Situation économique et financière en 2023

Après une récession de -5,3 % en 2020, et un rebond (+10,7 %) en 2021, la croissance avait ralenti à +4,3 % en 2022. En 2023, la croissance du PIB s'est modérée à +3,3 %, en raison d'une plus faible demande extérieure, et devrait s'accélérer à +3,8 % en 2024, portée par la demande intérieure. L'inflation a fortement ralenti, et le déficit budgétaire a été réduit en 2023, grâce à de bonnes recettes fiscales.

Les enjeux structurels du pays sont nombreux : le Kosovo doit élargir sa base productive et améliorer la gouvernance des projets publics. Il progresse néanmoins dans les réformes, avec des efforts réalisés en faveur de l’environnement des affaires, de la gouvernance budgétaire et financière et de la transition énergétique.

I- La croissance du Kosovo ralentit en lien avec la conjoncture européenne.

Le Kosovo avait enregistré, en 2020, une récession de -5,3 %, suivie par un rebond en 2021, de +10,5 %, porté par le soutien de la diaspora[1]. La croissance ralentit depuis, à +3,5 % en 2022, principalement en raison d’un choc négatif des termes de l’échange induit par la hausse des prix énergétiques et alimentaires au niveau mondial. En 2023, la baisse de la demande extérieure, des principaux partenaires commerciaux et des pays de provenance la diaspora, explique la décélération de la croissance, à +3,3% (contre 3,8 % envisagé initialement par le FMI).

La croissance a été principalement portée par la consommation privée (+4,1% en 2023, en lien avec la forte croissance du crédit au secteur privé : +10,1 % à décembre 2023 en termes réels) et par l’investissement public (+30 % par rapport à 2022, avec un taux d'exécution record de 69 % en 2023, contre 63 % en moyenne sur les 5 dernières années). Bien que les exportations de services soient restées élevées, soutenues par le tourisme lié à la diaspora, la contribution des exportations nettes est devenue négative (-1,6 pp de PIB).

La baisse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux a amélioré les termes de l'échange et contribué à réduire l'inflation (4,9% en moyenne annuelle en 2023, contre 11,6% en 2022). Après avoir atteint un pic de 14,5 % à la mi-2022, elle est tombée à 2 % en g.a au T1 2024. Le déficit du compte courant s'est réduit, passant de 10,25 % du PIB en 2022 à 7,75 % du PIB en 2023. Les transferts de fonds sont restés élevés (environ 14 % du PIB) et les réserves en devises ont atteint environ 1,5 Md EUR. Le déficit du compte courant a été en partie financé par les investissements directs étrangers (IDE), à 6,7% du PIB, concentrés dans l'immobilier (65 %).

Le déficit public s'est élevé à 0,2 % du PIB en 2023 (0,7 % en 2022), bien en deçà de la règle des 2 % du PIB, du fait d’un bon niveau de collecte fiscale (1 p.p de PIB de plus qu’en 2022, les recettes fiscales étant en hausse de +8 % en 2023). La dette publique a continué de diminuer pour atteindre 17,5 % du PIB en 2023 (20,1 % en 2022). En lien avec le cycle des investissements publics dans les infrastructures à venir, elle devrait augmenter à moyen terme, à 26,25 % du PIB d'ici 2033, d’après le FMI. Les besoins de financement du pays bruts devraient en outre rester contenus, à 4,8 % et 4,3 % du PIB pour 2024, et 2025 respectivement.

Le secteur financier est resté solide. Le niveau de prêts non performants, à 1,9 %, est stable par rapport à 2022. Les ratios de profitabilité des banques ont augmenté (avec un ROA à 2,5 % et un ROE de 19,3 %) tandis que le ratio de liquidité est resté relativement stable (à 29,3 % en mai 2024).

II- Le pays présente des défis structurels, mais avance dans les réformes. 

Les défis structurels restent nombreux.

Si les transferts de fonds de la diaspora soutiennent la consommation, sur laquelle repose la croissance, le Kosovo doit consolider sa base productive, en attirant des délocalisation/relocalisations industrielles. La forte dépendance du pays aux importations (énergie et denrées alimentaires notamment) le soumet aux aléas des tensions géopolitiques et de l’évolution des prix internationaux des matières premières. D’après la dernière évaluation disponible du FMI, un scénario défavorable[2] entrainerait une croissance de 1,5 p.p inférieure aux prévisions et des besoins de financements d’environ 0,5 % du PIB en 2024-2025 – avec le risque de réaffecter les dépenses d’investissements prévues vers des dépenses improductives, alors que le pays souffre d’infrastructures lacunaires.

Dans ce contexte, les restrictions aux importations depuis la Serbie, mises en œuvre depuis l’été 2023, perturbent les chaines d‘approvisionnement et ont des effets inflationnistes. Les importations alimentaires et de tabac du Kosovo, en particulier, ont été substituées par des approvisionnements de Macédoine du Nord, de Turquie et d’Allemagne, aux prix renchéris.

Parmi les principaux enjeux structurels, soulignons : la gouvernance publique des projets (faibles capacités de mise en œuvre, besoins en termes d’évaluation et pour créer un pipeline unique de projets priorisés), le poids des SOEs dans l’économie, l’amélioration de l’environnement des affaires ainsi que l’inclusion des femmes et des jeunes sur le marché de l’emploi. Les dépenses fiscales pourraient aussi davantage identifiées et quantifiées.

Par ailleurs, le Kosovo n’a pas accès aux marchés financiers internationaux et demeure largement dépendant des IFIs. En lien avec l’importance du secteur informel (au moins un tiers du PIB), son assiette fiscale est étroite, le niveau des recettes rapporté au PIB étant l’un des plus faibles de la région à 26 % en 2023.

Enfin, le Kosovo ayant adopté unilatéralement l’euro, les capacités de soutien de la Banque centrale sont limitées, tout comme la compétitivité-prix des exportations. Dans son dernier rapport, le FMI suggère que le taux de change réel effectif du Kosovo serait surévalué de 10 %.

Mais le pays avance dans les réformes.

Plusieurs réformes en faveur de l’environnement des affaires ont été récemment adoptées : mise en place d’un tribunal de commerce, nouvelle loi bancaire, nouveau code douanier conforme avec l’Acquis de l’UE en juin 2023, un plan pour la formalisation de l’économie en juillet 2023 et une meilleure transparence du fléchage des dépenses publiques dans le budget 2024. Des progrès ont été réalisés en termes de collecte fiscale et de gestion des risques budgétaires, en lien avec le programme FMI en cours.

Une nouvelle loi créant un Fonds souverain a été approuvée par le Parlement, dans le but de renforcer la gestion des entreprises publiques et d'attirer les investissements privés. Une nouvelle loi sur les processus d’AO publics, pleinement alignée sur l'Acquis de l'UE, devrait être soumise au parlement d’ici fin 2024.

La toute première notation de crédit souveraine du Kosovo, par Fitch Ratings en avril 2024 (BB- avec perspective stable), est un développement positif qui pourrait aider à attirer de nouveaux investisseurs étrangers.

Enfin, des progrès sont à souligner dans le secteur de la transition énergétique : adoption d’une stratégie nationale, d’un Plan National Energie Climat, d’une loi sur les ENR ; création d’une agence pour l’efficacité énergétique et lancements d’enchères dans le solaire et l’éolien.



[1] Avec 46 % de la population totale en dehors des frontières, une large part du modèle économique kosovar est fondé sur les activités de la diaspora (rémittences, tourisme, indemnisations des migrants saisonniers, IDE relatifs aux achats immobiliers) qui, selon le FMI, ont représenté en moyenne 37,5 % du PIB en 2018/2019 et ont atteint 43 % du PIB en 2021.

[2] Hausse des prix internationaux de l'énergie et des denrées alimentaires de 20% par rapport au scénario de référence.

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