Situation économique et financière

 Marquée par trois décennies de guerre civile, la Somalie est l’un des pays les plus pauvres au monde. Le pays est financé en grande partie par les remittances et laide au développement. La croissance, en hausse, se situerait à 2,8 % en 2023 après 1,7 % en 2022 mais reste faible au regard de la démographie. En décembre 2023, la Somalie a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE, entrainant l’allègement de sa dette publique totale à 776 MUSD fin 2023, soit 6,6 % du PIB contre 3,9 Mds USD, soit 37,4 % du PIB, à la fin de 2022.

1. Contexte géopolitique et gouvernance

Les institutions somaliennes sont extrêmement faibles, conséquence des trente années d’anarchie et de guerre civile qui ont suivi la chute de Syad Barre en 1991. L’architecture politique et administrative de l’État a disparu tandis que les clans se sont livrés à une lutte pour le contrôle du pouvoir. En août 2012, à l’issue de plusieurs années de travaux et d’incertitudes, une constitution provisoire a enfin été adoptée, conduisant à la mise en place d’institutions étatiques chargées de mettre en œuvre un agenda de réformes et d’organiser des élections générales. Celles-ci ont conduit en octobre 2016 à l’élection de Mohamed Abdullahi dit « Farmajo », au pouvoir jusqu’en mai 2022, avec l’élection d’Hassan Cheikh Mohamoud, après avoir prolongé son mandat de près d’un an. Le gouvernement somalien est pleinement collaboratif avec les bailleurs mais ne contrôle que Mogadiscio, la capitale du pays.

Les tensions sécessionnistes demeurent fortes, particulièrement au Somaliland, en discussions avec l’Ethiopie dans le cadre d’une reconnaissance par l’Ethiopie de l’Etat du Somaliland octroyant en retour un bail de 50 ans de 20 km de côtes au bord de la mer Rouge. Le Puntland s’est également déclaré autonome et rejette les amendements constitutionnels introduits par les autorités fédérales début 2024.

Les violences persistent, comme en témoignent les attentats récurrents perpétrés par Al-Shabaab – groupe terroriste affilié à Al Qaïda. On estimait ainsi à plus de 3,8 millions le nombre de déplacés internes (22 % de la population) en 2021. La Somalie reste confrontée à la sécheresse et à une grave insécurité alimentaire dans certaines régions, notamment celles occupées par Al-Shabaab. La situation en matière de sécurité s’est dégradée en 2023 du fait d’une recrudescence des offensives d’Al-Shabaab. La capacité opérationnelle du groupe terroriste reste importante et se manifeste par des attaques répétées comme de grande ampleur sur des bases militaires. Dans le cadre du retrait de l’ATMIS en décembre 2024, la crainte d’un vide sécuritaire a émergé, la nouvelle mission de maintien de la paix n’étant pas encore pleinement définie et devant avoir un effectif plus réduit (10 000 hommes). Les tensions avec l’Ethiopie, dans le cadre de l’accord avec le Somaliland pour le port de Berbera, complique la situation alors que la Somalie a demandé le retrait des forces éthiopiennes de son territoire.

2. Sructure de l'économie

Trois décennies de guerre civile ont considérablement appauvri le pays : le PIB somalien était de 5,5 Mds USD en moyenne entre 2011 et 2021. La croissance annuelle du PIB somalien s’est établie 3,1 % en moyenne entre 2013 et 2022, inférieure à la croissance démographique sur la même période (3,4 % selon les Nations Unies). Le PIB par habitant à prix constants stagne depuis 2012, évoluant en moyenne de 0,3 % par an. A prix courants, le PIB par habitant s’est élevé à 717,4 USD en 2023 selon le WEO. Selon le rapport 2023 sur la pauvreté en Somalie du Bureau National des Statistiques (SNBS), plus de 54 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté national de 2,06 USD par jour en 2022, alors que la croissance économique ne permet actuellement pas de réduire la pauvreté et de répondre aux larges besoins sociaux. Selon le rapport Integrated Food Security Phase Classification September 202325 % de la population serait encore confrontéà une insécurité alimentaire aiguë en 2023.

L’agriculture, principalement l’élevage, représente 60 % de l’économie et occupe 80 % de la population. Les services suivent avec 32 % du PIB, notamment les télécommunications, le commerce et les services financiers. Enfin, l’industrie ne représente que 7 % du PIB, une part faible au regard de la moyenne en Afrique subsaharienne (29 %).

 3. Conjoncture macroéonomique

Depuis 2020, la Somalie est confrontée à de multiples chocs, externes (pandémie, invasion de criquets, guerre en Ukraine, pénuries et hausses des cours mondiaux), comme domestiques (sécheresses et inondations avec l’arrivée de El Niño récemment, pressions inflationnistes affectant l'accès aux importations de denrées alimentaires, risques sécuritaires élevés), qui ont aggravé l’insécurité alimentaire et entraîné le déplacement de populations. La croissance somalienne s’est élevée à 2,8 % en 2023 selon le WEO davril 2024, en ligne avec les prévisions du WEO précédent. La croissance progresse de 0,4 pts de PIB par rapport à 2022, grâce à la reprise de la production et des exportations agricoles, dans un contexte d’amélioration des conditions météorologiques. En 2024, la croissance devrait atteindre 3,7 % grâce à l’amélioration continue des rendements des cultures et de l'élevage. A moyen terme, le FMI prévoit que la croissance atteigne 4,3 % d’ici 2028, dans l’hypothèse où les réformes structurelles porteront leurs fruits et que de nouveaux financements seront possibles après l’initiative PPTE. De nombreux risques, notamment sécuritaires pèsent cependant sur le pays.

Les prix des denrées alimentaires et des carburants ont diminué, mais l'inflation reste relativement élevée, avec un taux de 6,6 % en décembre 2023, révisée à la hausse à 6,1 % en moyenne annuelle sur 2023 dans le WEO davril 2024 (5,7 % lors du WEO d’octobre 2023). Pour 2024, les prévisions d’inflation ont été revues à la hausse également à 4,8 % (contre 4,1 % lors du WEO précédent). A long terme, l’inflation devrait se stabiliser à un peu plus de 3 %, la Somalie demeurant de facto un pays dollarisé.

La Somalie enregistre un déficit courant structurel, qui s’est aggravé pour atteindre -9,6 % du PIB en 2023, contre -8,0 % en 2022. Cette hausse s’explique notamment par le ralentissement des envois de fonds en 2023, bien qu'ils aient retrouvé leur niveau pré-Covid, en partie à cause de l’impact de l’inflation mondiale sur le pouvoir d'achat de la communauté de la diaspora. Les transferts représenteraient un apport annuel de 2,1 Mds USD en 2021, soit 28 % d’un PIB nominal estimé à 8 Mds USD par le FMI, compensant le déficit commercial. En 2023, la Somalie a exporté 0,9 Md USD de marchandises et en a importé 1,2 Md USD.

La financiarisation se poursuit, mais part d'un niveau très bas. La croissance du crédit au secteur privé s'est accélérée en novembre 2023, approchant les 40 %, mais demeure inférieure à 5 % du PIB. Les banques sont plutôt bien capitalisées et liquides, et les prêts non performants sont restés inférieurs à 3 % au T3 2023. Le secteur financier somalien est constitué aujourd’hui de 13 banques qui ont essentiellement une gestion de caisse et sont de trop faible taille pour soutenir l’économie, ainsi que de 12 sociétés de transferts de fonds (hawalas). Le système bancaire, embryonnaire, n’est habilité à fonctionner qu’en Somalie, sans interconnectivité avec le reste du monde.

4. Finances publiques

Un léger excédent budgétaire de 0,2 % du PIB a été dégagé en 2023, grâce à une baisse des dépenses (6,2 % du PIB), contrainte par le recul des recettes (6,4 % du PIB, dons inclus). La baisse des recettes est imputable au recul des taxes sur les biens et services, des taxes sur le commerce et les transactions internationales ainsi que d’une baisse des dons des bailleurs multilatéraux.

A l’issue du point d’achèvement de l’initiative PPTE, l’allègement de la dette publique totale somalienne porte le niveau de dette du pays à 776 MUSD fin 2023, soit 6,6 % du PIB contre 3,9 Mds USD, soit 37,4 % du PIB, à la fin de 2022. La dette publique totale en termes nominaux devrait augmenter pour atteindre 778 MUSD fin 2024, soit 6,1 % du PIB à la fin de 2024. La majorité de la dette publique est externe. Selon le FMI, le ratio de la dette extérieure au PIB passerait de 11 % en décembre 2023 à 10,3 % en 2028. Après la mise en œuvre complète de l'allégement de la dette au titre de l'initiative PPTE, de l’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM) et de l'assistance apportée au pays au-delà de l’atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE, le risque externe et global de surendettement de la Somalie sont évalués comme étant modérés.

 5. Programme FMI

Le conseil d’administration du FMI a approuvé le 13 décembre 2023 latteinte du point dachèvement de linitiative PPTE pour la Somalie portant sur l’annulation complète de l'encours de la dette éligible dans le cadre du financement avant le point de décision (252,9 MDTS).

Le 19 décembre 2023, le conseil d’administration du FMI a approuvé un programme au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC) de 36 mois pour un montant total de 75 MDTS (100 MUSD ou 45,9 % de la quote-part). La 1ère revue de la FEC a été approuvée par le FMI le 29 mai 2024, entrainant le décaissement de 7,5 MDTS (4,6 % de la quote-part).

Bien que l'allègement de la dette ait permis de reconstituer une marge de manœuvre contre les chocs, la Somalie reste très exposée aux risques sécuritaires, économiques, politiques et climatiques et sa capacité très faible à lever des taxes limite fortement sa capacité d’emprunt. Le FMI souligne la nécessité de renforcer la mobilisation des recettes nationales, les institutions de gestion de la dette et les capacités institutionnelles. De plus, avec l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, le rééquilibrage de la composition du financement des dons vers les prêts affectera directement les besoins d'emprunt et donc le déficit courant, même si le financement extérieur est supposé concessionnel.

 

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