Les marchés publics en Arabie saoudite

Le processus d’appel d’offres et de passation des marchés saoudien est régi par la Government Tenders and Procurement Law (GTPL) promulguée en 2019. Les marchés publics sont répertoriés en ligne sur le portail Etimad, lancé en 2018 par le ministère des Finances, qui permet de simplifier et centraliser les procédures. L’Arabie saoudite accorde une importance majeure au contenu local pour ses marchés publics et privilégie ainsi ses entreprises nationales. De plus, depuis le 1er janvier 2024, dans le cadre du programme Regional Head Quarters, les entreprises étrangères possédant leur siège régional en Arabie saoudite sont désormais prioritaires sur les marchés publics saoudiens. Ce programme fait partie des initiatives du pays visant à accroître les investissements étrangers, renforcer son positionnement régional, diversifier son économie et soutenir l’emploi local.

I/ Principes généraux des marchés publics en Arabie saoudite

En Arabie saoudite, le processus d’appel d’offres et de passation des marchés est régi par la loi sur les appels d’offres et les marchés publics : Government Tenders and Procurement Law (GTPL). Cette loi, amendée et promulguée en 2019, réglemente les accords commerciaux entre les organismes privés et les entités gouvernementales. Ainsi, le gouvernement saoudien autorise tous les individus, établissements et entreprises agréés par le ministère de l’Investissement[1] à participer à ses appels d'offres. La loi vise également à réguler et simplifier les procédures tout en prévenant les conflits d’intérêt, à promouvoir l’intégrité et la compétitivité en assurant un processus équitable et juste, à assurer la transparence des procédures et enfin à renforcer le développement et la croissance économique du pays (art. 2).

Dans l’objectif de simplifier le processus, le ministère des Finances a lancé en 2018 le portail Etimad, le système électronique national de passation des marchés publics. Les appels d’offres doivent tous être répertoriés sur ce portail, accessible en ligne, et permettant au gouvernement de centraliser les procédures (art. 29). Ce portail ne fait toutefois pas office de commission centrale pour les appels d’offres et chaque agence gouvernementale dispose de sa propre autorité contractante. De plus, les entreprises soumissionnaires doivent tenir compte des circulaires, résolutions et réglementations sectorielles qui peuvent, dans certains cas, modifier les dispositions de fond de la loi. C’est notamment le cas du secteur de la défense où la General Authority for Military Industries gère les activités d’achat d’armement de l’Arabie saoudite (art. 32).

A travers le GTPL, le gouvernement saoudien promeut avant tout le contenu local. En effet, le texte exige que la priorité soit accordée aux personnes et établissements saoudiens, ainsi qu’aux autres fournisseurs majoritairement saoudiens (art. 9). Cela se matérialise par une préférence de prix de 10 % pour les contractants et produits nationaux par rapport aux étrangers sur les appels d’offres nationaux. Ce mécanisme attribue également un poids de 40 % au contenu local et aux entreprises cotées sur le marché financier lors de la phase d’évaluation des offres, en plus d’un poids de 60 % pour le prix. L’Arabie saoudite donne également la priorité aux pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) dans ses marchés publics. Ils peuvent bénéficier d’une préférence de prix pouvant aller jusqu’à 10 % par rapport aux autres pays[2]. Cette exigence de contenu local s’applique aussi aux soumissionnaires étrangers qui doivent mettre en place un certain nombre de dispositions comme la mise en place de programmes de formation pour les ressortissants saoudiens.

 

II/ Le programme RHQ, de nouvelles spécificités pour les entreprises

En plus des dispositions de la GTPL, le gouvernement saoudien a annoncé en 2021 que les entreprises souhaitant répondre à des appels d'offres publics devraient établir un siège régional en Arabie saoudite. Cette disposition est entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2024 et s'applique aux appels d'offres répertoriés sur le portail Etimad. Le programme, intitulé Regional Head Quarters (RHQ) est dirigé par le ministère de l’Investissement (MISA) et la Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC). Il fait partie des initiatives du pays visant à accroître les investissements étrangers, renforcer son positionnement régional et diversifier son économie. Pour être éligibles, les sièges régionaux doivent agir en tant que « centre de pouvoir administratif » dans la zone MENA et ne sont pas destinés à mener des opérations commerciales. La réglementation impose également d’employer au moins 15 salariés à temps plein, dont trois cadres supérieurs (C level)[3].

Les exemptions à cette disposition sont relativement limitées. En effet, l’Arabie saoudite prévoit de se diriger vers des entreprises ne répondant pas aux exigences RHQ que pour des marchés très spécifiques pour lesquels les soumissionnaires capables de répondre aux exigences techniques ne sont que très restreints. Les autorités gouvernementales pourront également passer un contrat avec une entreprise multinationale sans siège régional situé en Arabie saoudite, ou avec une partie liée à ladite entreprise, si elle est au moins 25% moins cher que la concurrence. Le Ministère de l’Investissement a toutefois précisé qu’il était possible d’adapter et d’assouplir certains critères en fonction des spécificités des entreprises, ne fermant ainsi pas le dialogue.

Le ministère saoudien des Finances avait publié, le 27 décembre 2022, une nouvelle série de contrôles limitant fortement la capacité des agences gouvernementales saoudiennes à faire des affaires avec des sociétés multinationales qui n'ont pas de siège régional en Arabie saoudite. De plus, dès la fin de 2023, une série d’incitations fiscales valables pendant 30 ans ont été publiées dans la presse : 0 % de taux d’imposition sur le revenu et 0 % de retenu à la source sur les paiements effectués à des non-résidents.

 

III/ Les marchés publics de la Banque islamique de développement

La Banque islamique de développement (BIsD) est une banque multilatérale de développement dont le siège se trouve à Djeddah et qui a pour mandat le développement économique et le progrès social des pays membres et des communautés musulmanes à travers le monde. Elle participe aux fonds propres et accorde des prêts pour des projets, tout en fournissant une assistance financière aux pays membres sous d'autres formes. L'Arabie saoudite est de loin le premier actionnaire de la BIsD, à hauteur de 23,5 %. Leader de la finance islamique et premier émetteur mondial de Sukuk (obligations conformes à la loi islamique), la BIsD est une institution financière notée triple A dont les actifs d'exploitation s'élèvent à plus de 16 Md USD.  À ce jour, la BIsD a financé plus de 400 projets en Arabie saoudite pour une valeur de plus de 5 Md USD[4].

Les appels d’offres internationaux (AOI) de la BIsD peuvent à la fois être ouverts à toutes les nationalités ou bien réservés exclusivement aux pays membres. L’objectif est de fournir aux bénéficiaires plusieurs choix afin de sélectionner la meilleure offre et de donner aux soumissionnaires une opportunité équitable de participer à l’appel d’offres pour les biens, travaux et/ou services devant être acquis dans le cadre du financement de projet par la BIsD. Toutefois, la priorité est donnée aux industries et entreprises des pays membres de l’organisation (Chapitre 2, art. 1)[5]. La publication des appels d’offres par le bénéficiaire se fait en deux étapes. Dans un premier temps, il doit publier un Avis Général de Passation des Marchés (AGPM) sur le portail électronique de la BIsD, sur le portal Development Business de l’ONU (UNDB Online) ou sur DgMarket. L’AGPM doit en effet faire l’objet d’une publicité internationale. Dans un second temps, le bénéficiaire doit soumettre un Avis Spécifique de Passation des Marchés (ASPM) afin de publier les invitations à soumissionner et permettre aux soumissionnaires d’obtenir les documents de passation de marché et présenter leur candidature.

Du côté des entreprises, la BIsD privilégie un processus en une seule étape dans le but d’assurer la transparence de ses marchés. En effet, les soumissionnaires doivent remettre simultanément une Soumission technique accompagnée des documents de qualification ainsi qu’une Soumission de prix. L’attribution du marché est conditionnée à l’avis de Non-Objection de la BIsD et doit être effectuée pendant la période de validité des offres. Le Bénéficiaire doit par la suite publier la Notification d’Attribution de Marché dans UNDB en ligne ou sur le site DgMarket en plus du portail externe de la BIsD.

 

Commentaire :

Depuis 2019, le processus d’appel d’offres et de passation des marchés saoudien évolue vers une centralisation accrue des démarches avec un portail unique qui a vocation à s’imposer comme seul moyen de soumissionner.

Le contenu local est hautement valorisé dans le pays ce qui peut parfois freiner les investisseurs étrangers pour qui les exigences saoudiennes sont parfois trop élevées. L’entrée en vigueur du programme RHQ le 1er janvier dernier soulève de nombreuses interrogations du côté des potentiels soumissionnaires. A ce jour, le ministère de l’Investissement a annoncé que 400 entreprises avaient établi leur siège régional en Arabie saoudite. Nombreuses sont les entreprises à ne pas avoir encore sauté le pas et à se poser la question de la pertinence d’un tel investissement par rapport aux marchés qu’elles pourraient remporter.

Pour les entreprises qui ne satisfont pas à ces critères, elles peuvent se tourner vers de la sous-traitance auprès des entreprises ayant remporté les marchés et/ou vers des partenariats accrus avec des entreprises saoudiennes qui porteraient les projets. Néanmoins, l’Arabie saoudite autorise une sous-traitance à hauteur de 30 % dans ses marchés, ce qui limite fortement le champ d’action et les montants des contrats pouvant être passés sous ce format.



[1] Il est impératif pour les entreprises étrangères d’obtenir une licence MISA afin de créer leur entreprise en Arabie saoudite. La procédure à suivre est disponible sur le site du ministère.

[2] GCC Economic Agreement , via cet accord, le même traitement est accordé aux produits, services et prestataires de services nationaux ainsi que du CCG.

[3] Cf : « Le programme Regional Headquarters (RHQ) : faire levier sur la commande publique pour positionner l’Arabie saoudite en hub régional » SE de Riyad.

[4] En 2022, les trois premiers pays bénéficiaires des opérations de la BIsD étaient : l’Egypte (2,5 Md USD), le Pakistan (1,2 Md USD) et le Bangladesh (773M USD). L’Arabie saoudite avait elle bénéficié d’opérations d’un montant total de 55 M USD.

[5] « Directives pour l’acquisition de Biens, Travaux et Services connexes dans le cadre des Projets financés par la Banque Islamique de Développement », BIsD, Avril 2019.

 
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