SINGAPOUR
Situation économique et financière de Singapour
Singapour a su tirer parti de sa situation géographique pour s’établir comme une plaque tournante du commerce régional et mondial
Petit pays, dépourvu de ressources naturelles, associé aux quatre « dragons » asiatiques, Singapour se caractérise aujourd’hui par l’un des PIB par habitant les plus élevés au monde : autour de 73 000 USD (2ème derrière le Luxembourg en parité de pouvoir d’achat selon le FMI). L’emplacement stratégique de la cité-Etat, à la pointe du détroit de Malacca, et au cœur de l’Asie du Sud-Est, en fait un centre névralgique du commerce régional et mondial : 2ème plus grand port à conteneurs, derrière Shanghai, 27 accords de libre-échange en vigueur. Cette situation lui permet de développer des activités industrielles (26% du PIB en 2021) et financières (15% du PIB). La cité-Etat est classée 3ème place financière en Asie, derrière Hong-Kong et Shanghai d’après le Global Financial Centres Index (GFCI) et se distingue dans la gestion d’actifs et le marché des changes (3ème mondial) où elle talonne Hong-Kong dans les classements.
Le modèle économique singapourien repose sur une forte ouverture au commerce international et aux investissements étrangers, avec un environnement des affaires et une fiscalité attractive. La stratégie économique proactive du gouvernement vise à organiser la montée en gamme de l’industrie et des services en attirant : i) le commerce (égal à environ trois fois le PIB) ; ii) les investissements étrangers (quatre fois le PIB en stock d’IDE) ; et iii) la main d’œuvre étrangère (un tiers de la population active, travailleurs domestiques compris). Son cadre règlementaire et fiscal en fait une place de choix pour la localisation des profits et des sièges d’entreprises dans la région : près de la moitié (46%) des sièges régionaux asiatiques se trouvent à Singapour selon l'agence gouvernementale Economic Development Board (EDB).
Singapour a progressivement réorienté ses échanges vers la Chine, qui représente son 1er excédent commercial. Au cours des vingt dernières années, la part des exportations de Singapour vers la Chine et Hong Kong a fortement augmenté (de 15 à 28% des exportations totales entre 2002 et 2021), au détriment des Etats-Unis (de 15 à 8%), de l’UE (de 11 à 8%) et du Japon (de 7 à 4%). Illustrant l’intégration commerciale croissante de la région, l’ASEAN est également, en 2021, le 2ème client (27%) de Singapour en agrégat, et son 1er fournisseur.
Singapour se démarque dans le commerce de gros, la finance et l’industrie à forte valeur ajoutée. Les secteurs les plus importants de l’économie sont : i) le secteur manufacturier (22% du PIB, avec l’électronique, la chimie, le biomédical et l’ingénierie de précision) ; ii) le commerce de gros (18%) ; iii) la finance et l’assurance (15%). Son marché intérieur étant réduit, plus des 2/3 de la production industrielle est exportée. Les revenus des exportations contribuent à alimenter un excédent courant structurel (18% du PIB en 2021) et les réserves de change (égales à un peu plus d’une fois le PIB).
L’efficacité de sa stratégie sanitaire et un niveau inédit de dépenses publiques ont permis à l’économie de Singapour de rebondir rapidement
Alors que l’économie s’était contractée de 4,1% en 2020, au plus fort de la crise, l’année 2021 s’est soldée par un rebond spectaculaire du PIB, de l’ordre de 7,6%. La cité-État a ainsi affiché la croissance la plus forte d’Asie du Sud-Est, une performance qui s’explique notamment par le succès de sa campagne vaccinale (plus de 80% de couverture dès l’été 2021) qui a facilité une réouverture progressive mais précoce de l’économie et permis une relance plus rapide des activités. Singapour a en outre bénéficié de sa spécialisation industrielle sur des secteurs à forte valeur ajoutée (chimie, pharmacie et semi-conducteurs) qui ont bénéficié de la crise sanitaire.
Les autorités ont engagé un montant inédit de dépenses publiques pendant la crise, aboutissant à un déficit public record en 2020 (-6% du PIB), ramené à -0,2% du PIB en 2021. Pour équilibrer le budget, l’Etat a massivement recouru aux Net Investment Return Contributions (NIRC) provenant des revenus de Temasek et GIC, et du placement des réserves de la banque centrale, pour 32 Mds SGD en 2020 et 11 Mds SGD en 2021. Bien qu’élevée, la dette publique brute (~146% du PIB) de Singapour n’est pas considérée comme un facteur de risque du fait de sa nature purement domestique ainsi que du montant nettement supérieur des actifs détenus par l’Etat, i.e. les réserves de change et les actifs des fonds souverains dont le total est estimé à plus de 1 000 Mds USD.
Comme d’autres pays, Singapour n’échappe pas, en 2022, aux pressions inflationnistes. Après une année 2020 légèrement déflationniste (-0,2%) et une inflation maîtrisée en 2021 (+2,3%), l’inflation a accéléré début 2022 pour franchir la barre des 5% en glissement annuel dès février. Cette situation est liée non seulement à l’impact indirect de la guerre en Ukraine, à travers l’envolée des cours des matières premières, mais aussi à des tensions internes se traduisant par des pressions sur les marchés du travail (renforcement des restrictions pour l’emploi d’étrangers) et de l’immobilier (relocalisations depuis Hong Kong et la Chine).
La banque centrale a assoupli sa politique monétaire en avril 2020, avant de la resserrer à deux reprises, en octobre 2021 et avril 2022. Le pilotage de la politique monétaire à Singapour est singulier puisque l’Autorité Monétaire de Singapour (la MAS) utilise le taux de change comme instrument de politique monétaire et non pas les taux d’intérêt. Cette spécificité s’explique par la grande ouverture de l’économie, ce qui la rend sensible à l’inflation importée. Un resserrement monétaire se traduit ainsi par une légère appréciation du taux de change effectif nominal du dollar singapourien (raccourci S$NEER) par rapport à un panier de devises fixé par la MAS.
Singapour accuse néanmoins des faiblesses structurelles propres à d’autres économies avancées
Singapour est confrontée à un phénomène de vieillissement démographique susceptible de peser à terme sur sa croissance potentielle. Une partie de la population s’estime également lésée dans les bénéfices de la croissance (Singapour présente un coefficient de Gini supérieur à la moyenne de l’OCDE et un nombre élevé de millionnaires), ce qui résulte en une demande croissante de dépenses sociales et de santé. Dans ce contexte, les autorités ont poursuivi le resserrement de la politique migratoire depuis 2014, ce qui a eu pour effet de réduire le nombre de travailleurs étrangers de près de 20% entre fin 2019 et fin 2021 (hors travailleurs domestiques et ouvriers bénéficiant d’un Work Pass). Le gouvernement continue en parallèle d’investir dans des domaines d’avenir afin de redresser la productivité (Fintechs, biomédical, Agrifood tech, transition énergétique, etc.).
La forte insertion du pays au commerce international est à la fois un atout et une faiblesse. Singapour est l’un des pays de la région les plus intégrés aux chaines de valeurs centrées sur la Chine, dont la croissance connait depuis peu un ralentissement. Le poids des échanges extérieurs a tendance à rendre le pays vulnérable aux chocs générés par les tensions sur les chaînes d’approvisionnement. D’autre part, la crise sanitaire a mis en lumière la dépendance du pays aux importations alimentaires, couvrant près de 90% de ses besoins. La cité-Etat a introduit une stratégie visant à atteindre 30% d’autonomie alimentaire d’ici 2030 mais cet objectif sera difficile à atteindre en raison de l’étroitesse du territoire (enclave de 728km²) et des coûts de production élevés.
Les enjeux climatiques ont une influence croissante sur la politique économique. Début 2022, la cité-État a annoncé viser la neutralité carbone autour de 2050, ce qui passera notamment par un changement de son mix électrique (95% de gaz naturel). Singapour est aussi le 1er pays de la région à avoir introduit une taxe carbone. Alors que les hubs pétrolier, portuaire et aéroportuaire sont au cœur de l’activité économique, la transformation du modèle énergétique de Singapour est un enjeu central aujourd’hui, comme l’illustrent les nombreuses mesures annoncées pour décarboner l’activité et encourager l’usage de sources alternatives aux énergies fossiles.
Annexes graphiques
Sources : département des statistiques singapouriennes (SingStat), base de données économiques CEIC, FMI
Annexe 1 – Évolution du PIB de Singapour en niveau (M USD courants)
Commentaire : le modèle économique singapourien a permis au pays de connaître un rattrapage extrêmement rapide depuis son indépendance en 1965. C’est la 3ème économie de la région, derrière l’Indonésie et la Thaïlande.
Annexe 2 – Croissance réelle du PIB
Commentaire : le niveau de la croissance singapourienne est en moyenne supérieur aux pays développés, ce qui s’explique notamment par son exposition à la Chine. Au T1-2022, la croissance est de 3,6% en glissement annuel.
Annexe 3 – Décomposition du PIB du point de vue des dépenses en 2021
Commentaire : en 2021, le commerce extérieur est le principal contributeur à la croissance (5,0 points de contribution au PIB), suivi de l’investissement en capital fixe (1,7 pt) et des dépenses de consommation (0,8 pt).
Annexe 4 – Décomposition sectorielle de l’activité économique (% du PIB)
Commentaire : les activités de commerce de gros (18% du PIB, dont le poids traduit l’importance des activités de réexportation), la finance (15%) et l’industrie électronique (9%) sont les trois premiers secteurs de l’économie.
Annexe 5 – Comparaison internationale du PIB par habitant (USD courants)
Commentaire : Singapour connaît de fortes inégalités de revenus : l’indice de Gini, qui mesure l’inégalité de revenus des ménages (le 0 correspondant à la plus parfaite égalité théorique), a diminué, passant de 0,46 en 2015 à 0,44 en 2021, mais reste loin derrière les pays les plus égalitaires (indice de l’ordre de 0,2).
Annexe 6 – Échanges commerciaux annuels de biens (Mds USD)
Commentaire : Du fait du rôle de plateforme commerciale régionale joué par Singapour (2nd port de conteneurs, 20% du trafic de transbordement mondial), les exportations sont composées à 55% de biens réexportés. Singapour ne possède pas de gisements d’hydrocarbures mais raffine du pétrole importé, qui est ensuite réexporté principalement vers la Malaisie, l’Indonésie et l’Australie.
Annexe 7 – Principaux partenaires commerciaux
Commentaire : Le 1er fournisseur de Singapour en agrégat est l’ASEAN (23% des importations totales). Le principal pays d’importations de la cité-Etat est la Chine (14%, Hong Kong compris). En 2021, la France est son 9ème fournisseur mondial et 1er fournisseur européen.
Annexe 8 – Inflation mensuelle (en %, glissement annuel)
Commentaire : L’inflation continue d’augmenter en 2022 (+5,6% g.a. en mai), sur fonds de tensions salariales et de hausse des cours de l’énergie et de l’alimentaire du fait du conflit Russie-Ukraine.
Annexe 9 – Taux de change (mensuel, fin de période)
Commentaire : Face à la crise sanitaire, les autorités ont laissé la devise singapourienne se déprécier légèrement, en particulier vis-à-vis du dollar US, avec un point bas atteint en mai 2020 (1,43 SGD = 1 USD), avant de revenir progressivement vers 1,35 SGD pour 1 USD à l’été 2021 et à 1,39 SGD pour 1 USD en juin 2022.
Annexe 10 – Taux de chômage et taux de participation à l’emploi
Commentaire : En 2022, le marché du travail est en situation de quasi plein-emploi (taux de chômage de 2,2% en avril) mais avec de fortes difficultés de recrutement (ratio historiquement élevé de 2,42 offres par demandeur d’emploi).
Annexe 11 – Finances publiques (M SGD)
Commentaire : Les trois principaux postes de dépenses du budget singapourien sont la santé (19% du total), la défense (16%) et l’éducation (13%). À long-terme, les dépenses de santé devraient augmenter fortement du fait du vieillissement de la population - elles ont déjà été multipliées par 11 entre 2002 et 2021.
Annexe 12 – Démographie et taux de fécondité
Commentaire : la croissance démographique de Singapour a atteint un plus bas depuis 1965 en 2021 (+1,1%). En outre, le nombre de Singapouriens âgés de plus de 65 ans a progressé de 9% en seulement dix ans.
Annexe statistique