Situation économique et financière

Marquée par trois décennies de guerre civile, la Somalie est l’un des pays les plus pauvres au monde. Le pays est financé en grande partie par les remittances et l’aide au développement. La croissance, faible au regard de la démographie, se situerait à 1,7 % en 2022 après 2,9 % en 2021 du fait de la sécheresse persistante. Malgré des reports successifs de la 2ème revue FEC du FMI et des élections présidentielles, elle a été adoptée à l’été 2022, permettant la poursuite des réformes engagées par le gouvernement fédéral ces dernières années. La Somalie devrait atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE fin 2023.

1. Contexte géopolitique et gouvernance

Les institutions somaliennes sont extrêmement faibles, conséquence des trente années d’anarchie et de guerre civile qui ont suivi la chute de Syad Barre en 1991. L’architecture politique et administrative de l’État a disparu tandis que les clans se sont livrés à une lutte pour le contrôle du pouvoir. En août 2012, à l’issue de plusieurs années de travaux et d’incertitudes, une constitution provisoire a enfin été adoptée, conduisant à la mise en place d’institutions étatiques chargées de mettre en œuvre un agenda de réformes et d’organiser des élections générales. Celles-ci ont conduit en octobre 2016 à l’élection de Mohamed Abdullahi dit « Farmajo », au pouvoir jusqu’en mai 2022, avec l’élection d’Hassan Cheikh Mohamoud, après avoir prolongé son mandat de près d’un an.

Les violences persistent, comme en témoignent les attentats récurrents perpétrés par Al-Shabaab – groupe terroriste affilié à Al Qaïda. On estimait ainsi à plus de 2,6 millions le nombre de déplacés internes (20 % de la population) en 2021. La Somalie reste confrontée à la sécheresse et à une grave insécurité alimentaire dans certaines régions[1], notamment celles occupées par Al-Shabaab. La situation en matière de sécurité reste tendue, mais l’armée somalienne a repris des territoires dans le centre du pays depuis février 2023, grâce notamment à l’intensification de la campagne contre Al-Shabaab depuis mi-2022. Cela a permis l’acheminement des aides humanitaires[2], mais a continué de peser sur le budget de l’Etat. L’engagement de la communauté internationale se fait notamment à travers l’AMISOM, la mission de maintien de la paix déployée par l’UA depuis 2007 pour lutter contre Al-Shabaab.

2. Sructure de l'économie

Trois décennies de guerre civile ont considérablement appauvri le pays : le PIB somalien était de 5,5 Mds USD en moyenne entre 2011 et 2021. Près de 70 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté de 1,9 USD/jour, alors que la croissance économique ne permet actuellement pas de réduire la pauvreté et de répondre aux larges besoins sociaux. La croissance annuelle du PIB somalien s’est établie à 3,4 % en moyenne entre 2012 et 2019, égale à la croissance démographique sur la même période (3,4 % selon les Nations Unies). Le PIB par habitant à prix constants stagne depuis 2012, évoluant en moyenne de 0,3 % par an. A prix courants, le PIB par habitant s’est élevé à 522,4 USD en 2022.

L’agriculture, principalement l’élevage, représente 60 % de l’économie et occupe 80 % de la population. Les services suivent avec 32 % du PIB, notamment les télécommunications, le commerce et les services financiers. Enfin, l’industrie ne représente que 7 % du PIB, une part faible au regard de la moyenne subsaharienne (29 %).

3. Conjoncture et finances publiques

La croissance somalienne en 2022 a été révisée à la baisse dans le WEO d’avril 2023 (-0,2pp) à 1,7 %, contre 2,9 % en 2021. Du fait de la sécheresse persistante, la production agricole et les exportations ont chuté en 2022, alors que les importations, notamment de nourriture, ont augmenté substantiellement. Le déséquilibre commercial a pu être compensé principalement par une hausse des subventions officielles, et le déficit courant est resté stable à 16,8 % du PIB, malgré le ralentissement des remittances.

La baisse des prix des matières premières a permis de relâcher les tensions sur les prix et l’inflation est redescendue à 6,1 % en fin d’année 2022, et devrait continuer de redescendre à 3,7 % à fin 2023. Les réserves sont restées supérieures au seuil plancher prévu dans le programme.

Le secteur bancaire a continué de croître, avec +25 % de croissance des dépôts et crédits au secteur privé en 2022. Le secteur financier somalien est constitué aujourd’hui de 13 banques qui ont essentiellement une gestion de caisse et sont de trop faible taille pour soutenir l’économie. Le système bancaire, embryonnaire, n’est habilité à fonctionner qu’en Somalie, sans interconnectivité avec le reste du monde.

Sur le plan fiscal, les subventions publiques et les solides recettes fiscales ont permis de dégager un excédent budgétaire en 2022 (2,4 MUSD ; +0,03 % du PIB). Les recettes intérieures ont dépassé de près de 16 MUSD le seuil plancher fixé dans le programme. Les dépenses totales sont restées légèrement inférieures aux attentes, bien que les dépenses en biens et services aient été plus élevées que prévu.

Les transferts de la diaspora sont revenus à leur niveau d’avant-crise sanitaire. Selon le gouverneur de la CBS, ces transferts représenteraient un apport annuel de 2,3 Mds USD en 2021 (environ 2,1 Mds USD selon le FMI, contre 1,7 en 2020), soit 28 % d’un PIB nominal estimé à 8 Mds USD par le FMI [3], maintenant la balance des paiements.

La DSA n’a pas beaucoup évolué depuis celle de juin 2022, la Somalie étant toujours en surendettement externe et public. La dette somalienne reste soutenable, sous réserve de la mise en œuvre intégrale de l'allégement de la dette dans le cadre de l'initiative PPTE, de l'initiative d'allégement de la dette multilatérale (IADM) et de l'assistance qui sera apportée au pays au-delà du point d’achèvement.

4. Programme FMI

La Somalie a conclu quatre programmes de référence (Staff-Monitored Program ou SMP) entre 2016 et 2020. Le FMI a approuvé en mars 2020 un nouveau programme mixant EFF et ECF, assorti de financements s’établissant à 395,5 MUSD, afin d’accompagner les autorités dans l’atteinte du point d’achèvement. Le FMI s’est dit satisfait des performances du programme FEC lors de la 5ème revue en mai 2023. Tous les critères de performance quantitatifs (CPQ) et les cibles indicatives (CI) pour la fin décembre 2022 ont été atteints, sauf le CPQ de décembre 2022 sur les dépenses relatives à la rémunération des employés, aux biens et services et aux imprévus. Cette revue a permis le décaissement de 7 MDTS (9,7 MUSD).

La perspective d’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE semble désormais crédible pour avant la fin de l’année 2023. 


[1] A fin décembre 2022, 5,6 millions de personnes, soit 1/3 de la population souffraient d’insécurité alimentaire aigüe.

[2] L'Union européenne a annoncé fin avril un projet d'une valeur de 4,5 MEUR visant à stabiliser les zones libérées dans les États de Galmudug, Hirshabelle, South West et du Jubbaland. Le projet se concentrera principalement sur la fourniture de services gouvernementaux cruciaux tels que la sécurité, l'eau et le maintien de la paix. Pour rappel, depuis le début de l’année 2023, l'UE a déjà attribué 72 MEUR à des projets humanitaires en Somalie, principalement en réponse à la sécheresse qui touche actuellement le pays.

[3] Les autres estimations présentes dans ce compte-rendu se fondent toutefois sur les données du WEO d’octobre 2021, qui estimait le PIB somalien à 5,0 Mds USD. Après la publication du WEO, la BM a procédé à un sondage consommation qui a permis de relever le PIB nominal de 5 à 8 Mds USD. Cette réévaluation n’est pas encore officielle mais a été prise comme PIB de référence pour ce CR.

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