La situation économique et financière de l’Ouzbékistan

Pays le plus peuplé d’Asie centrale avec une population de l’ordre de 36 millions d’habitants, l’Ouzbékistan est la deuxième économie de la zone avec un PIB d’environ 80 Mds USD en 2022, soit un PIB par habitant de près de 2 255 USD. L’économie ouzbèke a confirmé sa résilience en 2022 avec une croissance du PIB de 5,7% après 7,4% en 2021. Les réformes structurelles se poursuivent avec des résultats inégaux selon les secteurs.

1. Une forte résilience de l'économie ouzbèke en 2022.

Le PIB de l’Ouzbékistan a augmenté de 5,7% en g.a. en 2022, dépassant ainsi les 80 Mds USD. Pour mémoire, les vecteurs de croissance du pays sont relativement diversifiés : outre des matières premières – or, cuivre, gaz, coton – l’Ouzbékistan dispose de quelques points forts dans l’industrie (pétro- et gazochimie, textile, automobile), l’agriculture (engrais, fruits et légumes) et le tourisme (le pays dispose de sites culturels exceptionnels comme la ville de Samarcande). La performance de l’économie ouzbèke s’est avérée meilleure qu’attendu par les institutions financières et les agences de notation, principalement grâce au haut niveau des transferts de fonds et à la hausse des exportations qui ont permis d’absorber le choc initial causé par la guerre en Ukraine. La forte appréciation du rouble russe par rapport au dollar américain a gonflé les flux financiers provenant de Russie qui se sont établis à 14,5 Mds USD en 2022 (18,5 % du PIB). Le commerce extérieur a également soutenu l’activité avec une hausse des exportations en valeur de 15,9% à 19,3 Mds USD.

D’après le gouvernement ouzbek, la croissance du PIB pourrait ralentir légèrement à 5,3% en 2023 et 5,6% 2024 en raison d’une probable stagnation des transferts de fonds et de la demande globale. A cela s’ajoute un mauvais début d’année 2023 à cause de la crise énergétique ayant paralysé le pays en janvier (baisse de la production industrielle de 9,9% en janvier et de 3,9% en février en glissement annuel).

La poussée inflationniste provoquée par le déclenchement de la guerre en Ukraine a été jugulée pour se stabiliser à 12,3% fin 2022. Cette maîtrise de l’inflation s’explique en partie par un affaiblissement temporaire du soum début mars 2022 avant une réaction appropriée de la banque centrale (CBU) qui a rehaussé son taux directeur à 17% le 18 mars. La CBU n’est pas intervenue sur le marché des changes en dehors de ses opérations habituelles de stérilisation liées aux achats d’or extrait localement. Le taux directeur est actuellement fixé à 14% depuis mars 2023. Une décélération de l’inflation à 9,5% est prévue en 2023, et oscillerait entre 9 et 11 % selon les sources. Le niveau d’incertitude reste cependant élevé en raison des turbulences sur les marchés mondiaux de l’énergie et des biens alimentaires. La baisse de la TVA de 15% à 12% en 2023 et la suppression des droits de douane pour certains produits alimentaires pourraient ralentir l’inflation… ou augmenter les marges des distributeurs.

Le niveau des réserves internationales demeure élevé à 35,7 Mds USD au 1er janvier 2023, soit 45,7% du PIB et l’équivalent de 14 mois d’importations.

2. Une consolidation attendue des comptes publics et externes.  

Grâce aux transferts records, le compte courant a fini l’année 2022 proche de l’équilibre, avec un déficit limité à 673,6 M USD (0,8% du PIB de 2022). Fitch estime que le déficit devrait par la suite se stabiliser autour de 4,4% du PIB en 2023-2024 (contre 7% en 2021), niveau souhaitable à moyen terme par le FMI et en accord avec les fondamentaux macroéconomiques du pays, estimé à 3,75 – 5,75% du PIB.

Le déficit public se serait résorbé en 2022 à 4% du PIB, soit plus que l’objectif initial de 3% mais moins que le 6% atteint au terme du précédent exercice budgétaire. La période 2020-2021 avait été marquée par des mesures de soutien contracycliques de soutien aux ménages et aux entreprises, dont le coût total avait été évalué à 5% du PIB 2020 par le FMI. Ces mesures se sont poursuivies au 1er semestre 2022 avec notamment une revalorisation en février des retraites et salaires dans le secteur public (+12%).

La dette publique a poursuivi sa progression mais présente un faible facteur de risque. Au 1er janvier 2023, la dette publique ouzbèke s’est établie à 29,2 Mds USD (36,2% du PIB). Elle est constituée à 89% de dette extérieure (26,1 Mds USD). Elle avait connu une augmentation rapide au cours des années précédentes, passant de 18,6% du PIB en 2017 à 39% en 2020. Cette augmentation devrait être limitée dans les prochaines années alors que les autorités ont introduit dans la loi un plafond de dette publique à 60% du PIB. La dette extérieure totale atteindrait 61,2% du PIB en 2022 (49 Mds USD) selon les estimations du FMI.

Malgré cette tendance à la hausse, le risque demeure faible car la dette de l’Etat ouzbek reste « saine ». Elle est en effet dominée par les prêts des institutions financières internationales (maturités longues, niveaux de concessionnalité élevés), à hauteur de 11,3 Mds USD (48,7% de la dette totale 2021).

3. Une mise en oeuvre inégale des réformes structurelles.  

Le secteur bancaire affiche des indicateurs solides et est peu exposé au secteur bancaire russe. Le taux de créances douteuses (NPL) a poursuivi sa diminution pour atteindre 3,6% des emprunts au 1er janvier 2023 (contre 5,2% au 1er janvier 2022). Les dépôts des particuliers ont continué à augmenter à un rythme supérieur (+69,2% en g.a. en valeur nominale, 7% du PIB) à celui des crédits à l’économie réelle (+19,5% en g.a., soit 43,9% du PIB). Les actifs totaux du secteur bancaire ont également progressé à 62,7% du PIB (+25%).

La privatisation du secteur bancaire demeure balbutiante. 12 des 33 banques ouzbèkes sont toujours détenues par l’État et totalisent 78% des actifs du secteur bancaire fin 2022. La stratégie de réforme du secteur bancaire adoptée en mai 2020 vise à réduire cette part à 40% d’ici à 2025. Un décret publié en mars dernier prévoit la cession par l’État de trois banques d’ici à la fin de l’année et cinq autres en 2023 (dont SQB, 2e banque du pays par les actifs), mais cet objectif reste irréaliste en l’état. L’étatisation du secteur bancaire limite l’accès du secteur privé au crédit et contribue à un faible niveau d’intermédiation financière, réduisant la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle.

Les réformes se poursuivent, mais moins vite qu’avant la pandémie et avec des résultats inégaux selon les secteurs. Quelques avancées notables ont eu lieu en matière de lutte contre la corruption et de respect de l’État de droit. Par exemple, la commande publique en Ouzbékistan est désormais centralisée et doublée d’une obligation de divulgation des propriétaires réels des entreprises. L’adaptation des prix aux règles de marché demeure cependant disparate. Si la libéralisation des prix du blé et du coton s’est poursuivie, les prix sur le marché de l’énergie restent inférieurs à leur coût de revient. Les tarifs pour les particuliers n’augmenteront pas en 2023.

Le bilan des premières privatisations paraît mitigé : les actifs mis à la vente sont rachetés par un nombre limité d’acquéreurs comme des groupes proches du pouvoir, voire des sociétés russes. Si cette tendance se prolonge à long terme, cela pourrait entraîner une oligarchisation de l’économie.

Enfin, sur le plan géopolitique, malgré le maintien d’un dialogue régulier avec les Talibans, les relations avec l’Afghanistan tendent à se détériorer, avec des crispations concernant les livraisons d’électricité, la gestion de la liaison ferroviaire Termez-Mazar-e-Sharif, et la construction du canal de Qosh Tepa. Au nord, un projet d’union gazière proposé en novembre 2022 par Gazprom incluant la Russie, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan a suscité de vives réactions et s’est depuis mué en « feuille de route ». Celle-ci a conduit à un accord en juin 2023 par lequel l’Ouzbékistan achètera du gaz russe et/ou facilitera son exportation vers la Chine via les gazoducs passant sur son territoire.  

 

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