Situation économique et financière de l'Ukraine

Après une crise profonde en 2014 et 2015 l’Ukraine a connu quatre années de croissance entre 2016 et 2019 avant d’être touchée par la crise de la Covid-19. Malgré une certaine résilience, le PIB ukrainien accuserait en 2020 un recul de 7,2% selon le FMI.

I. La crise de la Covid marque l’arrêt d’une phase de croissance démarrée en 2016
  • Depuis 2016, l’Ukraine a connu une croissance soutenue mais insuffisante pour permettre une convergence économique. La croissance ukrainienne a atteint 3,2% en 2019, marquant une quatrième année consécutive de progression du PIB , après +2,4% en 2016, +2,5% en 2017 et +3,3% en 2018. Le PIB de 2019 demeure toutefois en deçà de son niveau de 2013 et les taux de croissance enregistrés ont été trop faibles pour permettre au pays d’enclencher une dynamique de rattrapage.
  • En 2019, comme au cours des trois années précédentes, la croissance a été essentiellement tirée par la consommation, avec des ventes de détail en hausse de 10,5%, et l’investissement en hausse de 15,5%. L’investissement rapporté au PIB reste cependant structurellement faible et proche de 15% en 2019, en retrait par rapport à la moyenne des pays de la zone CEI ou des pays émergents. Ce faible taux d’investissement s’explique notamment par le taux élevé de prêts non-performants, la faiblesse de l’épargne domestique, le manque d’attractivité du pays pour l’épargne internationale et une politique monétaire très restrictive jusqu’à mars 2020. En outre, l’embellie de la consommation observée en 2019 n’a pas permis de stimuler la production industrielle qui a enregistré une baisse de 1,8% en g.a. 
  • L’Ukraine a été sévèrement touchée par la crise de la Covid, aux plans sanitaire et économique. A la fin de décembre 2020, près d’un million de cas de Covid-19 ont été détectés et près de 13 000 décès étaient liés à la pandémie en Ukraine (décompte probablement incomplet). Dans le cadre de la lutte contre la diffusion du virus, les autorités ont mis en œuvre différentes mesures de distanciation sociale. Conséquence des mesures et de la dégradation des perspectives économiques, l’investissement, point faible de l’économie ukrainienne, a reculé de 35,4% en janvier-septembre 2020 en g.a. Dans ce contexte, la production industrielle, qui était déjà en territoire négatif avant le début de la crise, s’est contractée de 6,8% en janvier-octobre 2020 en g.a. 
  • Avec un recul de 7,2% prévu par le FMI ou de 6% selon la Banque centrale en 2020, le PIB ukrainien pourrait connaitre sa plus forte baisse depuis 2015 (année où l’activité avait reculé de 9,8%). Le PIB ukrainien a ainsi reculé de 1,3% au 1er trimestre, de 11,4% au 2ème trimestre en  et de 3,5% au 3ème trimestre en g.a. Selon le FMI, la reprise en 2021 serait de 3%.
  • La consommation, qui reste solide, permet toutefois de limiter les effets de la crise avec des ventes de détail en hausse de 7,6% sur janvier-octobre 2020 en g.a., sur fond de hausse des salaires réels de 10,6% en septembre en g.a., alors que la progression du taux de chômage restait limitée à 9,9% au 2ème trimestre (contre 7,8% un an plus tôt). Autre facteur de résilience, l’importance du secteur agricole (9% du PIB en 2019) permet de limiter le recul du PIB ukrainien grâce notamment aux cours céréaliers orientés à la hausse.
  • Des mesures de soutien à l’économie ont été mises en place à partir de mars 2020 avec notamment : des exemptions d’impôts temporaires pour les entreprises, des suspensions de pénalités liées au non-paiement d’impôts, un programme de crédits à taux avantageux pour les entreprises, une suspension de loyer totale ou partielle pour les locataires de propriété d’Etat. Un plan de relance comportant 230 mesures dont l’application devrait s’étaler de 2020 à 2022 a été annoncé fin mai 2020 mais, faute de visibilité sur son application concrète, ses effets sont pour le moment difficiles à évaluer.
  • Disposant de marges de manœuvre, en réponse à la crise, la Banque nationale d’Ukraine (NBU) a très fortement réduit son taux directeur (de 500 points de base) entre mars et septembre 2020. Il s’établit actuellement à 6%. L’inflation reste toutefois faible pour le moment, à 2,6% en octobre 2020 en g.a. Pour mémoire, l’Ukraine a connu une forte baisse de l’inflation au cours des dernières années.
  • Face à la crise, la NBU a également temporairement assoupli son cadre prudentiel en reportant certaines échéances fixées aux banques en matière de régulation. Par ailleurs, pour éviter une crise de liquidité, la NBU a réduit temporairement le ratio de liquidité à court terme (liquidity coverage ratio) et a annoncé pouvoir fournir de la liquidité aux banques de façon ponctuelle. En complément, la Banque centrale a également mis en place des prêts à long terme (de maturité maximum 5 ans) à destination des banques. Par ailleurs, la Rada a approuvé une réduction du minimum légal de fonds propres des banques devant être atteint en 2024.
  • La Banque centrale a enfin été active sur le marché des changes, intervenant certains mois pour soutenir la hryvnia. La devise ukrainienne s’est dépréciée de près de 15% par rapport au dollar depuis le début de l’année au 18 décembre 2020. Les réserves de change de la Banque centrale s’élevaient à 26,1 Mds USD au 1er décembre 2020, en hausse de 19,2% en g.a. et couvrent actuellement plus de 4 mois d’importations.
II. L’économie demeure très vulnérable au plan externe
  • Dans un contexte de crise et d’augmentation des dépenses prévues dans le cadre d’un plan de relance, le déficit public devrait atteindre 7,5% du PIB en 2020 selon le FMI ou 6% en 2020 selon le Ministère des Finances ukrainien, contre 2% du PIB en 2019 selon le FMI. De la même manière, la dette publique, qui avait diminué pour atteindre près de 50% du PIB en 2019, va repartir à la hausse en 2020 pour atteindre environ 65% du PIB selon le FMI. Pour 2021, la Rada a adopté un projet de budget, prévoyant un déficit budgétaire d’environ 8,5 Mds USD soit 5,5% du PIB. 
  • La dette pèse fortement sur les finances publiques ukrainiennes. Le service de la dette – externe et domestique – devrait atteindre environ 18,3 Mds USD en 2020 (environ 13% du PIB prévisionnel) dont 13,8 Mds USD de remboursement du principal, puis 15,7 Mds USD en 2021 (environ 10,5% du PIB prévisionnel), dont environ 11,1 Mds de remboursement du principal. L’Ukraine conserve un accès aux financements de marché et émet régulièrement des euro-obligations (dernière en date le 11 décembre 2020), le coût de ces financements est cependant élevé.
  • Le déficit de la balance des biens, qui atteignait 14 Mds USD en 2019 (environ 9% du PIB) devrait fortement se réduire en 2020, en raison de la contraction des importations (-16,4% en janvier-septembre 2020 en g.a.), consécutive notamment à la chute de l’investissement sur fond de baisse contenue des exportations (-5,8% en janvier-septembre 2020 en g.a.). De plus, l’excédent de la balance des services devrait fortement s’accroître du fait des moindres dépenses de voyage et de l'augmentation des exportations de services informatiques. En 2019, la dégradation du commerce extérieur avait été nettement compensée par la progression des transferts de fonds des travailleurs résidents à l’étranger (+7,3%) qui atteignaient près de 12 Mds USD sur l’ensemble de l’année (soit environ 8% du PIB). En 2020, ces transferts n’accuseraient qu’un recul modéré : sur janvier-octobre 2020 ils ont baissé de seulement 2,3% en g.a.  Au total, le solde des transactions courantes devrait être positif pour la première fois depuis 2015 et atteindre 6,1 Mds USD en 2020, soit 4,3% du PIB selon le FMI, contre un déficit de 4,2 Mds en 2019. Dans un scénario de reprise, le compte courant ukrainien devrait retourner en territoire négatif dès 2021.
  • Le retour du déficit du compte courant poserait à nouveau la question de son financement. Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) entrants n’ont atteint que 2,5 Mds USD en 2019 – 1,7% du PIB – alors qu’ils s’établissaient à 4,1 Mds USD en 2013 et le FMI prévoit des flux d’IDE entrants équivalents à 1,8% du PIB annuellement jusqu’en 2023. Conséquence de cette structure de financement, le pays a accumulé une importante dette externe globale, qui devrait atteindre 93% du PIB en 2020 selon le FMI.
III. Réformes structurelles et soutien des institutions financières internationales
  • L’Ukraine a besoin de profondes réformes de structure. En particulier, pour que les fragilités externes soient progressivement résorbées, des efforts soutenus d’amélioration du climat des affaires sont nécessaires pour stimuler les investissements productifs, domestiques et étrangers, qui en retour augmenteront les capacités productives locales et pérenniseront le financement des déséquilibres courants (s’agissant des IDE).
  • De la même manière, les travaux d’assainissement du système bancaire des dernières années doivent se poursuivre. Un travail important de viabilisation du secteur a été opéré notamment en 2016. Néanmoins, le taux de prêts non performants du secteur atteint actuellement 54%.
  • Une réforme agraire, évoquée depuis plusieurs années, a été engagée par l’actuelle Présidence suite au vote par la Rada d’une Loi foncière le 31 mars 2020, qui met notamment fin au moratoire sur la vente de terres agricoles. Cette loi devrait entrer en vigueur en 2021.
  • Par ailleurs, la situation démographique de l’Ukraine réduit également sa croissance potentielle. La population ukrainienne aurait diminué bien au-delà des chiffres officiels et serait désormais, selon certaines estimations, proches de 38 millions contre 42 millions selon les chiffres officiels.  
  • Les réformes sont fortement encouragées et soutenues financièrement par les Institutions financières internationales. Le 9 juin 2020, le Conseil d’administration du FMI a validé le lancement d’un programme Stand-By-Arrangement - SBA de 18 mois pour l’Ukraine d’un montant de 5 Mds USD. Une première tranche de 2,1 Mds a été décaissée en juin. A noter qu’à ce programme s’ajoute le soutien de la Banque mondiale et un programme d’assistance macro financière de l’Union européenne.
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