ÉTATS-UNIS
Situation économique aux États-Unis - novembre 2025
L’économie américaine a ralenti au 1er semestre 2025 dans un contexte d’incertitudes élevées. Après s’être contracté de -0,2 % au 1er trimestre 2025, le PIB des États-Unis a rebondi avec une croissance de +0,9 % au 2ème trimestre 2025. Ces mouvements s’expliquent notamment par le solde extérieur (contribution de -1,2 pt au 1er trimestre et de +1,1 pt au 2e), partiellement compensé par les variations des stocks (+0,6 pt au T1 et -0,9 pt au T2). Malgré un ralentissement visible, la demande intérieure hors stock reste dynamique au 2e trimestre.
L’inflation poursuit sa hausse à un niveau supérieur à sa cible et pourrait encore s’accentuer sous l’effet des droits de douane dont l’ampleur reste incertaine. Après avoir baissé au cours du 1er trimestre 2025 (en glissement annuel, +3,0 % en janvier à +2,3 % en avril), l’inflation au sens de l’IPC repart à la hausse (+3,0 % en septembre, et +3,0 % pour sa composante sous-jacente), signalant la matérialisation des premiers effets de la politique commerciale de l’administration. Selon J. Powell, les effets des droits de douane sur les prix à la consommation sont « maintenant clairement visibles », et pourraient « s’accumuler » au cours des prochains mois. À ce stade, si cet effet reste contenu, il s’explique par une conjonction de facteurs en partie temporaires, notamment l’utilisation des stocks accumulés avant leur entrée en vigueur et la montée progressive du taux d’imposition moyen sur les importations qui n’a pas encore atteint son maximum.
Malgré un taux de chômage relativement stable (4,3 % en août* après 4,2 % en juillet), le marché du travail est en net ralentissement. Les créations d’emploi ont été nettement en-deçà des attentes en juillet (+79 000) et en août (+22 000), soit des niveaux proches du taux de création d’emplois d’équilibre. Des révisions massives à la baisse ont été réalisées sur la période d’avril 2024 à mars 2025 (-911 000). Pour le deuxième mois d’affilée, le nombre de chômeurs a dépassé le nombre d’emplois disponibles, alors que ce phénomène n’était plus arrivé depuis février 2021. Toutefois, l’offre et la demande de travail diminuent de concert, permettant de stabiliser le taux de chômage aux alentours de 4,1 % depuis juin 2024. La baisse de l’offre de main d’œuvre serait liée au durcissement de la politique migratoire et celle de la demande à la prudence accrue des entreprises.
Dans ce contexte, et alors qu’elle avait gardé ses taux inchangés depuis début 2025 après les avoir baissés de -100 points de base (pb) au cours de 2024, la Fed a annoncé successivement deux baisses de 25 pb lors la réunion du 16 et 17 septembre et lors de celle des 28 et 29 octobre à [3,75 % - 4,00 %]. Si la Fed se trouve prise entre les deux objectifs de son mandat, les responsables de la Fed ont estimé que l’évolution de l’équilibre des risques en défaveur du marché du travail conduit à un ajustement de la politique monétaire qui demeure en territoire restrictif. Pour autant, le risque d’une accélération de l’inflation reste persistant. À la date du 14 novembre, les anticipations des marchés, selon le CME FedWatch, sont partagées entre une nouvelle baisse de 25 pb d’ici la fin de l’année et un maintien au niveau actuel.
Le One Big Beautiful Act (OBBA), promulgué le 4 juillet, comprend un grand ensemble de mesures fiscales et sociales avec un coût budgétaire massif (évalué au total à 3 400 Md$ sur 10 ans par le CBO). Ces mesures visent à baisser les impôts des ménages et des entreprises, supprimer les dispositifs en faveur du climat et durcir les conditions d’accès aux aides sociales. Le texte prévoit la reconduction des dispositions du Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) arrivant à échéance d’ici la fin de l’année, comportant d’importantes baisses d’impôts pour les ménages (-3 852 Md$) et les entreprises (-772 Md$) auxquelles s’ajoutent de nouvelles exonérations fiscales sur les ménages (-417 Md$) et sur les entreprises (-285 Md$). Enfin, l’OBBA comprend une augmentation des dépenses dans les services armés (-150 Md$) et la sécurité intérieure (-129 Md$). Parmi les mesures d’économies, une grande partie portent sur les aides sociales (+1074 Md$), notamment le dispositif Medicaid, ainsi que les missions éducation, travail et retraite (+278 Md$). Surtout, l’OBBA acte la suppression progressive des dispositifs environnementaux de l’Inflation Reduction Act (IRA) (+ 543 Md$) et marque ainsi une rupture avec les orientations climatiques et industrielles de la précédente administration. L’OBBA réduit notablement les aides au solaire et à l’éolien, renforce les restrictions de contenu national, et limite l’accès des crédits aux « entités étrangères préoccupantes » (FEOCs).
Après 43 jours, le Congrès a mis fin au plus long shutdown budgétaire de l’histoire américaine, 8 sénateurs démocrates ayant finalement voté la proposition des Républicains. Lors d’un vote le 12 novembre au soir, la Chambre des Représentants a adopté (222-209) un projet de résolution budgétaire préalablement voté par le Sénat le 10 novembre (60-40). Le paquet législatif adopté par le Congrès prévoit notamment la réintégration des 4 100 employés fédéraux licenciés durant le shutdown et le versement rétroactif des salaires pour les agents mis en congés forcés ou contraints de travailler sans rémunération durant le shutdown et l’interdiction de procéder à de nouveaux licenciements jusqu’à l’expiration de la CR. L’impact économique de ce shutdown pourrait atteindre 2 points de pourcentage du PIB réel annualisé au quatrième trimestre 2025, qui ne serait que partiellement recouvrée au premier trimestre 2026 selon le Congressional Budget Office. Faute de collecte par les agences fédérales (notamment le Bureau of Labor Statistics et le Bureau of Economic Analysis), la publication de données statistiques officielles pour le mois d’octobre parait fortement compromise, comme la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt l’a indiqué pour les données d’inflation et le rapport sur l’emploi du mois d’octobre.
* En raison du shutdown budgétaire aux États-Unis, les données officielles sur l’emploi du mois de septembre (dont la publication était prévue le 3 octobre) sont indisponibles. Le modèle de nowcasting de la Fed de Chicago anticipe pour le mois de septembre un taux de chômage compris entre 4,3 % et 4,4 %.