Agriculture & alimentation

 

1. La première agriculture du continent européen

L’Ukraine est  le plus grand pays agricole du continent européen par sa taille avec ses 41,5 Millions d’ha de SAU, mais aussi le deuxième réservoir de terres arables du continent. Avec 32,5 M d'ha, ces dernières représentent le double de la surface de terres arables de la France, dont 60 % de tchernoziom, ou « terres noires », un type de sol riche en humus et particulièrement fertiles. L’agriculture et l’agroalimentaire demeurent l'un des moteurs de l’économie ukrainienne, générant 15% de son PIB, employant 20% de la population active et représentant 40% des exportations du pays. Dans ce contexte, l’agriculture ukrainienne trouve des conditions favorables à son développement.

Les espaces ruraux de l’Ukraine abritent le tiers de la population ukrainienne. Les superficies des exploitations agricoles ukrainiennes sont les plus vastes d’Europe. Le paysage y est, toutefois, dominé par deux modèles très différents, les exploitations très grandes, voire gigantesques (>10 000 ha) côtoyant les très petites (<1 ha). Leur nombre, leur nature juridique et leur superficie sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Nombre de structures

Type de structure

Surfaces exploitées

160

agro-holdings

de 10 000 à 500 000 ha

3 000

entreprises agricoles patronale de grande ou très grande taille

de   1 000 à   10 000 ha

40 000

de      200 à     1 000 ha

5 000 000

micro-fermes d’autosubsistance

moins de 1 ha

Les agro-holdings sont des entreprises qui regroupent des exploitations issues de la privatisation des kolkhozes des années 90. Elles sont détenues par des personnes qui ne travaillent pas dans l’entreprise, dont l’objectif est d’abord la rentabilité financière des capitaux investis. Elles ont recours à des travailleurs salariés, à des équipements de grande dimension, très puissants et à forte valeur ajoutée technologique, ainsi qu’aux pesticides.

Certaines agro-holdings et  entreprises  agricoles, en raison de la quantité de produits chimiques auxquels elles recourent, appauvrissent la biodiversité et diminuent le taux de la matière organique des sols (avec notamment la séparation culture-élevage) et leur fertilité. Cependant, elles assurent l’essentiel de la production de céréales et d’oléagineux, et leur efficacité permet à l’Ukraine d’être compétitive sur les marchés extérieurs.

En outre, ayant pris le relai des municipalités, qui avaient initialement hérité des kolkhozes, les agro-holdings jouent  un  rôle  social  important, finançant la construction d’aires de jeux pour les enfants et la rénovation des écoles, participant au déneigement des routes l’hiver et à l’entretien des espaces publics. Cette action sociale permet aussi à ces grandes entreprises de s’assurer que les villageois continueront à leur louer leurs terres. Créer de l’emploi, y compris improductif, fait également partie de leurs responsabilités.

En parallèle subsistent les micro-exploitations individuelles de semi-subsistance, de quelques dizaines d’ares et dont le modèle repose sur le travail manuel et/ou la traction animale. Dans ces exploitations familiales, les propriétaires du capital d’exploitation (matériel, cheptel, stock circulant) assurent la majeure partie du travail. Leur objectif est de maximiser la valeur ajoutée créée sur la surface agricole dont ils disposent. Ces micro-exploitations constituent un réservoir de biodiversité, mais leur développement est freiné par la faiblesse des compétences et l’absence d’investissement en raison des difficultés d’accès au financement. Les exploitations familiales fournissent 60 % de la production agricole brute, principalement des fruits, des légumes et des produits animaux.

Entre ces deux extrêmes subsistent des exploitations fermières dirigées par des fermiers, qui disposent en moyenne d’une centaine d’hectares. Cette diversité du paysage agricole ukrainien pose la question de l’équilibre optimal entre les agro-holdings, gourmandes en capitaux et contribuant au dépeuplement progressif des campagnes, et les micro-fermes qui contribuent à limiter la désertification rurale et veillent à la préservation des ressources naturelles.

2. Une puissance agricole exportatrice au potentiel important

La production végétale représente 69% de la production agricole en Ukraine. Ses principales productions sont, en volume et par ordre décroissant, le maïs, le blé, la pomme de terre, le tournesol, la betterave (sucre et éthanol), l'orge, le colza, les tomates, le chou, la pomme, la citrouille, le concombre, la carotte, les pois séchés, le seigle, le sarrasin, la noix, le soja, l'oignon, le raisin, l'avoine, la pastèque et la cerise. La viticulture est présente dans le pays à travers la production de vins de Crimée. Le pays se positionne comme un fournisseur significatif de produits avicoles de l’UE : 3ème fournisseur (13 % de parts de marché en 2018) en viande de volailles et 1er fournisseur (51 % de parts de marché en 2018) pour les œufs et ovoproduits. Il possède un important cheptel bovin et porcin. Les Ukrainiens sont très attachés aux productions locales et de qualité. Ces produits constituent d’ailleurs un secteur à fort potentiel pour le pays, en premier lieu pour la consommation intérieure.

Les récoltes ukrainiennes témoignent d’une progression régulière. Aujourd’hui, le pays produit 80 Millions de tonnes (Mt) de céréales et d’oléagineux par an, dont 54 à 55 Mt sont exportées. Les rendements sont limités par le faible recours aux intrants et/ou à l’irrigation, et parfois par les pratiques culturales perfectibles. Malgré ces faiblesses, l’Ukraine a été le 6ème producteur mondial de blé et de maïs en 2020, avec des rendements moyens qui s’élevaient respectivement à 3,8t/ha sur 6,6 Millions d’ha et 5,2 t/ha sur 5,1 Millions d’ha, inférieurs au potentiel du pays, qui produit également 20 Mt de pommes de terre (4ème producteur mondial), 9,6 Mt de légumes et 2,1 Mt de fruits.

L’Ukraine développe rapidement ses capacités d’exportation de matières premières afin de consolider progressivement ses parts de marchés à l’international, notamment au Maghreb, au Proche-Orient et en Asie. Aujourd’hui, elle fait partie des principaux exportateurs mondiaux :

  • 1er exportateur d’huile de tournesol,
  • 2ème exportateur de colza,
  • 3ème exportateur de noix et de miel,
  • 4ème exportateur de maïs, d’orge et de sorgo,
  • 5ème exportateur de blé.

En 2019, l’Ukraine est devenue le deuxième plus gros fournisseur de produits bio du marché européen avec 324 000 mille tonnes. Elle y a notamment exporté : 77% des céréales (hors riz et blé), 32% du blé, 18% des cultures oléagineuses (à l’exception de soja), 13% du soja, 11% des fruits. L’Ukraine fait également partie des exportateurs les plus importants de tourteaux et de jus de fruit. Au cours des cinq premiers mois de l’année, le pays a exporté plus de 28.000 tonnes de miel bio (premier fournisseur, tous miels confondus).

Les institutions ukrainiennes souhaitent promouvoir les productions végétales, en particulier en développant l’irrigation, qui devient un problème majeur car 60 % des terres arables du pays sont classées en zone sèche. Le 2 octobre 2020, le ministre de l’Économie chargé de l’agriculture a déclaré : « l’irrigation a toujours été une question essentielle pour que l’Ukraine réalise son potentiel agricole. Le gouvernement en fait une priorité ». Entre septembre 2019 et mai 2020, le manque de précipitations, par rapport aux moyennes habituelles, s’est traduit par des récoltes amputées par rapport à 2019. 600.000 hectares seulement de terres arables bénéficient d’un système d’irrigation fonctionnel, contre 2,6 millions à l’époque soviétique. Cette absence  de  réseaux  d’irrigation  ou  la  mauvaise  qualité  de  ces  derniers  (notamment  dans  le  sud)  font  courir  des  risques importants aux cultures de printemps sensibles à la sécheresse (maïs entre autre), qui sont de plus en plus impactées par les effets du réchauffement climatique. Plusieurs projets d’investissement en infrastructures d’irrigation sur des centaines de milliers d’hectares, indispensables à la réalisation du potentiel agronomique du pays, sont à l’étude.

L’Ukraine suscite de plus en plus des craintes dans les filières agricoles européennes, en raison de sa taille, de sa localisation et de son potentiel, alors que ses avantages compétitifs sur les marchés internationaux sont déjà importants. Cependant, l’enjeu principal de ce pays est de développer sa valeur ajoutée via la transformation agroalimentaire, industrie nécessitant des investissements colossaux.

3. De réelles opportunités pour la filière agricole française

Le principal enjeu du ministère en charge de l’agriculture consiste à soutenir la modernisation de l’économie agricole. La loi sur la réforme foncière adoptée en avril 2020, qui va autoriser le 1er juillet 2021 les premières transactions de terrains agricoles, devrait contribuer à améliorer le climat des affaires et à lutter contre la corruption. L’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine constitue le cadre de mise en œuvre des réformes qui visent à aligner dispositions réglementaires en vigueur en Ukraine et normes communautaires.

Les enjeux agricoles et de sécurité sanitaire, ainsi que de protection des indications géographiques, apparaissent primordiaux. Dans ce contexte, le soutien des bailleurs de fonds internationaux est crucial pour accompagner les réformes et mettre en œuvre des actions concrètes de développement agricole. L’accord d’association UE-Ukraine offre, de ce point de vue, un cadre pour développer des partenariats. S’agissant de la simplification administrative, les textes réglementaires adoptés par l’Ukraine depuis janvier 2015 ont visé à réduire le nombre de certificats et autorisations exigés par l’administration pour produire et commercialiser des denrées agricoles.

Le secteur agricole et alimentaire résiste toujours aux crises économiques grâce à des efforts de modernisation réguliers réalisés par les investisseurs privés et rendus nécessaires par la nécessité d’améliorer la qualité des denrées alimentaires. Les exploitations agricoles ukrainiennes modernes dépendent beaucoup de l’importation d’intrants (semences, fertilisants et pesticides), de génétique et de machines. Ce contexte offre des opportunités pour les fournisseurs d’équipements et technologies agro-alimentaires, de matériels, de génétique et d’animaux reproducteurs. Les grandes marques de machines françaises sont représentées en Ukraine et souvent leaders dans leurs domaines.

Une quinzaine d’entreprises agroalimentaires et agricoles françaises sont présentes en Ukraine, plus particulièrement dans les domaines de la production, du négoce et de la transformation des céréales (Soufflet, Louis Dreyfus, Malteurop), de la transformation du lait (Danone, Lactalis, Savencia - Bongrain Zveniogorod, Bel), et de la production de semences végétales : Limagrain, MAS seeds (qui a ouvert récemment un centre de recherche à Borispil) et Euralis, groupes coopératifs ayant investi dans des unités de production.

Les services financiers (Crédit agricole, BNP-Paribas) et de conseil (Agritel, ODA) sont toujours sollicités. Quelques exploitations agricoles sont aussi dirigées par des investisseurs et experts français, essentiellement spécialisées dans les grandes cultures. Ce secteur d’activité agricole est suivi par le Comité agricole de la Chambre de commerce et d’industrie franco-ukrainienne, tandis que Business France offre aux exportateurs français des prestations de première approche du marché.

Publié le 18 janvier 2021

 

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