L’Arabie saoudite poursuit ses efforts de diversification économique malgré un contexte budgétaire plus contraint
Le 2 décembre 2025, le gouvernement saoudien a approuvé le budget 2026. Celui-ci a été présenté officiellement le 3 décembre à Riyad, lors d’une session à laquelle nous avons eu le privilège d’assister, rassemblant les représentants de douze ministères. Le budget 2026 s’inscrit dans une inflexion assumée de la Vision 2030 : sans remettre en cause l’effort d’investissement, l’Arabie saoudite accepte d’ajuster, voire d’abandonner certains projets, au profit d’une exécution plus disciplinée et efficiente. Les dépenses restent élevées mais sont redéployées vers des priorités jugées structurantes (infrastructures, logistique, industrie, transition énergétique) dans un contexte de consolidation budgétaire progressive, avec un déficit attendu à 3,3 % du PIB. L’effort de diversification se poursuit donc, dans un contexte de recettes pétrolières toujours volatiles. La soutenabilité de la trajectoire dépendra de l’exécution réelle et des hypothèses pétrolières.
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Le ministère saoudien des Finances prévoit une croissance de 4,4 % en 2025, tirée par la croissance non pétrolière à 5 %
Approuvé le 2 décembre, le budget 2026 [1] confirme des perspectives économiques favorables pour 2025, avec une croissance réelle attendue de 4,4 %, tirée par le dynamisme des activités non pétrolières estimé à 5 %. Les données publiées pour le troisième trimestre 2025 confirment cette tendance, indiquant une hausse du PIB de 4,1 % sur un an, tirée par la solidité des secteurs non pétroliers (+4,7 %, contre 3,9 % pour le PiB pétrolier). Cette dynamique est largement portée par la vigueur de la consommation intérieure, qui soutient le commerce de gros et de détail, le rebond de l’hôtellerie-restauration et la croissance de secteurs tels que le tourisme, le divertissement et la construction. Cette trajectoire devrait se prolonger en 2026, avec une croissance attendue à 4,0 %. Les projections du FMI se montrent légèrement plus prudentes, tablant sur 4,0 % en 2025, puis 3,0 % à moyen terme.[2]
Ces dynamiques s’inscrivent dans un environnement plus favorable à l’investissement : les entrées d’IDE ont atteint près de 32 Md USD en 2024, dépassant l’objectif annuel fixé à 29 Md et progressant de plus de 24 % sur un an. Ce montant reste toutefois très en deçà de l’objectif de long terme de la Vision 2030, qui vise des flux annuels d’IDE équivalents à 5,7 % du PIB à horizon 2030, soit 100 Md USD, illustrant l’écart entre les objectifs affichés et la dynamique actuelle.
L’inflation resterait quant à elle contenue, autour de 2,3 %, dans un contexte de stabilité des prix.
- Les finances publiques resteraient sous pression en 2025, malgré une hausse continue des recettes non pétrolières
Sur le plan budgétaire, les recettes sont attendues 291 Md USD en 2025, soit un recul d’environ 7,8 % par rapport au budget initial, principalement en raison de recettes pétrolières plus faibles qu’anticipé. Les recettes non pétrolières continueraient toutefois de progresser et représenteraient près de 46 % du total. Les dépenses publiques s’établiraient à 356 Md USD, traduisant la poursuite du financement des projets prioritaires de la Vision 2030. La ville de Riyad concentre une part croissante de cet effort, portée par des projets à échéances incompressibles, notamment l’Expo 2030 et la Coupe du monde 2034.
Dans ce contexte, le déficit budgétaire atteindrait 65 Md USD (–5,3 % du PIB) selon les estimations actualisées du ministère. Pour 2026, le budget prévoit une légère amélioration des finances publiques : les recettes augmenteraient 306 Md USD, portées par une activité non pétrolière dynamique, tandis que les dépenses seraient ramenées à 350 Md USD, permettant une réduction du déficit à
44 Md USD (–3,3 % du PIB).
Les hypothèses de prix du pétrole ne sont pas précisées dans le rapport budgétaire. Selon les estimations de la banque SNB Capital, le budget 2026 reposerait implicitement sur un prix du baril de l’ordre de 60–63 USD, nettement inférieur au prix d’équilibre budgétaire estimé autour de 85–90 USD, ce qui explique en partie le maintien d’un déficit à moyen terme.
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Dans ce contexte de besoins de financement accrus, le budget prévoit une hausse du ratio d’endettement, portée par une stratégie de financement diversifiée du NDMC [4]
Le rapport budgétaire 2026 prévoit une hausse du ratio d’endettement, qui atteindrait 31,7 % du PIB en 2025, contre 25,9 % en 2024. Cette hausse s’inscrit dans la stratégie budgétaire du gouvernement et reflète les choix opérés dans le cadre de la diversification économique : poursuivre les investissements dans les secteurs non pétroliers, soutenir l’avancement des projets structurants de la Vision 2030. Lors de la présentation du budget, le ministre des Finances a rappelé que le Royaume entend préserver une trajectoire de dette prudente, précisant que les autorités ne souhaitent pas dépasser un ratio de 40 % du PIB, afin d’éviter tout effet d’éviction et préserver la capacité du secteur privé à accéder au financement domestique, dans un contexte de liquidité sous tension (cf. Graphique 5).
La stratégie de financement présentée dans le rapport budgétaire 2026 confirme que la dette saoudienne demeure majoritairement domestique (77 % du portefeuille). Le NDMC poursuit une approche privilégiant le recours au marché intérieur, notamment via l’émission d’obligations et de Sukuk, dans un marché désormais plus profond, qui comptait 66 instruments listés à la fin du troisième trimestre 2025. Sur l’ensemble de l’année 2025, les émissions domestiques de Sukuk se sont élevées à environ 16,3 Md USD, contribuant ainsi de façon significative à la couverture des besoins de financement liés aux projets de la Vision 2030. Le recours aux marchés internationaux demeure, quant à lui, utilisé de manière opportuniste lorsque les conditions de financement sont favorables.
En complément, le budget met en avant l’essor de financements alternatifs, en particulier pour les projets d’infrastructures. Le NDMC entend recourir davantage aux mécanismes adossés à des projets (project-based financing), aux partenariats publics privés (PPP), et aux agences de crédit export, afin de diversifier les sources de financement et d’optimiser le coût de la dette. Si cette stratégie contribue à contenir la dette publique au sens strict, elle s’accompagne d’une augmentation des engagements hors budget, portés par les entités publiques, le National Development Fund et le PIF, ainsi que par les engagements futurs liés aux PPP. À ce titre, le FMI souligne, dans son dernier Article IV, la nécessité d’une consolidation élargie du secteur public pour apprécier pleinement les risques budgétaires.
Le cadre budgétaire plus contraint conduit les autorités saoudiennes à arbitrer plus strictement les projets financés directement par l’État, ce qui se traduira par une priorisation accrue des projets jugés stratégiques. Dans ce contexte, les opportunités pour les entreprises se déplacent vers des projets structurés, notamment les PPP et les infrastructures prioritaires associées à la Vision 2030. Le recours croissant à des financements structurés (intégrant notamment des crédits export) modifie la nature de la concurrence : au-delà de l’offre technique, la capacité des entreprises à adosser leurs propositions à des solutions de financement attractives et à des coûts compétitifs devient déterminante pour remporter les appels d’offres.
[3] Au 29 décembre 2025, le prix du baril de Brent est d’environ 61 USD
[4] National Debt Management Center
L’Arabie saoudite poursuit ses efforts de diversification économique
malgré un contexte budgétaire plus contraint