Conjoncture économique aux Etats-Unis - septembre 2022

  1. L’économie américaine a ralenti au 1er semestre 2022 après un rebond marqué depuis le 3ème trimestre 2020 qui a permis d’effacer la perte liée à la crise sanitaire dès le 2ème trimestre 2021. La croissance du PIB a alors atteint 5,7 % en 2021, après -3,4 % en 2020, tirée par une consommation dynamique et l’investissement privé. En 2022, le PIB s’est contracté de -0,4 % au 1er trimestre et de -0,1 % au 2ème trimestre en raison du ralentissement de la demande. Malgré ce recul, au 2ème trimestre, le PIB américain se trouve +2,6 % au-dessus de son niveau d’avant crise (4ème trimestre 2019).
  2. Les mesures de soutien budgétaire et monétaire de très grande ampleur depuis les débuts de la crise du Covid ont permis de favoriser une reprise rapide de l’activité, mais au prix de fortes tensions dans l’économie – inflation et marché du travail. Les mesures budgétaires d’aide aux ménages et aux entreprises se sont élevées à près de 25 % du PIB, à travers (i) le renforcement des mécanismes de protection sociale, (ii) des prêts garantis aux petites entreprises, (iii) un soutien financier aux collectivités infra-fédérales, ainsi que (iv) des mesures de soutien aux ménages (soutien monétaire direct, extension de l’assurance chômage, etc.). Par ailleurs, la politique monétaire très accommodante de la Réserve fédérale (Fed) a permis d’assurer la stabilité du système financier. Dans ce contexte, l’inflation s’est élevée à 8,3 % sur douze mois glissants en août 2022 et sa composante sous-jacente (hors alimentation et énergie) à 6,3 % tirée par l’accélération des prix du logement, des transports hors essence et de la santé. Sur le marché du travail, le taux de chômage a reculé à son niveau pré-crise de 3 ½ % dès la fin du 1er semestre (en baisse continue depuis son pic à 14,8 % en avril 2020) mais ce dynamisme est entravé par la pénurie de main d’œuvre avec un taux de participation en-deçà de son niveau pré-crise (62,4 % en août, -1 point par rapport à février 2020), et deux postes vacants par chômeur.
  3. Après un soutien massif durant la période Covid, les politiques publiques ont amorcé une normalisation en 2022, d’une politique de soutien à la demande à une politique plus centrée sur l’offre avec d’importants recours à des financements publics. Au plan budgétaire, l’administration Biden avance des dépenses d’investissement à long terme, notamment dans les infrastructures, la transition énergétique et la compétitivité de l’industrie américaine) tout en réduisant le déficit. En effet, le Congrès a voté de façon bipartisane un plan d’investissement dans les infrastructures de 1 200 Md$ sur 10 ans (Infrastructure Investment and Jobs Act, promulgué en novembre 2021), principalement dans les transports et équipements ainsi que la loi visant à renforcer la compétitivité de l’industrie américaine (CHIPS and Science Act, promulgué le 9 août 2022), comprenant notamment des aides aux industries des semi-conducteurs (52 Md$) et des investissements dans la R&D publique. Par ailleurs, le Congrès a adopté l’Inflation Reduction Act (environ 700 Md$ de recettes et 400 Md$ de dépenses) qui vise à réduire les dépenses des ménages (santé et énergie), augmenter la fiscalité des grandes entreprises (impôt minimum à 15 % et 1 % des rachats d’actions) et renforcer la sécurité énergétique et la transition écologique. Enfin, est en examen au Congrès le budget pour l’année fiscale 2023 axé sur la réduction du déficit, la sécurité et les investissements pour l’avenir. Quant à la politique monétaire, la Fed a accéléré sa normalisation : après avoir mis fin aux achats d’actifs (quantitative easing) en mars 2022, elle a relevé les taux directeurs (federal funds rate) de 25 points de base (pb) en mars, de 50 pb en mai et de 75 pb en juin, juillet et septembre, portant la fourchette-cible à [3,0 % ‒ 3,25 %] et a entamé la réduction de son bilan avec un rythme mensuel de 47,5 Md$ de juin à août, puis de 95 Md$ à partir de septembre.
  4. La trajectoire économique en 2022, marquée par des tensions inflationnistes persistantes, des tensions géopolitiques et l’évolution des goulets d’étranglement dans les chaînes logistiques, dépend de la capacité des autorités monétaire et budgétaire à assurer un atterrissage sans heurts. Les contraintes pesant sur l’offre, notamment les difficultés d’approvisionnement et de recrutement sur le marché du travail, limitent la reprise de l’activité et créent un déséquilibre entre l’offre et la demande, lequel alimente la hausse des prix, exacerbée par la guerre en Ukraine. Malgré la détermination de la Fed à contenir l’inflation à l’aide d’un resserrement de sa politique monétaire au cours de 2022, sa capacité à atteindre cet objectif avec un impact limité sur l’activité économique n’est pas garantie. Sur le plan politique, les élections de mi-mandat (midterms) de novembre 2022, s’inscrivent dans un contexte économique compliqué pour l’administration Biden, marqué par l’inflation et en particulier la menace d’une envolée des prix à la pompe, et conditionnent la capacité de l’administration Biden à poursuivre son programme économique.
  5. Les projections de la Fed de septembre 2022 tablent sur une inflation de 5,4 % fin 2022 et 2,8 % fin 2023 (+0,2 point par rapport à la projection de juin pour 2022 et 2023), et révisent fortement à la baisse la croissance (révision de -1,5 point fin 2022 et -0,5 point fin 2023). Au-delà de la persistance de l’inflation, ces projections sont soumises à de nombreux aléa exogènes, dont les tensions persistantes sur les chaînes d’approvisionnement et sur le marché du travail, la guerre en Ukraine et l’évolution de la pandémie.
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