THAÏLANDE
Situation économique et financière
Avec un PIB de 526 Md USD en 2024, la Thaïlande est la 3e économie de l’ASEAN, derrière l’Indonésie et désormais rattrapée par Singapour, et la 30e économie mondiale (28e en 2023). Le pays présente une économie diversifiée (services 61,6 %, industrie 29,7 %, agriculture 8,7 %). Il se situe dans la tranche supérieure des pays à revenu intermédiaire, avec un revenu par habitant de 7500 USD. La croissance potentielle ralentit depuis la fin de la pandémie, sans que cela remette en cause la robustesse financière du pays à ce stade. En revanche, pour accéder au rang d’économie développée d'ici 2037 comme elle l’ambitionne, la Thaïlande devra conjuguer des facteurs conjoncturels favorables et des réformes structurelles, compte-tenu de l’intensification des freins, notamment le vieillissement rapide de la population, et des risques géopolitiques qui pèsent sur un secteur exportateur clef pour l’économie du pays.
En 2024, la faiblesse de la croissance thaïlandaise par rapport à ses voisins se confirme. Pour 2025 et 2026, le relèvement des droits de douane américains affecte négativement les prévisions de croissance.
Après +2,0 % en 2023, la croissance a rebondi à +2,5 % en 2024, un niveau toujours significativement plus faible que ses pairs régionaux (5,0 % en moyenne en 2024 pour l’ASEAN-6, tous les pays hors Thaïlande affichant une croissance supérieure à 4 %, et jusqu’à 7,1 % pour le Vietnam).
Du point de vue de la demande, le rebond a été porté principalement par la reprise de la dépense publique et des exportations de biens. La consommation publique (+2,5 % après ‑4,7 %) et l’investissement public (+4,8 % après ‑4,2 %) ont nettement rebondi après une année 2023 marquée par le vote retardé du budget. Les exportations de biens (+4,4 % en volume après -2,6 %) ont été soutenues par la demande mondiale en électronique. La consommation privée (+4,4 % après +6,9 %) et les exportations de services (+25,5 % après +38,2 %), se sont maintenues à des niveaux élevés, tout en ralentissant. L’investissement privé s’est contracté (-1,6 % après +3,1 %), avec un resserrement du crédit aux ménages et aux PME, fortement endettés.
Du point de vue de la production, la contraction de la production agricole (-1,0 %, après +2,0 %) a été compensée par le redressement de l’industrie (+0,9 % après -1,9 %) et le maintien des services (+3,9 % après +4,2 %). Le secteur agricole a souffert de conditions climatiques défavorables au premier semestre, alors que l’industrie a logiquement bénéficié de la reprise des exportations. Les services ont bénéficié de la poursuite du retour du tourisme international vers ses niveaux précovid (35,5 M de visiteurs après 28 M).
Pour 2025, le consensus des prévisions se situe à +1,8 %-2,3 % (annexe 1), contre +2,8 %-2,9 % avant les annonces de droits de douane américains.Au 1er semestre 2025, la croissance thaïlandaise s’est établie à +3,0 % en g.a., soutenue par le dynamisme des exportations de biens (+15,0 % en g.a. au S1), en anticipation du relèvement des droits douane américains, qui a également tiré l’investissement privé (+4,1% au T2 après ‑0,9% au T1) via l’achat de machines et équipements. Le contrecoup au 2e semestre, avec une contraction des exportations et un ralentissement de l’investissement, entraînerait sur l’ensemble de l’année un rebond limité de l’investissement total (+2,1 % après 0,0 % en 2024) et des exportations de biens (+5,0 % en volume après +4,4 %). La consommation privée poursuivrait son ralentissement (+2,1 % après +4,4 %), contrainte par l’endettement des ménages (88,2 % du PIB à fin mars 2025) et la baisse du nombre de touristes (33,0 M après 35,5 M), qui pèserait également sur les exportations de services. Pour 2026, le consensus des prévisions s’établit à +1,6%-1,7 %, dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale et d’effet année pleine des droits de douane américains.
Le chômage demeure très bas et relativement stable, autour de 1 %. L’inflation, après 0,4 % en moyenne annuelle sur 2024, resterait faible en 2025, entre 0,0 et 1,0 %, en lien avec les anticipations de prix du pétrole et la croissance des importations de produits chinois à bas coût.
Le secteur bancaire et les finances publiques demeurent résilients
La Thaïlande est notée BBB+/Baa1, avec perspective stable pour S&P, mais perspective négative par Moody’s et Fitch depuis avril et septembre. Le déficit public aurait atteint -2,2 % du PIB sur l’année budgétaire 2023-2024[vi] (-2,0 % sur l’exercice précédent), plus faible que l’objectif du gouvernement (‑4,4 %), du fait de la sous-exécution des budgets d’investissement, du report de mesures de distribution monétaire et de recettes supérieures aux prévisions. La dette publique s’établissait à 64,4 % du PIB à la fin du T1 2025 (contre 63.4 % fin T1 2024). Pour l’année budgétaire 2024-2025, le gouvernement prévoit une dette publique à 65,7 % du PIB en fin d’exercice, qui devrait continuer à croître jusqu’en 2029 (69,3 % PIB). Le FMI estime dans une étude de février 2025 que le ratio de dette publique thaïlandais peut atteindre le plafond légal de 70 % sans nuire à la croissance. La dette publique est libellée à 98 % en monnaie locale, largement immune aux risques de change.
Le secteur bancaire est liquide (LCR de 206 % au T1 2025) et bien capitalisé (fonds propres / actifs à 20,7 % au T1 2025). Le taux élevé de prêts non performants (NPL) aux PME, 7,35 % fin 2024, ne poserait pas de risque systémique, de même que l’endettement élevé des ménages (89,0 % du PIB). Le taux global de NPL était de 3,7 % au T4 2024, en baisse sur l’année avec le ralentissement des nouveaux crédits aux ménages et la contraction du crédit aux PME, sous l’effet des lignes directrices de contrôle de l’accès au crédit édictées par la banque centrale début 2024.
La chute de la bourse thaïlandaise, dont l’indice phare SET a perdu 28 % entre son plus haut le 17 octobre et le 9 avril, puis repris 8 % entre le 2 avril et le 28 mai, ne poserait pas de risque de crise de confiance dans un secteur bancaire solide, mais pourrait néanmoins renforcer la contrainte sur le crédit et pèse, par effet richesse négatif, sur la consommation et l’investissement des ménages aisés.
Les comptes extérieurs sont redevenus excédentaires. La balance courante a poursuivi son redressement en 2024, à +2,1 % du PIB après +1,5 % en 2023, portée par la poursuite de la reprise du tourisme international et le rebond des exportations de biens. Les investissements directs étrangers ont atteint 10,2 Md USD en 2024 (après 6,8 Md USD en 2023). Le besoin de financement extérieur demeure faible, avec une dette externe contenue (35 % du PIB fin 2024) et des réserves de change élevées (245 Md USD au T1 2025, en hausse de 9,8 % sur un an et représentant plus de 9 mois d'importations).
Le taux directeur de la banque centrale a été abaissé de 1 point entre octobre 2024 et octobre 2025, à 1,5 %, face à une conjoncture molle, la contraction du crédit aux PME et une inflation qui décélère nonobstant, inférieure à la cible (1-3 %).
Eléments sur Bangkok et l'Eastern Economic Corridor (EEC)
Bangkok, unique métropole du pays est un pôle des services, notamment de distribution, ainsi qu’un centre manufacturier et une place financière importante . Avec 17,5 M habitants, Bangkok représente 25 % de la population de la Thaïlande, dont le développement urbain est parmi les plus inégaux des pays appartenant au niveau de revenu similaire. La région de Bangkok représentait ainsi 47,7 % du PIB en 2023, avec un revenu par tête de 14 000 USD, contre 7 300 USD en moyenne pour le pays. Le revenu par tête de la seule métropole de Bangkok s’élevait à 19 500 USD. Fort d’une localisation avantageuse, la région Bangkokoise attire des sièges sub-régionaux et dispose d’infrastructures de haut niveau. La ville est ainsi connectée au deuxième aéroport le plus fréquenté d’Asie du Sud-Est (Suvarnabhumi), à 3 ports en eau profonde (Laem Chabang, Koh Sichang Anchorage et Sri Racha Habour) et bénéficie d’un réseau ferré urbain en essor rapide. En 2023, les services marchands et non-marchands représentaient 77,8 % du PRB de la région Bangkokoise, dont 20,5 % pour les activités de distribution et 12,5 % pour les services financiers. L’industrie représentait 21,6 % du PRB, avec 19,8 % pour l’industrie manufacturière.
L’Eastern Economic Corridor (EEC) est la principale zone économique spéciale de Thaïlande, fer de lance des politiques de montée en gamme industrielle du pays. L’EEC s’étend sur trois provinces au Sud-Est de Bangkok et offre des infrastructures logistiques et des zones industrielles de qualité. Par ailleurs, la zone dispose d’une entité juridique éponyme chargée de son développement et de sa promotion, ainsi que de ses propres indicateurs macroéconomiques. Au T4 2024, la zone représentait 15 % du PIB thaïlandais, un tiers de sa production industrielle, 7,1 % de la production de services et 12,7 % de ses revenus touristiques, avec notamment la station balnéaire de. Par ailleurs, elle compte 2,53 M d’emplois au T1 2025 (sur une population active estimée en 2023 à 40,4 M personnes). Les secteurs-cible de l’EEC sont l’automobile de nouvelle génération, électronique intelligente, agriculture et biotechnologies, alimentation du futur, tourisme médical, l’automatisation et robotique, aviation et logistique, santé et soins médicaux complets, biocarburants et biochimie, numérique, défense, éducation et développement des ressources humaines. L’EEC est aussi chargé de la mise en œuvre de grands projets d’infrastructures dans la zone (routes, ligne ferroviaire, ports, aéroport), généralement en partenariat public-privé pour les projets de plus grande ampleur.