Bilan économique de Taïwan en 2021

La croissance économique a atteint 6,45%, en 2021, soit le double de celle de 2020 (3,11%). Elle a résulté principalement de l’investissement des entreprises et du commerce extérieur en raison de la forte demande externe adressée aux industries des TIC et des semi-conducteurs. La pandémie a, en effet, accéléré la digitalisation des économies (réseaux 5G, télétravail, VE…) et l’absence de mesure de confinement a permis de valoriser la compétitivité de Taïwan dans ces secteurs. Ce nouveau pic de croissance a néanmoins rappelé les fragilités structurelles de l’économie taïwanaise (dépendance à la croissance chinoise, hypertrophie de l’industrie des semi-conducteurs, contraintes hydrique et du nouveau mix énergétique, manque de talents…). La croissance devrait ralentir, en 2022, selon la DGBAS[1] (4,15%) et la banque centrale (4,03%).

I - La croissance a atteint 6,45% en 2021, son niveau le plus élevé depuis 2010 (10,25%)

L’investissement des entreprises a été le premier contributeur à la croissance du PIB  

L’investissement en FBCF a contribué à hauteur de 4,025 pb à la croissance du PIB. C’est particulièrement le cas dans l’industrie des composants électroniques où l’économie taïwanaise bénéficie d’une forte compétitivité, dans le transport maritime où Taïwan possède trois armateurs dans le Top10 mondial et dans le secteur de la construction. La consommation privée s’est contractée de 0,22% en raison notamment d’un pic de Covid-19 au T2. Pour 2022, la DGBAS estime que la croissance pourrait retomber à 4,15% et la CBC table sur 4,03% en raison du ralentissement anticipé de la croissance économique en Chine et dans une moindre mesure aux USA. Bien que plus élevé chez les jeunes, le taux de chômage reste faible (3,3%) et l’inflation contenue (2%) malgré la hausse des prix de l’énergie.

Le commerce extérieur a été le deuxième moteur de la croissance économique taïwanaise

L'excédent commercial a progressé de 10,7% pour atteindre un nouveau pic à 65,2 Md USD. Le commerce extérieur contribue positivement au PIB (+1,46 pb) grâce à la  hausse des exportations (+16,75%) et des importations (+18,49%). Selon les statistiques du ministère des Finances, les exportations atteignent 446,4 Md USD (+29,4%) contre 381,1 Md USD (33,2%) pour les importations. L’excédent du compte courant favorise l’appréciation du TWD en dépit des interventions répétées de la banque centrale (CBC). L’industrie électronique est le premier poste des exportations avec 172 Md USD (+26,9%). Progressent également les exportations de produits de télécommunication (61,3 Md USD, +24,8%), de produits métallurgiques (36,8 Md USD, +44,5%), de plastiques (29,8 Md USD, +40,5%) et de machines (27,8 Md USD, +27%). Au niveau des importations, les produits électroniques arrivent en première position (91,3 Md USD, +31,3%) suivis des minéraux (56,8 Md USD, +68,4%), des machines et équipements (44,3 Md USD, +33,1%) et des produits chimiques (33,6 Md USD, +26,8%).

II - Cette forte croissance a rappelé les fragilités structurelles de l’économie taïwanaise  

Taïwan reste dépendante de la croissance de l’économie chinoise qui devrait ralentir en 2022

En dépit des tensions politiques entre Pékin et Taipei et entre Pékin et Washington, le commerce inter-détroit est resté stable rappelant la forte intégration structurelle des chaînes de valeur. La Chine (y/c Hong Kong) représente 43% des exportations de Taïwan et satisfait 22% de ses importations. Ces proportions sont stables depuis 2019. La Chine n’en demeure pas moins un concurrent potentiel des groupes taïwanais de l’industrie des TIC. En 2021, le nombre d’entreprises chinoises de la CVR d’Apple a pour la première fois dépassé celui des entreprises taïwanaises. En stock d’IDE, la Chine reste la première destination des investissements étrangers taïwanais avec un montant proche de 200 Md USD même si depuis une dizaine d’années ils s’orientent plus vers l’ASEAN en particulier vers le Vietnam.

L’hypertrophie de l’industrie des semi-conducteurs crée des inégalités au sein de l’économie

Selon SEMI Taiwan, l’industrie des semi-conducteurs représente 15% du PIB. TSMC à elle seule contribuerait à 3,5% du PIB et à 28% de la capitalisation boursière de Taïwan. Les valeurs appartenant à l’écosystème des semi-conducteurs en représenteraient plus de 50%. Les composants électroniques représentent plus de 30% des exportations taïwanaises. TSMC consomme l’équivalent de la consommation d’électricité de la ville de Taipei. Le groupe recrute la plupart des diplômés à la sortie des universités pour les former et accapare la plupart des capacités de production d’ENR (RE100) sans permettre aux autres acteurs de l’économie de réduire leur empreinte carbone. Au final, il reste peu de talents, d’électricité et d’énergies renouvelables pour les autres secteurs d’activité. Cette hypertrophie de l’industrie des semi-conducteurs crée des inégalités avec les autres secteurs de l’économie.

Taïwan manque de façon récurrente de talents, d’électricité, d’eau et de terrains constructibles

La sortie du nucléaire à l’horizon 2025 ne semble pas compatible avec les besoins de l’économie. Le nouveau mix énergétique à l’horizon 2025 se caractérise par une sortie du nucléaire et une part de 20% des énergies renouvelables. Or, les réglementations sanitaires liées à la pandémie et l’incapacité de certains sous-traitants taïwanais à atteindre les standards requis par les développeurs étrangers ont retardé les projets éoliens offshores. Dans le même temps, le CAPEX de 44 Md USD de TSMC, en 2022, devrait entraîner un nouveau pic de consommation électrique. Les deux « black-out » qu’a connus Taïwan, en 2021, ont souligné la fragilité du réseau électrique. Taïwan est aussi confronté à un manque de talents en raison du bas niveau des salaires. 2021 a été marqué par une inflation des salaires dans l’industrie des semi-conducteurs mais elle ne s’est pas diffusée aux autres secteurs aggravant ainsi les inégalités de revenu. Enfin, Taïwan souffre d’une insuffisance de terrains constructibles. Si Taiwan Sugar dispose d’une réserve foncière, les trois quarts de la superficie de l’île sont occupés par des montagnes.  

Spécialisé dans l’industrie des semi-conducteurs grâce à ses champions nationaux (TSMC, MediaTek, ASE…), Taïwan bénéficie de l’accélération de la digitalisation des économies avec le développement de la 5G, du VE, des centres de données et des applications cloud. Selon un rapport du FMI publié en octobre dernier, le PIB / H de Taïwan devrait atteindre 32 787 USD en 2021[2]. L’économie taïwanaise n’en demeure pas moins confrontée à ses vieux démons (manque de talents, d’eau, d’électricité et de terrains) qu’exacerbe la forte croissance des investissements de TSMC. La contribution de Taïwan au découplage technologique entre la Chine et les USA du fait de son leadership dans l’industrie des semi-conducteurs, constitue un facteur de risque en particulier pour l’UE qui est le premier investisseur étranger à Taïwan (stock d’IDE : 50 Md USD).



[1] Directorate General of Budget, Accounting and Statistics.

[2] Soit un niveau encore inférieur à celui de la Corée du Sud (35 000 USD). Toutefois, selon les prévisions du FMI, le PIB/H de Taïwan (42 802 USD) devrait dépasser celui de la Corée en 2025 (42 719 USD).

 



 

 

 

 

 

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