Fiche pays Afrique du Sud (Juin 2019)

  •  Sur le plan politique, un Président réélu en mai 2019 pour un mandat de cinq ans

Depuis l’élection de Cyril Ramaphosa à la tête de l’ANC (African National Congress, parti majoritaire depuis la fin de l’apartheid) en décembre 2017 et à la présidence en février 2018, la gouvernance du pays s’est nettement améliorée. Des commissions judiciaires ont commencé à révéler l’ampleur de la corruption et du phénomène de « capture de l’Etat » qui s’étaient développés durant la présidence de Jacob Zuma. En parallèle, le nouveau président a engagé des réformes clefs : amélioration de la gouvernance des grandes entreprises publiques, clarification de la réglementation des secteurs minier et énergétique, stratégie de relance de l’investissement (avec l’objectif d’attirer 100 Mds USD d’investissements nouveaux en cinq ans), etc. Lors des élections du 8 mai 2019, l'ANC a obtenu 57,5% des suffrages, permettant la réélection de Cyril Ramaphosa pour un mandat de cinq ans. Le score est satisfaisant bien qu’inférieur aux résultats historiques du parti (62% en 2014).

  • La première puissance économique régionale toujours marquée par de profonds défis sociaux

L’Afrique du Sud est la première économie d’Afrique australe (représentant près des deux-tiers du PIB de la sous-région) et la deuxième au niveau du continent africain (370 Mds USD en 2018) derrière le Nigéria mais devant l’Egypte. En 2018, le pays affiche un PIB par habitant de 6 377 USD, dans le top 10 des pays africains, loin devant les autres grandes économies, avec probablement la classe moyenne la plus nombreuse alors que le pays ne compte que 56 M d’habitants. Par ailleurs, l’Afrique du Sud est le seul pays africain membre des BRICS et du G20.

L’Afrique du Sud est un pays émergent dotée d’une économie moderne, relativement diversifiée et qui dispose de nombreux atouts : des ressources naturelles abondantes, une agriculture commerciale performante et une industrie puissante et compétitive (automobile notamment), une bonne insertion dans le commerce mondial, un environnement législatif adapté aux affaires, des institutions judiciaires fortes et indépendantes, des infrastructures de très bonne qualité, un secteur financier fort (20% du PIB) et sophistiqué. Toutefois,  l’économie reste relativement dépendante du secteur minier (8% du PIB ; or, platine, diamant, ferrochrome, manganèse, charbon, etc.) qui représente encore la moitié des recettes d’exportations.

Des progrès sociaux importants ont été réalisés depuis la fin de l’apartheid, notamment en termes d’amélioration des conditions de vie de la population (accès à l’eau et à l’électricité, taux de scolarisation, réduction de l’extrême pauvreté), mais l’Afrique du Sud reste un pays où les problèmes sociaux restent très marqués : pauvreté, inégalités et criminalité. Ainsi, fin 2018, le taux chômage s’élevait à 27,7% ; l’espérance de vie est en constante diminution depuis plus de 20 ans (à 63 ans en 2018) ; le niveau d’inégalité est un des plus élevé au monde et supérieur au niveau du début des années 2000. Ces mauvaises performances s’expliquent en partie par la faiblesse de la croissance observée depuis la fin des années 2000 et en deçà de la croissance démographique (1,2%) depuis cinq ans.

  • La croissance économique est atone, sans espoir d’amélioration à court terme

Le rebond de la croissance observé en 2017 (+1,3%, après +0,6% en 2016) ne s’est pas prolongé en 2018. Le pays est même entré en récession à la fin du premier semestre, du fait de mauvais résultats dans les secteurs agricole et minier. Au troisième trimestre, la croissance a atteint 2,2% grâce aux bonnes performances du secteur manufacturier et celui des services (finances et transport) ainsi qu’à un rebond de la consommation. Sur l’ensemble de l’année 2018, la croissance a atteint 0,8%, bien en deçà des 2% attendus en début d’année. Pour 2019, les prévisions ont été revues à la baisse, aux alentours de 1,2% à 1,3% (Banque centrale, FMI, Banque Mondiale).

L’inflation est maitrisée, elle se situe dans la fourchette de 3%-6% fixée par la Banque centrale : 4,6% en moyenne sur 2018, point bas autour de 4% début 2019 puis accélération pour atteindre 4,5% en mars dernier. Malgré cette inflation relativement stable, la Banque centrale poursuit une politique monétaire prudente (le taux directeur atteint 6,75%). Les taux d’intérêt réels à court terme sont ainsi nettement positifs ce qui soutient le rand dont la volatilité est forte – pays très marqué par la dualité, nombreuses incertitudes qui pèsent sur l’économie et changements constants dans la perception du risque sud-africain par les investisseurs étrangers. Ainsi, depuis 2014, la parité entre le rand et le dollar américain varie dans une fourchette comprise entre 10 et 17 ZAR pour 1 USD. En avril 2019, le taux de change s’établissait à 14 ZAR pour 1 USD, un niveau qui est relativement stable depuis le début de l’année.

Le déficit de la balance des transactions courantes, qui s’était réduit en 2017 (-2,4% du PIB après -2,8% en 2016 – reflet de l’amélioration de la balance commerciale, permise par l’augmentation des prix des matières premières, la réduction des importations de produits agricoles suite à la fin de la sécheresse et l’atonie de la demande intérieure) s’est de nouveau creusé en 2018. Il a atteint -3,5%, principalement en raison de la diminution de l’excédent commercial.

Les flux de capitaux sont essentiels pour combler le déficit chronique de la balance des transactions courantes. Or, la modification de l’équilibre entre Investissements Directs Etrangers (IDE) et investissements de portefeuille, que l’on observe ces dernières années, tend à rendre l’économie sud-africaine vulnérable à une sortie brutale de capitaux. Cela pèse sur l’aptitude du pays à assurer de façon pérenne et à moindre coût l’équilibre de sa balance des paiements. Cela est d’autant plus important, dans un contexte où seule l’agence de notation Moody’s maintient la notation souveraine du pays en catégorie investissement, avec perspective stable – et que la plupart des analystes tablent sur une dégradation de la notation du pays à moyen terme, compte tenu de la situation dégradée de l’économie, des comptes publics et de l’entreprise publique Eskom qui pèse sur ses derniers.

  • Politique budgétaire : une volonté de réduire le déficit et de maitriser l’endettement à mettre en œuvre

S’agissant des finances publiques, les marges de manœuvre du gouvernement apparaissent de plus en plus limitées, aussi bien du côté des recettes (faiblesse de la croissance, désorganisation de l’administration fiscale) que des dépenses (plan d’appui financier aux entreprises publiques en difficultés). Pour l’année fiscale 2019/2020, et malgré l’effort du gouvernement pour éviter un dérapage, le budget prévoit à nouveau un glissement du déficit – à 4,5% du PIB, loin des 3,6% qui étaient la cible prévue pour 2019 lors de l’élaboration du budget 2018. Compte tenu de sa dynamique ces dernières années, l’horizon de stabilisation de la dette publique est un point d’attention – à environ 60% du PIB pour 2023/2024 contre 56% auparavant. Toutefois, la structure de la dette présente un risque modéré car elle est peu sensible au risque de change (9% seulement de cette dette est libellée en devises) et de refinancement à court terme (maturité à près de 15 ans en moyenne) même si son exposition aux investisseurs étrangers est forte (35% de la dette libellée en rand est détenue par des non-résidents).

  • Un secteur bancaire solide et performant, déconnecté de la sphère réelle de l’économie

Les indicateurs de performances du secteur bancaire (près de 10% du PIB) continuent de s’améliorer, confirmant ainsi sa solidité globale grâce à une amélioration régulière de la régulation (renforcement de la lutte contre le blanchiment et mise en place d’un système de régulation moderne distinguant surveillance bancaire et sécurité pour les clients) et de sa mise en œuvre. La déconnexion entre la bonne orientation du secteur financier et la faiblesse de l’activité domestique reflète l’orientation des institutions financières sud-africaines vers l’international.

  • Poursuivre la mise en œuvre des réformes structurelles

L’Afrique du Sud fait face à un défi majeur : relancer son économie, notamment en restaurant la confiance des investisseurs étrangers, afin de réduire le chômage et les inégalités tout en assurant la soutenabilité de ses comptes publics. Dans ce contexte, la réforme des entreprises publique, notamment Eskom et South African Airways qui sont en grande difficulté, est centrale. Si le gouvernement a engagé la réforme de leur gouvernance, des actions fortes sont attendues (démantèlement des groupes intégrés pour séparer les activités de type monopolistique et celles de type concurrentiel, vente de certaines participations, introduction d’investisseurs privés dans le capital, gestion des effectifs et carences en compétences, etc.) afin de restaurer la situation financière, opérationnelle et réputationnelle de ces entités.

D’autre part, l’application des conditions BBB-EE (Broad-Based Black Economic Empowerement – système de discrimination positive visant à réduire les inégalités issues de l’apartheid dans la sphère économique) et de contenu local tend à dissuader l’investissement étranger car il complique la réponse des entreprises, notamment des PME, aux appels d’offres dans le pays. Enfin, et toujours dans l’objectif de répondre aux attentes des populations historiquement défavorisées, la volonté affichée par Cyril Ramaphosa de relancer la réforme foncière pour (via une révision de la Constitution) en facilitant la mise en place d’un dispositif « d’expropriation sans compensation » des terres des fermiers blancs n’est pas de nature à rassurer les investisseurs étrangers, sensibles quant à une évolution défavorable du droit de la propriété en Afrique du Sud. Jusqu’à maintenant, le Président a réussi à avancer prudemment sur ce sujet (en assurant l’absence d’impact négatif de la réforme foncière sur la sécurité alimentaire et la production).

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