Présentation du pays

Pays dAsie centrale doté des 4èmes réserves mondiales de gaz naturel, le Turkménistan cherche à diversifier une économie encore largement dominée par le secteur pétrogazier, très liée au marché chinois. Si les autorités turkmènes entendent développer à terme de nouveaux gazoducs vers lEurope et le sous-continent indien, les efforts de diversification des exportations se traduisent dans l’immédiat par le développement de capacités dans l’agriculture, le textile et la pétrochimie. Après une forte chute des exportations de gaz naturel dans le contexte de la crise sanitaire en 2020, la reprise de l’activité industrielle mondiale et de la demande d’hydrocarbures stimulent la croissance turkmène.

Le Turkménistan est une république dAsie centrale indépendante depuis 1991, dirigée par le Président Gourbangouly BERDYMOUKHAMEDOV depuis 2007. S’étendant sur 491 200 km2, le pays est entouré par le Kazakhstan et lOuzbékistan au nord, lIran et lAfghanistan au sud, et bordé par la mer Caspienne à louest. Sa population de 6 millions dhabitants en 2021, majoritairement rurale et musulmane, fait du Turkménistan le pays le moins peuplé d’Asie centrale.

1/Une économie tributaire des exportations de gaz naturel

Le PIB turkmène est estimé à 53,1 Mds USD en 2021 (+4,5% par rapport à 2020), selon les données du Fonds Monétaire International (FMI)*, faisant du Turkménistan la troisième économie dAsie centrale après le Kazakhstan et lOuzbékistan.

Le Turkménistan dispose des 4èmes réserves prouvées de gaz au monde (13 600 Mds de m3 fin 2020, soit 7,2% du total mondial, selon le rapport statistique du britannique BP en 2021) après la Russie, l’Iran et le Qatar. Le gisement gazier turkmène de Galkynysh, situé à l’ouest du pays, est notamment parmi les premiers au monde par l’importance de ses réserves. En 2020, la production turkmène de gaz représentait 59 Mds m3 selon le même rapport de BP, soit 1,5% de la production mondiale, contre 63,3 Mds en 2019 (-6,8% sur un an).

Les ventes de gaz naturel représentaient plus de 78% des exportations turkmènes en 2020, acheminées à 88% vers la Chine à travers le gazoduc transasiatique, dune capacité annuelle de 55 Mds m3. Les exportations gazières vers la Russie, qui avaient repris à la faveur dun accord avec lentreprise Gazprom en avril 2019 (environ 10% des exportations turkmènes de gaz en 2020), auraient doublé en 2021, pour atteindre 10 Mds de m3. Elles pourraient encore être amenées à augmenter en 2022 selon les autorités russes, demeurant néanmoins bien en deçà de la capacité annuelle maximum de 90 Mds m3 du gazoduc soviétique Asie centrale - Russie. Il est à noter que ces gazoducs vers la Chine et la Russie traversent tous deux le Kazakhstan et lOuzbékistan, eux-mêmes pays exportateurs de gaz naturel. Enfin, les deux gazoducs turkmènes vers lIran ont repris de l’activité en janvier 2022 après une interruption de quatre années, suite à un différend sur les paiements en 2017. En vertu de l’accord signé en novembre 2021 à Achgabat par les présidents azerbaïdjanais et iranien, le Turkménistan exportera, en 2022, de 1,5 à 2 Mds m3 de gaz vers l'Azerbaïdjan via l’Iran.

Entre mars 2020 et le premier semestre 2021, le Turkménistan a été confronté à une baisse de ses ventes de gaz naturel en volume et en valeur dans le contexte de la crise sanitaire mondiale et de la chute du cours des hydrocarbures. Les exportations turkmènes se sont affaissées de 30% en 2020 par rapport à 2019, à 7,7 Mds USD. Cette baisse est principalement imputable à la baisse des exportations vers la Chine (6,1 Mds USD, -30%), qui absorbait à elle seule 78,0% des exportations turkmènes et 88% de ses exportations d’hydrocarbures en 2020.

En ligne avec la reprise de l’économie mondiale, sur les 8 premiers mois de l’année 2021 la production de gaz naturel aurait renoué avec une croissance de 22% en g.a., à 55 Mds de m3, tandis que les exportations auraient augmenté de 37%, à 31 Mds de m3. Cette situation est favorable pour les comptes extérieurs du Turkménistan et pourrait soutenir de nouveaux projets de développement des infrastructures et de diversification de l’économie. Au global, les autorités anticipent une croissance du PIB de 6,2% en 2021 tandis que le FMI estime ce chiffre à 4,5%.

2/Le gouvernement conduit une politique de diversification de l’économie et des marchés d’exportation

La dépendance des exportations turkmènes au débouché chinois et la prépondérance de ce dernier vis-à-vis des autres marchés régionaux, malgré une tendance positive du côté de la Russie, laissent entier le défi turkmène de la diversification. Achgabat attache ainsi une grande importance à la réalisation du projet de gazoduc vers lInde à travers lAfghanistan et le Pakistan (TAPI), lancé en 2015. Long de 1 700 km  et doté dune capacité de 33 Mds m3/an, le gazoduc est toujours à l’état de projet malgré de fréquents effets dannonce;  le contexte géopolitique et sécuritaire régional (chute de Kaboul en août 2021) et des désaccords sur le prix des fournitures de gaz constituent encore des défis importants à sa mise en œuvre.

Le Turkménistan semblait un temps également intéressé par l’ouverture d’un nouveau débouché vers l’ouest à travers le projet de gazoduc transcaspien, reliant le Turkménistan à lAzerbaïdjan et au corridor gazier Sud, lequel permettrait à Achgabat dapprovisionner les marchés turc et européen. Ce projet avait notamment retrouvé en dynamisme, à la faveur de ladoption dune convention sur le statut de la mer Caspienne en août 2018. Cependant, l’acheminement du gaz turkmène vers l’Azerbaïdjan via l’Iran, depuis janvier 2022, pourrait remettre en question ce projet transcaspien, en ce qu’il permet d’atteindre les mêmes objectifs sans aucun coût d’infrastructures supplémentaires. En parallèle, des études sont en cours pour une infrastructure de pipeline simplifiée, moins coûteuse, reliant uniquement les champs gaziers off-shore et non la côte turkmène à l’Azerbaïdjan.

Les autorités font également état de leur volonté de diversifier lappareil productif turkmène, dans une logique de substitution aux importations et de développement des exportations pour diversifier les revenus. Ces mesures ciblent prioritairement  les secteurs où le pays présente des avantages comparatifs comme l’agriculture, l’agroalimentaire, l’emballage ou le textile. Deuxième poste à lexportation (un peu moins de 3% des exportations turkmènes en 2020), lagriculture joue un rôle significatif dans l’économie dun pays couvert à 80% par le désert du Karakoum. En complément du bassin de lAmou-Daria, le canal dirrigation du Karakoum datant de 1982 permet de maintenir une agriculture intensive pourvoyeuse demplois. Sont principalement cultivés le coton, destiné à l’exportation, et le blé, réservé à la consommation intérieure. Ces deux cultures créent un véritable défi de gestion des ressources en eau, alors que 94% de la consommation hydrique turkmène est utilisée à des fins d’irrigation. D’autres productions, comme les tomates et des fruits, sont en développement rapide grâce à l’expansion des cultures sous serres, lesquelles bénéficient d’un soutien financier important de la part de la BERD en 2020. Les serres turkmènes couvrent actuellement plus de 356 hectares et 150 nouvelles serres d'une superficie totale de 1 300 hectares devraient voir le jour en 2022. Le Turkménistan cherche également à développer ses capacités de transformation de la production agricole afin d’en augmenter la valeur ajoutée. L’élevage se pratique également, notamment celui des ovins pour la laine, ainsi que des chameaux et chevaux.

Enfin, le Turkménistan mise sur le développement dune industrie pétrochimique à partir de gaz afin de valoriser lexploitation de ses ressources naturelles. La pétrochimie attire de nombreuses entreprises japonaises ou sud-coréennes, particulièrement appréciées pour leur savoir-faire et la compétitivité de leurs offres, mêlant solutions clé́ en main et financement attractifs. De nouveaux sites de production d’engrais ont été ouverts ces dernières années à Mary, Turkmenabat et Garabogaz pour un coût total de 2,7 Mds USD, ainsi que des unités de production de polyéthylène et polypropylène à Kiyanly (3,4 Mds USD) et la plus grande usine au monde de production dessence à partir de gaz à Ovadan-Depe (1,7 Md USD).

En 2020-2021, lEtat a continué de soutenir l’économie nationale en poursuivant son effort dinvestissement public. Ce levier génère des opportunités dans le secteur de la construction et des infrastructures. 1,5 Md USD a ainsi été fléché par l’Etat en 2020 pour l’importation de matériaux de construction dans le cadre du chantier du centre administratif de la province dAkhal. La construction dune autoroute à péages entre Achgabat et Turkmenabat est en cours depuis 2019 (premier tronçon ouvert en novembre 2021) pour un montant estimé à 2,3 Mds USD et devrait être mise en service en 2023. Le programme d’Etat pour 2019-2025 prévoit également la construction dune ligne ferroviaire à grande vitesse, lacquisition dun satellite, la réfection du canal du Karakoum et l’augmentation des capacités de production pétrochimique. Enfin, le projet TASIM de développement dune « autoroute internet » entre lEurope et lAsie par la construction de câbles de fibre optique sous la mer Caspienne (Turkmenbashi à Siazan), relancé fin 2019 par Achgabat et Bakou, est toujours en cours. Ces efforts vont de pair avec la volonté des autorités de développer le secteur privé en mobilisant lUnion des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan (UIET), dont les membres sont les principaux bénéficiaires des investissements publics.

En 2020 et 2021, des jalons importants ont été posés pour faciliter l’intégration du Turkménistan dans les marchés internationaux. Le Turkménistan s'est associé à lInternational Trade Centre (ITC) pour créer un guichet unique en ligne dans le pays et fournir des informations détaillées sur les procédures d'exportation et d'importation par type de produit dans le cadre d’un projet financé par l'Union européenne. On notera également que le Turkménistan a déposé en décembre 2021 sa demande d’adhésion en tant que membre de plein droit à lOrganisation mondiale du commerce (OMC), institution dont il était déjà observateur depuis 2020. Le gouvernement turkmène cherche à se rapprocher des normes de lOMC afin de dynamiser son commerce extérieur et dattirer les investissements étrangers essentiels à la diversification de son économie.

 

*Au Turkménistan, linformation statistique officielle est utilement complétée de celle des institutions financières internationales.

 

Annexe: carte du Turkménistan

 Carte du Turkménistan

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