Le Togo est relativement épargné par la pandémie dont les répercussions sur la production agricole et la sécurité alimentaire sont faibles

Peuplé de 8,6 millions de personnes, le Togo recense 524 cas confirmés de contraction du virus Covid 19 (au 11 Juin), et seulement 13 décès. Les mesures rapidement prises par le gouvernement, l'importance de ses stocks de céréales et sa qualité d'exportateur fruitier le préservent de l'insécurité alimentaire. Seules certaines tensions à l'importation, l'inflation sur certains produits et une baisse globale des stocks des ménages font ressentir les effets de la pandémie.

Le contrôle rapide de la situation épidémique préserve les populations vulnérables et l'environnement des affaires

Au 11 Juin 2020, le Togo enregistre 524 cas de contamination au Covid 19 (soit 62 cas par million d’habitants), 13 décès, 271 guéris, et un nombre important de tests réalisés : 24358, soit près de 2900 test par million d’habitants.

Dès l'apparition du premier cas le 6 mars, le Président Faure Gnassingbé, réélu le 22 février 2020, a pris des mesures destinées à contenir l’expansion de la pandémie : fermeture des frontières terrestres et des liaisons aériennes sauf pour les marchandises, interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes, bouclage des principales villes du pays, fermeture des lieux de culte, écoles et universités, participation aux funérailles limitée à 15 personnes maximum, couvre-feu de 20h à 6h. Par ailleurs, le diagnostic, les soins et l'hébergement lors de la quarantaine obligatoi re sont gratuits de tous les cas suspects et confirmés de COVID-19 et le prix des masques et des solutions hydroalcooliques a été plafonné. Le couvre-feu sanitaire ainsi que le bouclage de Lomé et Sokodé a été levé le 09 Juin, alors que le port du masque est rendu obligatoire pour tous. L’état d'urgence est cependant maintenu et des mesures sanitaires à l'entrée et sortie des villes (à l'instar de ce qui se faisait aux frontières avant leur fermeture) pourraient être mises en place (prise de température et signalement des voyageurs).

L’état togolais a rapidement mis en place le programme Novissi, qui vise à fournir aux personnes et familles les plus vulnérables des soutiens financiers mensuels tout au long de l’état d’urgence. Il a déjà permis de redistribuer déjà près de 12 Mds XOF (environ 18 M EUR) aux populations les plus précaires sous la forme d'un revenu solidaire. L’arrêt de ce programme semble toutefois proche avec le retour progressif à la normale qui se dessine.

Le déblocage d'un fonds d'urgence de 2 Mds FCFA (3 M EUR) et la création d'un Fonds national de solidarité et de relance économique de 400 Mds FCFA (609 M EUR) a permis par ailleurs de financer des mesures socio-économiques et de limiter les répercussions sur la population la plus pauvre et sur l’économie du pays.

Le Ministère de l’Agriculture a lancé fin avril un «plan de riposte agricole Covid-19» de 140 Mds FCFA (213 M EUR), destiné à améliorer le revenu des producteurs et à consolider la sécurité alimentaire. Il vise à produire 225 000 tonnes de coton, 2 millions de tonnes de maïs, 140 000 tonnes de soja et 330 000 tonnes de riz selon trois principaux axes : (1) appui en matériel et kits d’irrigation, (2) promotion des entreprises de placement de main d’oeuvre et (3) octroi de crédits d’intrants à taux bonifiés.

Enfin, les bailleurs internationaux se mobilisent : la Banque mondiale approuve un financement de 8,1 M USD à l'Association internationale de développement (IDA) pour soutenir les travaux en cours dans le cadre du projet REDISSE (Regional Disease Surveillance Systems Enhancement) : dépistage, soins aux patients, équipements des laboratoires et des hôpitaux ; l’appui budgétaire de l’Union européenne sera essentiellement consacré à renforcer les ressources nécessaires à la Stratégie de riposte du gouvernement contre la pandémie. Un premier décaissement de 9,5 M EUR effectué au titre de l’année 2019-2020, devrait être suivi très prochainement d’un second de 7,5 M EUR.

La mobilité des personnes et des marchandises est préservée

Dès la fermeture des frontières terrestres et la suspension des vols internationaux le 20 mars, les réseaux informels de mobilité transfrontalière se sont réorganisés. Les plus grands axes et les barrages des forces de l’ordre sont contournés par les pistes qui relient les différents points de regroupement des marchandises, les transports se faisant principalement à moto, vélo, à pied et même en pirogue. La circulation transfrontalière informelle entre le Togo et les états voisins a toujours existé et fait l’objet d’une organisation particulière (entrepôts, logistique, passeurs, complicité des autorités). On estime les exportations non-enregistrées à destination du Bénin à 54%, du Burkina-Faso à 30% et du Ghana à 16%, alors que les importations non-enregistrées proviennent pour 66% du Bénin, 28% du Ghana et 6% du Burkina-Faso1. Les principaux produits transportés sont, sans surprise, les «produits alimentaires» (41%) et les «produits de l'agriculture, de l'élevage, de la chasse et des activités de soutien». La pandémie et les mesures destinées à la contenir ont peu modifié les mouvements transfrontaliers informels préexistants, mouvements qui se sont rapidement adaptés pour contourner les restrictions imposées à la circulation.

L’import-export de produits alimentaires (fruits et jus en exportation, pâtes, riz, farines, sucre, conserves en importation) ont été perturbés, en particulier au début de la mise en place des mesures destinées à contenir la pandémie : la réorganisation parfois chaotique des lignes maritimes a entrainé des retards d’acheminement et des erreurs de destination, des retards de plus de 10 jours sont constatés aux douanes, des containers vides et pleins s’accumulant sur le port.

La situation redevient progressivement à la normale, les cordons sanitaires autour des villes ont été levés, en sorte que la mobilité intérieure des personnes est aujourd’hui rétablie ; en revanche la fermeture des frontières terrestres et aériennes aux passagers est maintenue.

Une production agricole excédentaire en 2019/2020 et un début de saison agricole normal en 2020

La récolte des cultures pluviales et irriguées de 2019 s’est achevée fin janvier 2020, avec des rendements supérieurs de 7% à la moyenne quinquennale, grâce en particulier aux précipitations favorables et à un approvisionnement adéquat en intrants, y compris des semences certifiées par le gouvernement. La récolte 2019 comprenait en particulier 923 000 tonnes de maïs (10% au-dessus de la moyenne) et 279 000 tonnes de sorgho (similaire au niveau moyen). En 2020, les importations de céréales devraient cependant atteindre un niveau légèrement supérieur à la moyenne de 280 000 tonnes, les négociants locaux cherchant à reconstituer leurs stocks.

Les semis d'ignames ont été achevés en mars et les semis de maïs fin avril, sans grande perturbation. La récolte d'ignames devrait commencer en juillet, tandis que la récolte de maïs commencera en août. Dans le nord, la plantation de riz, mil et sorgho, qui doivent être récoltés à partir d'octobre, ont commencé en mai- avec le début des pluies.

Durant la période de soudure pastorale, la disponibilité de fourrage était globalement satisfaisante dans les principales zones de pâturage du pays. La situation sanitaire du bétail est généralement bonne et stable, avec seulement quelques flambées localisées de maladies saisonnières, notamment la trypanosomiase et la péripneumonie contagieuse bovine.

En ce début 2020, le pays dispose de 70 000 tonnes de céréales de réserve gérées par l’Agence Nationale pour la Sécurité Alimentaire au Togo (ANSAT), soit environ dix kg par habitant, et le gouvernement met en place une réserve additionnelle de 5000 tonnes de denrées alimentaires si la pandémie venait à se prolonger.

Une augmentation de l'INH indépendante de la pandémie

L’indice National Harmonisé des prix à la consommation a augmenté de 0,6% en avril 2020 par rapport à mars 2020, et de 2,4% en glissement annuel. Les évolutions mensuelle et annuelle sont portées principalement par le renchérissement des «Produits alimentaires et boissons non alcoolisées» de 3,3% sur un mois et de 4,6% sur un an, avec une augmentation des prix des «Produits frais» de 6,1% en g.a. Ceci semble indiquer que l’impact de la pandémie sur les prix des denrées alimentaires est pour l’instant très limité.

Des variations locales et limitées dans le temps ont pourtant été constatées : une très forte hausse du prix des petits poissons, qui serait passé de 30 000 à 50 000 FCFA le panier, mais le phénomène est probablement davantage lié à la baisse de la quantité de poisson disponible près des côtes, ce qui a entrainé des hausses de 10 à 12% du même poisson fumé et séché ; des hausses temporaires du prix des tubercules, plantains et fruits et légumes frais ont été observées dans les points de vente, par l’effet combiné des difficultés de transport et du bouclage des villes ; a contrario, sur les lieux de production, le prix ces mêmes denrées a baissé, et les pertes post récolte ont temporairement augmenté faute de débouché.

L'insécurité alimentaire reste contenue

Le Cadre Harmonisé du PAM prévoit que près de 6 000 personnes seraient en situation d'insécurité alimentaire de crise en juin-août 2020 (phase 3 de l'IPC) alors que 534 221 personnes seraient soumises à un stress et à un risque d'insécurité alimentaire (phase 2 de l'IPC). L'indice mondial de la faim 2018 estime que 24,3% des Togolais souffrent de la faim.

Dans l'ensemble le Togo n’a pas craint de devoir subir des pénuries en matière agroalimentaire ou sanitaire liés à la crise économique et sanitaire Seuls quelques problèmes d’approvisionnement ont pu être constatés et rapidement résorbés: les supermarchés RAMCO, première chaine de distribution du pays, ont signalé une baisse de consommation d'environ 30%, durant la période de couvre-feu et de réduction des horaires d'ouverture. Les pâtes, le riz, la farine et le sucre importés de France ont manqué après les « achats panique » des premières semaines. Dans l'ensemble les entreprises du secteur rapportent une chute globale de leur activité de 50% par rapport à avril 2019, lié à la crise et à leur mode de distribution essentiellement ambulant.

Les risques terroristes posés par les djihadistes sahéliens ont augmenté dans le nord du Togo depuis début 2020, alors que les forces de sécurité sont occupées par les opérations de lutte contre le la pandémie. L'État islamique (EI) et al-Qaïda ont tous deux qualifié la pandémie de « jugement divin », et leurs groupes affiliés dans la région du Sahel tentent d'exploiter la situation afin de réaliser des avancées stratégiques et de gagner en influence. Ceci a jusqu’à présent un impact marginal sur les populations du nord du pays.

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Les conséquences de la pandémie sur la chaine agroalimentaire sont peu perceptibles, les mesures mises en place par le gouvernement sont relativement bien comprises et appliquées. Depuis la levée du bouclage des principales villes du pays, l’activité économique a repris, alors que le nombre de tests réalisés et de cas positifs enregistrés augmente.
En temps normal, une faible partie de la population souffre d’insuffisance alimentaire au Togo. En revanche si la crise sanitaire et son impact économique devait se prolonger, une grande partie des populations les plus fragiles en zone urbaine ou rurale pourrait se retrouver en situation d’extrême fragilité.

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