OUZBÉKISTAN
Situation macro-économique et financière de l’Ouzbékistan (9 mois 2025)
L’Ouzbékistan, deuxième économie et pays le plus peuplé d’Asie centrale (PIB nominal estimé à 115 Md USD et 37 M d’habitants en 2024) connaît une croissance vigoureuse, portée à la fois par les réformes structurelles ayant accompagné l’ouverture économique accélérée depuis 2017 et des flux de capitaux en accélération depuis 2022 (transferts de fonds depuis la Russie, IDE). Si elle dispose d’avantages non négligeables (diversité sectorielle, taille du marché, réserves élevées et niveau de dette soutenable), l’économie ouzbèke fait également face à certains défis d’ampleur qui devront être relevés pour pérenniser la croissance dans la durée. Ces derniers comprennent en particulier la réforme du secteur de l’énergie, enjeu crucial à la fois pour satisfaire une demande en hausse et pour consolider les finances publiques ; l’amélioration des conditions de financement pour le secteur privé ; la création d'emplois pour une population jeune (près de la moitié a moins de 30 ans) ; et la réduction de l’économie informelle et du poids des entreprises publiques.
1. Une croissance vigoureuse, soutenue par des flux financiers en augmentation
L’économie ouzbèke a vu sa croissance accélérer à +6,5% en 2024, dépassant à la fois le résultat de l’année passée (+6,3%) et les prévisions du FMI d’octobre dernier (+5,6%). Cette croissance s’est appuyée sur une base sectorielle large et s’est poursuivie au 3e trimestre 2025, avec une progression de l’activité sur janvier-septembre estimée à +7,6% en glissement annuel (g.a.) soutenue par les services, l’industrie, le transport, stockage et les TIC ainsi que le commerce et services d’hôtellerie et la construction.
L’activité a été stimulée par des flux de capitaux significatifs, soutenant à la fois la consommation et l’investissement. Selon les chiffres communiqués par la Banque centrale d’Ouzbékistan (BCO), les envois de fonds depuis l’étranger (principalement la Russie) ont atteint 14,8 Md USD ou 13,1% du PIB en 2024, soit une hausse de 30% en g.a., qui s’est confirmée sur les 9 mois de 2025 (+24% en g.a. à 13,9 Md USD). Ces flux ont soutenu les revenus réels des ménages et les dépenses de consommation finale de ces derniers. Une dynamique similaire est observable au niveau des investissements, notamment directs étrangers, dont les flux entrants auraient progressé de 32% en 2024 à 2,8 Md USD, portant le stock total à 18,6 Md USD (13,5% du PIB).
La croissance devrait rester forte en 2025 et au-delà, mais s’insère dans un environnement extérieur instable. Elle atteindrait 6,8% selon le FMI (puis 6% en 2026 et 5,7% en 2030), soit un rythme soutenu sur fond de maîtrise relative de l’inflation, grâce à la politique monétaire en vigueur et à la stabilisation du taux de change. Les risques qui persistent sont essentiellement inflationnistes, du fait d’une conjoncture extérieure moins favorable (tensions commerciales, durcissement de la politique migratoire en Russie, variation des cours des matières premières) et du renchérissement des services.
2. Des conditions monétaires toujours restrictives face à la persistance de l’inflation
L’inflation s’est constamment maintenue au-dessus du niveau cible (5%) au cours des dernières années et atteignait 7,8% en glissement annuel en octobre 2025. Depuis 2022, l’Ouzbékistan a connu deux poussées d’inflation successives, la première (de mars 2022 à mai 2023, pic à 12,3%) étant la conséquence directe de l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui s’est répercuté sur les prix des matières premières et des biens alimentaires ; la deuxième (mai-juin 2024, pic à 10,6%) correspond à la libéralisation des prix de l’énergie, mesure recommandée de longue date par les institutions financières internationales pour limiter les pertes dans le secteur de l’énergie.
Dans ce contexte, la BCO maintient des taux d’intérêts réels élevés. Malgré un ralentissement de l’inflation ces derniers mois lié à l’effet de base, le taux directeur a été relevé à 14% en mars 2025 (50 points de base) et maintenu à ce niveau depuis compte tenu du dynamisme de la demande et des effets de second tour associés à la hausse des prix de l’énergie. Les anticipations d’inflation jusqu’alors élevées semblent toutefois diminuer (10,3% en octobre 2025). L’inflation est attendue à 8,5% fin 2025 par le FMI, mais ne reviendrait à la cible qu’en 2027.
Le système bancaire reste majoritairement contrôlé par l’État (65% des actifs totaux au 1er octobre 2025), en dépit d’un objectif – non tenu – de privatisation progressive de 60% du secteur en 2025. Selon le FMI, cette situation contribue à grever les performances du système financier à plusieurs niveaux : les banques publiques ouzbèkes présentent des niveaux de liquidité et de rentabilité inférieurs à leurs concurrentes privées, et les stress-tests du FMI ont démontré leur vulnérabilité accrue à une dégradation de la conjoncture macroéconomique ; leur recapitalisation à échéances régulières représente un coût considérable pour l’État (5,8 Md USD entre 2017 et 2023, soit 5% du PIB) ; leur forte spécialisation sectorielle (banque de « mission »), qui repose sur la distribution de crédits à taux subventionnés, participe à une distorsion des conditions de marché réduisant l’efficacité de la transmission de la politique monétaire. Au total, le taux d’intérêt moyen pratiqué sur les prêts libellés en devise nationale s’établissait à 23,7% en août 2025.
3. Des déficits en baisse, mais une inquiétude budgétaire liée au recours massif aux PPP
Le déficit courant s’est amoindri en 2024, à -5% du PIB (5,7 Md USD) grâce aux transferts de fonds. Cette amélioration (vs. -7,6% en 2023) tient principalement à la hausse de 20% de l’excédent net des revenus (primaires et secondaires) qui ont atteint 11,7 Md USD, et à une légère résorption du déficit commercial liée à la contraction des importations (-3,8%). Au 2e trimestre 2025, le compte courant possédait un léger excédent de 265 M USD, contre un déficit de 804,5 M USD l’année passée, ainsi résorbé en glissement annuel. Sur janvier-septembre 2025, le déficit commercial s’est élevé à 6 427 M USD (4,7% du PIB) contre 8 626 M USD sur la même période de 2024, grâce à une progression plus rapide des exportations en valeur (+33,3%), et s’établirait à 5% du PIB au terme de l’année. Les réserves de change atteignaient le niveau confortable de 55 Md USD début octobre 2025, soit environ 14,4 mois d’importations, et ont enregistré une croissance de 33,7% en g.a. portée par la hausse du cours de l’or (80% des réserves de change).
Le déficit public est ressorti à 3,2% du PIB en 2024, un résultat meilleur que celui attendu par les autorités (4%). Après une année 2023 marquée par un dérapage budgétaire (déficit de 5,5% du PIB), l’exercice 2024 a été maîtrisé à la faveur de la baisse des subventions énergétiques et d’un meilleur ciblage des dépenses sociales. Les autorités ouzbèkes se sont engagées à respecter un plafond de déficit annuel de 3% dans les années à venir, dont le FMI estime qu’il nécessitera un élargissement de la base fiscale.
Si la dette apparaît maîtrisée, la multiplication des PPP fait peser un risque budgétaire croissant. La dette publique s’élevait à 32.3% du PIB fin septembre 2025 avec un niveau de risque jugé faible (FMI) et de bonnes évaluations par les agences de notation (ex : S&P qui améliorer la note de BB- à BB le 21 novembre 2025). L’accumulation des PPP est néanmoins identifiée comme une vulnérabilité qui progresse rapidement (+8 points de PIB pour la seule année 2024, supérieur aux autres pays comparables), avec une valeur cumulée signée équivalente à 27% du PIB entre 2018 et 2024 – à 93% dans le secteur de l’énergie – et un coût potentiel pour l’État (direct et indirect) estimé à 15% du PIB (et 34% d’ici 2026).
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