du prochain triennum.
Toutefois, la structure de la dette publique présente un risque modéré, car elle est peu sensible au risque de change (11% est libellée en devises) et de refinancement à court terme (maturité moyenne de 11 ans), même si son exposition aux investisseurs étrangers est forte (près de 30% de la dette libellée en rand est détenue par des non-résidents – une part en baisse de 10 points depuis 2017).
3. Relations avec la communauté financière internationale
L’Afrique du Sud est un pays à « revenus intermédiaires de la tranche supérieure ». Pour faire face aux besoins de financement additionnels liés à la crise de la Covid-19, le gouvernement a fait appel à un financement d’urgence du FMI (Rapid Financing Instrument), pour un montant de 4,2 Mds USD, décaissé en juillet 2020. Les négociations engagées la même année avec la Banque Mondiale, pour un prêt d’appui budgétaire, n’ont abouti qu’en décembre 2022, avec un premier financement de 750 MUSD – un second appui budgétaire est en cours de négociation. Cela constitue un changement d’approche radical de la part des autorités, habituellement très réticentes vis-à-vis des Institutions Financières Internationales (IFIs). En revanche, la Société Financière Internationale (SFI) et MIGA (Multilateral Investment Guarantee Agency) sont très actifs dans le pays – respectivement second portefeuille et premier client sur le continent.
Les relations avec la Banque Africaine de Développement (BAfD) sont plus fluides, avec une vingtaine de projets actifs, la plupart en financements non-souverains – 90% des engagements. Les quatre financements souverains portent sur un montant total de 560 MUSD, dont un financement post-Covid engagé en 2020 (350 MUSD) et un financement en faveur d’Eskom engagé en 2018 (200 MUSD).
En 2020 et 2021, le gouvernement a également contracté trois prêts auprès de la NDB (New Development Bank – banque des BRICS), pour un montant total de 3 Mds USD, en appui à la relance post-Covid.
4. Aide publique au développement de la France
Entre 2018 et 2020 (dernières données disponibles), l’Afrique du Sud a reçu en moyenne 960 MUSD de versement brut d’Aide Publique au Développement (APD) par an de la part des bailleurs bilatéraux. La grande majorité de cette somme a été décaissée par les Etats-Unis (60%) et l’Allemagne (19%). La France se place en troisième position, avec 80 MUSD de versement brut par an, soit 8,5% du total. Selon les années, entre 60% et 80% de cette somme provenait du décaissement de prêts de l’AFD – ou de Proparco pour ce qui concerne 2019 et 2020.
Jusqu’à très récemment, l’AFD n’intervenait en Afrique du Sud que sous la forme de prêts non souverains. Cette situation a évolué en 2015, avec l’obtention de la garantie de l’Etat pour un financement en faveur d’Eskom, du fait des difficultés financières de l’entreprise. Hors Eskom, l’exposition de l’AFD est actuellement uniquement non souveraine, répartie entre quatre grands types d’acteurs : banques publiques de développement, secteur bancaire privé, municipalités et grandes entreprises publiques.
Toutefois, cette situation est appelée à évoluer : dans le cadre de la COP 26 à Glasgow, plusieurs bailleurs bilatéraux (Allemagne, Etats-Unis, Royaume-Uni et Union Européenne) et multilatéraux se sont engagés à soutenir la transition énergétique sud-africaine à hauteur de 8,5 Mds USD. La contribution de la France s’élève à 1 Md EUR, elle repose sur trois prêts de l’AFD, qui devraient être mis en œuvre dans les prochaines années en faveur du gouvernement (il s’agirait du premier du genre) et des entreprises publiques Eskom et Transnet (logistique et transport de fret).
5. Relations économiques avec la France
5.1. Échanges commerciaux avec la France
Après avoir été fortement affecté par la crise, le commerce entre la France et l’Afrique du Sud a augmenté de plus de 20% en 2021, pour atteindre 2,6 Mds EUR – un niveau qui reste toutefois inférieur de 10% par rapport à la période pré-crise (moyenne 2017-2019). La reprise des échanges bilatéraux a été plus marquée que celle observée au niveau mondial (+17%) et au niveau de l’Afrique subsaharienne (+2,4%) : (i) forte hausse de nos exportations de machines, de produits métalliques et d’agroalimentaire ; (ii) forte hausse de nos importations de produits métalliques et de minerais. L’excédent commercial qu’enregistre structurellement la France vis-à-vis de l’Afrique du Sud a continué de progresser (+16%) pour la troisième année consécutive, atteignant près de 530 MEUR, loin toutefois du 1,4 Md EUR affiché au début des années 2010. L’Afrique du Sud demeure un partenaire secondaire au niveau global, mais très significatif à l’échelle de l’Afrique subsaharienne (premier client et second fournisseur).
5.2. IDE et présence française
Fin 2020, le stock d’Investissements Directs Etrangers (IDE) de la France en Afrique du Sud s’élevait à près de 3 Mds EUR. La France se classe au douzième rang des investisseurs étrangers, derrière le Royaume-Uni (1er investisseur avec plus de 30% du stock), les Pays Bas (18%), la Belgique (11%) et l’Allemagne (5%).
On compte dans le pays environ 370 implantations d’entreprises françaises employant plus de 65 000 personnes. Elles couvrent un large éventail de secteurs : alimentation & boisson (Limagrain, Danone, Parmalat-Lactalis, LVMH, Pernod-Ricard), énergie (EDF, Engie, Total Energies), eau (Veolia), déchets (Veolia, Séché Environnement), transport & logistique (Alstom, RATP DEV, Bolloré, CMA-CGM, Air France), aéronautique et défense (Thales, Safran), pharmacie & essais (Sanofi, Sanofi Pasteur, Servier, Pierre Fabre, Cerba-Lancet), pétrole et gaz (Total, Air Liquide), équipements électriques (Schneider Electric, Legrand), mines (Imerys, Saint Gobain), équipementiers automobiles (Faurecia, Valeo, Michelin), matériaux de construction (Saint Gobain), biens de consommation (L'Oréal). Mais aussi dans les services : communication (JC Decaux, Publicis, GL Events, Havas), logiciel-IoT (Dassault Systèmes, Idemia, Sigfox, Thales, Atos), ingénierie (Ingerop, Systra, Egis), contrôle (Bureau Veritas), restauration (Newrest), distribution (Décathlon, Leroy Merlin), services financiers et audit (BNP, Mazars, Société Générale, SCOR).