AFRIQUE DU SUD
Fiche pays (juillet 2025)
L’économie sud-africaine demeure confrontée à de nombreuses difficultés structurelles, héritées de la présidence Zuma (2009-2018), qui avait été marquée par une corruption endémique. Alors que la mise en place d’un gouvernement d’unité nationale (GNU) en juin 2024 (qui avait été bien accueillie par les marchés) et l’amélioration de la situation énergétique semblaient présager une embellie, l’économie sud-africaine n’a pas retrouvé d’élan en 2024. La croissance du PIB, atone (0,5 % en 2024), reste inférieure à celle de la population, et la situation socio-économique, déjà fragile, continue de se détériorer (chômage en hausse et inégalités à des niveaux records). Malgré une volonté affirmée de procéder à une consolidation budgétaire, la situation des finances publiques reste très dégradée. Au-delà de ce contexte domestique déjà difficile, l’Afrique du Sud pourrait pâtir des droits de douane importants annoncés par la nouvelle administration américaine, qui devraient entrer en vigueur au 1er août 2025.
1. Situation économique et politique
1.1. Situation politique
À l’issue des élections nationales du 29 mai 2024, l'African National Congress (ANC) a perdu la majorité absolue dont il disposait au Parlement depuis 1994, n’obtenant que 40% des voix, contre 58% cinq ans plus tôt. Son chef Cyril Ramaphosa, qui avait accédé à la présidence de la République en février 2018, a entamé un second mandat, formant un gouvernement d'unité nationale (GNU) avec le principal parti d'opposition, Democratic Alliance (22%), et neuf autres partis. Le GNU a été bien accueilli par les milieux économiques, qui ont salué la volonté affichée de gouverner au centre en améliorant la gouvernance publique des affaires. Le premier semestre 2025 a toutefois été marqué par de fortes tensions internes au sein du GNU, qui se sont cristallisées lors de la présentation du budget pour l’exercice 2025/26, finalement approuvé deux mois après la date butoir. Afin de protester contre le limogeage d’un de ses ministres fin juin 2025, la DA a par ailleurs voté contre le budget de plusieurs ministères (notamment ceux du logement social et de l’enseignement supérieur, dirigés par des ministres ANC ayant fait l’objet d’allégations de corruption).
1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie
L’Afrique du Sud, seul pays africain membre des BRICS et du G20, est de loin la première économie d’Afrique australe (61% du PIB sous-régional). Elle est également la première économie d’Afrique (400 Mds USD en 2024), devant l’Egypte (383 Mds USD). Le pays affiche ainsi un PIB par habitant de 6 332 USD, dans le top 10 des pays d’Afrique sub-saharienne, loin devant les autres grandes économies de la région.
Grand pays émergent doté d’une économie moderne et relativement diversifiée, l’Afrique du Sud, qui bénéficie d’un solde commercial positif, dispose de nombreux atouts : des ressources naturelles abondantes ; une agriculture commerciale performante quoique duale (2,5% du PIB en 2024) ; une industrie manufacturière puissante, compétitive et intégrée dans les chaînes de valeur mondiales (11,2% du PIB – automobile notamment) ; des services avancés (dont un secteur financier solide et sophistiqué – 24,4% du PIB) ; une industrie du tourisme développée et en croissance (8.8% du PIB) ; des infrastructures de qualité et des institutions judiciaires fortes et indépendantes. L’économie reste relativement dépendante de l’industrie minière (environ 38,3% des exportations), même si le poids de ce secteur historique tend à diminuer (4,4% du PIB : or, platine, diamant, ferrochrome, charbon, etc.).
Malgré ces atouts, l’économie sud-africaine peine à générer une croissance durable et inclusive. Entre 2013 et 2023, le taux de croissance annuel moyen s’est limité à 0,7 %, soit moins de la moitié de celui enregistré au cours de la décennie précédente. La progression de l’activité reste largement absorbée par la croissance démographique (1,5% en 2024).
Ces résultats décevants ont mis un frein aux progrès sociaux réalisés dans l’immédiat post-apartheid. Le taux de chômage a atteint 32,9% au T1 2025 (plus de 46,1% chez les jeunes), en hausse de 6,4 points sur dix ans, et le taux de pauvreté (au seuil de 6,85 USD par jour, applicable aux pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure) est particulièrement élevé (63,4% en 2024). Les inégalités restent les plus importantes au monde (indice de GINI de 0,63 mesuré en 2023). Dans ce contexte, la criminalité a atteint des niveaux record, pesant fortement sur l’économie (impact estimé jusqu’à 10 points de PIB par la Banque Mondiale en 2023). Le climat des affaires est également pénalisé par un niveau élevé de corruption : en 2024, l’Afrique du Sud se classe au 82ᵉ rang sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption publié par Transparency International.
2. Conjoncture et finances publiques
2.1. Conjoncture économique
L’économie sud-africaine demeure confrontée à de nombreuses difficultés structurelles, héritées de la présidence Zuma (2009-2018), qui avait été marquée par une corruption endémique désormais qualifiée de « capture de l’Etat » : services publics en déclin en raison des difficultés des entreprises publiques, climat des affaires détérioré, faible niveau d’investissement, etc. Alors que la mise en place d’un gouvernement d’unité nationale (GNU) en juin 2024 (qui avait été bien accueillie par les marchés) et l’amélioration de la situation énergétique semblaient présager une embellie, l’économie sud-africaine n’a pas retrouvé d’élan en 2024. La croissance n’a atteint que 0,5 %, bien inférieure aux 1,3 % anticipés dans le budget 2024/25 et loin des performances des années précédentes (+0,7 % en 2023, +2,1 % en 2022, +4,9 % en 2021). La consommation des ménages (+0,7 %, soit une contribution positive de 1,0 point à la croissance) est restée le principal moteur de l’économie, tandis que les exportations (–2,0 %, soit une contribution négative de 0,6 point) ont souffert des contraintes logistiques persistantes, en particulier des problèmes rencontrés par l’opérateur ferroviaire et portuaire Transnet. Pour 2025, les prévisions de croissance ont été révisées à la baisse par l’ensemble des observateurs depuis le début de l’année, face à des difficultés politiques croissantes (stabilité de la coalition gouvernementale en péril), aux risques budgétaires (risque de dérapage des finances publiques) et au contexte international incertain (annonce des Etats-Unis qu’ils imposeraient des droits de douane de 30% sur les importations en provenance d’Afrique du Sud dès le 1er août 2025, suspension de l’aide bilatérale américaine). Le FMI prévoit désormais une croissance de 1,0 %, bien en dessous des 1,4 % prévus dans le budget pour l’exercice 2025/26.
L’inflation a poursuivi son ralenstissement, passant de 5,9% en moyenne annuelle en 2023 à 4,4% en 2024. Dans ce contexte, la Banque centrale (South AFrican Reserve Bank – SARB) a entamé un assouplissement de sa politique monétaire. Elle a diminué son taux directeur à quatre reprises depuis le début du mois de septembre (-100 points de base, à 7,25%). L’inflation devrait ralentir à 3,8% en 2025, se maintenant ainsi dans la cible fixée par la Banque centrale (de 3% à 6%), que l’institution monétaire envisage d’ailleurs d’abaisser.
Le bilan des réformes structurelles engagées dans le cadre de l’Opération Vulindlela reste décevant. Si la première phase du plan (2020–2024) a permis de recenser des progrès dans le secteur de l’énergie, les réformes annoncées dans les secteurs de la logistique, du rail et des ports ont peu avancé, maintenant des goulets d’étranglement coûteux. Lancée en 2025, la seconde phase prévoit 30 réformes prioritaires (énergie, logistique, eau, collectivités, numérique). Son impact reste incertain : le défi est de transformer les annonces en résultats concrets et de lever les freins à la croissance.
2.2. Situation des finances publiques
Après le creux de la crise sanitaire (déficit public de 10% sur l'exercice fiscal 2020/21), l’état des finances publiques s’est temporairement amélioré (déficits de 4,6% en 2021/22 puis de 3,6% en 2022/2023 selon le gouvernement), grâce à l’augmentation des recettes de l’Etat (surprofits des entreprises minières). Toutefois, le déficit s’est de nouveau creusé sur l’exercice 2023/24 (4,4% du PIB) et 2024/25 (4,8% du PIB). En parallèle, la dette publique, en augmentation continue depuis la fin des années 2000, a atteint 76,9% du PIB sur l’exercice 2024/25 (soit plus du triple de son niveau de 2008) et continue d’augmenter. Si le gouvernement affiche la volonté de procéder à une consolidation budgétaire sur les prochains exercices (maintien d’un excédent primaire ; déficit public réduit à 3,2% du PIB à l’horizon 2027/28 selon les prévisions du gouvernement), ces prévisions restent soumises à de nombreux aléas, et les pressions budgétaires latentes (subventions sociales, renflouement des entreprises publiques, dettes municipales élevées) pourraient compromettre l’objectif de réduction du déficit à 3,2 % d’ici 2027/28 dans un environnement marqué par une croissance moins élevée qu’attendu.
La trajectoire prise par les finances publiques est peu soutenable : alors que le gouvernement table sur une stabilisation de la dette, qui culminerait à 77,4% du PIB sur l’exercice 2025/2026 avant de décroître progressivement, le FMI prévoit une augmentation continue de celle-ci, qui atteindrait 88,7% en 2029/30). Selon le Fonds, une consolidation budgétaire plus ambitieuse que prévu, à hauteur de 3 points de PIB, sera nécessaire pour ramener la dette dans une fourchette de 60 à 70 % du PIB sur les cinq à dix prochaines années. La structure de la dette publique présente néanmoins un risque modéré, car elle est peu sensible au risque de change (9,5% était libellée en devises fin 2024) et de refinancement à court terme (maturité moyenne de plus de 12 ans).
3. Relations avec la communauté financière internationale
Les autorités sud-africaines, historiquement très prudentes vis-à-vis des institutions financières internationales (IFIs), ont opéré un changement d’approche radical depuis la crise de la Covid-19. L’Afrique du Sud a ainsi fait appel à un financement d’urgence du FMI (Rapid Financing Instrument) de 4,2 Mds USD, décaissé en juillet 2020. Depuis, le Trésor sud-africain assume une stratégie de financement reposant sur un recours accru aux financements concessionnels des bailleurs internationaux, jugés attractifs. Le pays a ainsi bénéficié, en janvier 2022, d’un prêt d’appui budgétaire de la Banque mondiale d’un montant de 750 M USD, suivi d’un second volet de 480 M USD. L’Afrique du Sud bénéficie également des versements prévus dans le cadre du Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) conclu lors de la COP 26, pour un montant total qui devrait atteindre 10,7 Mds USD (montant initial de 8,5 Mds USD, réhaussé par la suite à 11,7 Mds USD puis rabaissé à 10,7 Mds USD suite à l’annonce du retrait américain. Le groupe de bailleurs impliqué dans le partenariat comprend la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Union Européenne, auxquels se sont joints le Danemark et les Pays-Bas, et de manière plus informelle l’Espagne, le Canada et la Suisse. Les Etats-Unis, membres fondateurs du partenariat, en ont en revanche annoncé leur retrait dans la foulée du retour de D. Trump à la présidence. La Banque mondiale, bien que n’étant pas membre du JETP, a également octroyé plusieurs financements pour accompagner la transition énergétique du pays, dont un prêt de 440 M USD à Eskom pour le démantèlement de la centrale à charbon de Komati (novembre 2022), un prêt de politique publique de 1 Md USD (octobre 2023) et un prêt de 1,5 Md USD pour renforcer les infrastructures sud-africaines (juin 2025). Un prêt de politique publique de 250 M USD, dédié aux secteurs de l’énergie et des transports, a également été octroyé par l’IFI en mars 2025. A noter que la Société Financière Internationale (SFI) et MIGA (Multilateral Investment Guarantee Agency) sont également très actifs dans le pays – respectivement premier portefeuille du continent (3,5 Mds USD en juin 2024) et premier client d’Afrique subsaharienne.
Les relations avec la Banque Africaine de Développement (BAfD), historiquement plus fluides qu’avec les autres bailleurs multilatéraux, sont également importantes, avec dix projets actifs, dont sept en financement souverain. Ces derniers portent sur un montant total de 1,6 Md USD, dont un prêt de 1 Md USD à Transnet (assorti de la garantie souveraine de l’Etat sud-africain) accordé en juillet 2024. Par ailleurs, en juillet 2025, la BAfD a approuvé un nouveau prêt de 474,6 M USD destiné au Programme d’infrastructure, de gouvernance et de croissance verte de l’Afrique du Sud, visant à soutenir la transition vers une économie durable et à renforcer l’efficacité des secteurs de l’énergie et des transports. Enfin, l’activité de la NDB (New Development Bank – banque des BRICS) s’est fortement développée ces dernières années. Après deux opérations réalisées en 2020 et 2021, pour un montant total de 3 Mds USD, en appui à la relance post-Covid, la Banque de développement a octroyé deux nouveaux financements, dont un prêt à l’Etat d’un montant maximum de 1 Md USD pour le développement des infrastructures de gestion et traitement de l’eau des municipalités (juillet 2023), et un prêt de 18,5 Mds ZAR (environ 1 Mds USD) à l’opérateur public ferroviaire et portuaire Transnet (janvier 2024). La NDB est également impliquée dans le lancement du Fonds de garantie multilatéral des BRICS, annoncé en juillet 2025, qui vise à mobiliser des investissements privés dans les pays membres de l’alliance. Ce fonds devrait permettre de démultiplier les garanties fournies par la NDB et d’attirer davantage de capitaux pour financer des projets d’infrastructures, de transition énergétique et de développement durable à partir de 2026.
4. Aide publique au développement de la France
Entre 2021 et 2023 (dernières données disponibles), l’Afrique du Sud a reçu en moyenne 1,3 Md USD par an de versements bruts d’aide publique au développement (APD) de la part des bailleurs bilatéraux. La quasi-totalité de cette somme a été décaissée par les États-Unis (50 %), la France (24%) et l’Allemagne (15 %). La France se positionne ainsi au deuxième rang, avec un montant annuel moyen de 309 M USD.
Pendant longtemps, l’AFD n’est intervenue en Afrique du Sud que sous la forme de prêts non souverains, à destination de quatre grands types d’acteurs : banques publiques de développement, secteur bancaire privé, municipalités et grandes entreprises publiques. Cette situation a commencé à évoluer en 2015, avec l’obtention de la garantie de l’Etat pour un financement en faveur d’Eskom, qui a par la suite bénéficié de deux nouveaux prêts garantis par l’Etat. Plus récemment, dans le cadre du Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) annoncé lors de la COP26, l’AFD a octroyé deux prêts budgétaires (de politique publique) au Trésor sud-africain (un premier prêt de 300 MEUR fin 2022, suivi d’un deuxième prêt de 400 MEUR fin 2024).
5. Relations économiques avec la France
5.1. Échanges commerciaux avec la France
Les échanges commerciaux entre la France et l’Afrique du Sud ont légérement diminué en 2024 (-1,1 %), pour s’établir à 3,2 Mds EUR. Cette baisse s’explique principalement par une réduction de nos exportations (-5 %, à 1,7 Md€), liée à une diminution des flux d « équipements mécaniques, électriques, électroniques et informatiques » (-13,9%, représentant 27 % du total). A l’inverse, les importations françaises en provenance d’Afrique du Sud ont progressé (+4 %, à 1,5 Md EUR), portées par une augmentation des ventes de matériel de transport (+52,3%, représentant 55% du total). Dans ce contexte, l’excédent commercial structurel enregistré par la France vis-à-vis de l’Afrique du Sud s’est réduit (-43,2%, à 199 MEUR). L’Afrique du Sud demeure un partenaire secondaire de la France au niveau mondial, restant toutefois un partenaire stratégique à l’échelle de l’Afrique Sub-saharienne (1er client et 3ème fournisseur).
5.2. IDE et présence française
Fin 2023 (dernières données disponibles), le stock d’Investissements Directs Etrangers (IDE) de la France en Afrique du Sud s’élevait à 3,2 Mds EUR et la France se classait au onzième rang des investisseurs étrangers, derrière le Royaume-Uni (1er investisseur avec plus de 23% du stock), les Pays Bas (18%), la Belgique (12%), les Etats-Unis (8%) et l’Allemagne (7%).
On compte dans le pays environ 480 implantations d’entreprises françaises, dépendant de plus de 160 groupes français, et employant plus de 65 000 personnes. Elles couvrent un large éventail de secteurs : alimentation et boissons (Limagrain, Danone, Parmalat-Lactalis, LVMH, Pernod-Ricard, Soufflet), énergie (EDF, Framatome, Engie, Total Energies, Air Liquide, HDF, Voltatia, Vinci), eau (Veolia, Suez), déchets (Séché Environnement, Suez), transport & logistique (Alstom, RATP DEV, CMA-CGM, Air France, Mobilitas), aéronautique et défense (Airbus, Thales, Safran), infrastructures de télécommunications (Orange Marine), santé (Sanofi, Servier, Pierre Fabre), hydrocarbures (Total Energies, Engie, PayGas, 3C Metal), équipements électriques (Schneider Electric, Legrand, Nexans, Socomec), mines (Imerys), équipementiers automobiles (Forvia, Valeo, Michelin), matériaux de construction (Saint Gobain, Arkema), construction (Vinci, Freyssinet), cosmétiques (L'Oréal, Clarins), call-centers (Téléperformance). Pour ce qui concerne les services : tourisme (Club Med, Accor/Kasada, communication-médias (JC Decaux, Publicis, GL Events, Havas, Canal+), logiciel-IoT (Dassault Systèmes, Idemia, Thales, CLS Argos), ingénierie (Ingerop, Systra), contrôle (Bureau Veritas), restauration (Newrest), distribution (Décathlon, Leroy Merlin), services financiers et audit (Mazars, Société Générale, Euler Hermès, Meridiam).