Vision 2030 : bilan à mi-parcours

Impulsée en 2016, la Vision 2030 saoudienne repose sur trois piliers majeurs tels que la transformation économique, la gouvernance et la transformation sociétale, née du constat que la forte instabilité des cours du pétrole remettait en cause ce secteur en tant que moteur de la croissance, faisant naître à terme un risque majeur de forte augmentation du chômage, de baisse globale des revenus des ménages et de détérioration durable de la situation des finances publiques. Début 2024, 197 des 243 indicateurs clés de performance de la Vision ont atteint leurs objectifs sur leur trajectoire de 2030, dont 105 ont dépassé leurs objectifs à horizon 2024/2025.

 

1. Des indicateurs de la qualité de vie et de transformation sociétale majoritairement bien orientés et susceptibles de surperformer à court et moyen-terme

Sans équivoque, c’est dans l’autonomisation des femmes au sein de la société saoudienne et du marché de l’emploi que les résultats sont les plus positifs. Ainsi, le taux de participation des femmes au marché du travail[1] est passé de 23% à 34% entre 2016 et 2023, dépassant la cible de 30% pour 2030 (cf. annexes). De plus, 38% des établissements enregistrés dans les registres commerciaux appartiennent à des femmes à T4 2023[2], signe d’un réel dynamisme de l’entrepreneuriat des femmes dans le pays.

Les conditions de vie s’améliorent nettement avec une réelle prise de conscience de santé publique par les autorités saoudiennes. Aussi, le taux de couverture par des services de santé est passé de 84% à 96,5% entre 2016 et 2023, proche de la cible de 99,5% pour 2030. L’espérance de vie est, quant à elle, passée de 74 ans à 78 ans en 2023 (cible de 80 ans). Enfin, le pourcentage d’adultes pratiquant au moins une activité physique par semaine a atteint 36% pour une cible à 40% en 2030.

La vie, notamment dans les grands centres urbains du pays, donne un accès à un confort, à une offre culturelle et de divertissements de manière historique. La part moyenne par habitant dans les espaces publics est passé de 3,5 m² en 2015 à 6,2 m², dépassant la cible initiale de 4,65 m² pour 2023. Le nombre de lieux de divertissement a atteint 584 espaces pour une cible de 345 en 2023, ainsi que le nombre de journées d’évènements culturels qui s’est élevé à 4 000 pour une cible de 2 000 en 2023.

 

2. La diversification de l'économie saoudienne est plus lente et difficile que prévu

Au regard des objectifs fixés pour 2030 par les autorités, la diversification de l’économie saoudienne accuse d’un relatif retard qui interroge. Les indicateurs macroéconomiques ne semblent pas progresser comme les autorités le souhaiteraient. Alors que les activités non pétrolières ont, pour la première fois, contribué à hauteur de 50 % au PIB en 2023, la valeur du PIB non pétrolier reste en deçà des ambitions du royaume. Ce dernier n’a atteint que 504 Md USD en 2023 (405 Md USD en 2016), alors qu’il doit atteindre 1 325 Md USD d’ici 2030. La part des exportations non pétrolières dans le PIB non pétrolier se situe assez largement sous la trajectoire qu’elle devrait suivre : elle s’élevait à 24 % en 2023 (18 % en 2016) alors qu’elle doit atteindre 50 % d’ici 2030. Les difficultés autour de la diversification de l’économie s’observent également dans divers secteurs. À titre d’exemple, le tourisme, qui est un des secteurs clés identifiés par l’agenda 2030, n’a contribué qu’à hauteur de 4,5 % au PIB en 2023 (3,6 % en 2016) pour une cible fixée à 10 % en 2030. Bien que le Royaume ait annoncé avoir atteint la barre des 100 millions de touristes en 2023 et avoir ainsi dépassé l’objectif prévu pour 2030, seulement 27 millions étaient des touristes internationaux, dont près de 14 millions venus pour le pèlerinage.

Dans cette stratégie de diversification, le développement et l’autonomisation du secteur privé est un objectif majeur, porté en grande partie par le PIF et ses investissements domestiques. En 2018, le Royaume a lancé le « Privatization Program » afin de soutenir la croissance de l’économie nationale et renforcer le rôle du secteur privé, mais les objectifs économiques semblent encore loin. Le secteur privé, qui contribuait à hauteur de 40 % au PIB en 2016, ne contribuait à fin 2023 qu’à hauteur de 45 %, alors qu’il doit atteindre 65 % d’ici 2030. Le développement du secteur privé doit également contribuer à réduire le taux de chômage à 7 % d’ici 2030. Le taux de chômage global et celui des saoudiens ont atteint leur plus bas niveau au T4 2023, respectivement à 4,4 % et 7,7 % (-0,4 et -0,3 pp par rapport au T4 2022). Cette réduction est principalement portée par la baisse des taux de chômage global des femmes (-1,5 pp à 11,4 %) et des Saoudiennes (-1,7 pp à 13,7 %) aussi à leur plus bas.

Un autre volet essentiel du Privatization Program est l’attraction d’IDE. C’est peut-être l’indicateur le moins performant de l’agenda 2030, témoignant des difficultés qu’a le Royaume à convaincre les investisseurs internationaux. Le flux entrant d’IDE a représenté 2,4 % du PIB en 2023, contre 3,8 % en 2016, et alors que l’objectif est fixé à 5,7 % pour 2030. À un moment où l’Arabie saoudite a besoin de financements extérieurs pour financer ses gigaprojets, le faible flux entrant d’IDE pourrait entrainer des retards dans leurs réalisation. Ce sont pour le moment le PIF et les banques saoudiennes qui soutiennent financièrement ces projets.

 

3. Des indicateurs de mutations économiques (industries, énergies, logistique, gigaprojets...) à la croisée de leurs objetifs 2030, véritable enjeu pour juger de la réussite globale du plan de réformes

L’Arabie saoudite accorde une attention particulière au développement de son secteur industriel. Les indicateurs paraissent encourageants, puisqu’en 2017, le pays ne comptait que 7 206 usines contre 11 600 en 2023, mais pour une cible de 36 000 en 2035. En termes de local content, la part de localisation dans l’oil&gas a atteint 63%, dépassant de 4 points la cible initiale pour 2023, avec une cible de 75% en 2030. La part de localisation dans les industries militaires, secteur où le pays a moins d’antériorité, a certes atteint 10,4% en 2023, pour une cible initiale à 9%, mais est encore très loin de l’objectif assigné pour 2030, à savoir 50%.

Le développement du secteur énergétique, et particulièrement des énergies renouvelables, est aussi au cœur de la Vision 2030. Porté par le Programme National pour les Energies Renouvelables du Ministère de l’Energie, la Saudi Power Procurement Company (SPPC), et le Fonds souverain (PIF), ce plan vise à atteindre une capacité de 130 GW d’ici 2030, soit une part de 50 % d’énergies renouvelables au mix électrique national répartis entre 30 % d’éolien et 70 % de solaire. A ce jour, seules 5 phases d’appels d’offres ont été lancés et près de 20 GW ont été attribués dans le pays.

Au carrefour de trois continents, l’Arabie saoudite vise à améliorer son rang au niveau logistique dans les classements internationaux comme l’indice de performance logistique de la Banque Mondiale. Au 55ème rang mondial en 2018, elle se positionne au 38ème rang à ce jour, et cible une place dans les 10 premiers pays d’ici 2030. Pour se faire, elle a par exemple lancé quatre Zones économies spéciales (ZES) en avril 2023 (cf. annexes) ou encore prévu de construire 59 centres logistiques dans les six prochaines années, soit une superficie totale de plus de 100 millions de m².

Enfin, les gigaprojets, désignés comme « les joyaux de la couronne », sont un des éléments phares de la Vision 2030 que le pouvoir surveille avec attention. Les taux d’avancement diffèrent grandement selon les projets, certains étant particulièrement avancés comme King Salman Park (61%) et d’autres moins comme Neom (8%), chiffre à relativiser au regard de la taille du projet (cf. annexes). Toutefois, les récentes annonces font état d’un changement de calendrier avec de nouvelles échéances en 2040, voire 2050, en grande partie imputables aux tensions géopolitiques ainsi qu’à des contraintes financières causées par l’instabilité des cours du baril dont le pays est encore grandement dépendant.


[1] Le taux de participation des femmes saoudiennes à la population active s’élève à 35,5% fin 2023

 

 

Tableau récapitulatif de l'évolution des principaux indicateurs de la Vision 2030

Objectif

Indicateur

Base (2016)

Fin 2023

Cible (2030)

Développer et diversifier l’économie

PIB non pétrolier (Md USD)

405

504

1 325

Part des exportations non pétrolières dans le PIB non pétrolier

18%

24,10%

50%

Contribution du secteur privé au PIB

40,3%

45%

65%

Valeur totale cumulée des exportations des industries liées au pétrole et au gaz (Md USD)

34,4

161,4

563,7

Part de contenu local dans les secteurs du pétrole et du gaz

37%

63%

75%

Part du contenu local dans les dépenses du secteur non pétrolier

52%

56,8%

75%

Actifs sous gestion du PIF

192

750*

2000

Part des prêts accordés aux PME

2%

8,3%

20%

Pourcentage de localisation des industries militaires

7,7%

10,4%

50%

IDE entrant (% du PIB)

3,8%

2,2%

5,7%

Réduire le taux de chômage

Taux de chômage des saoudiens

12,3%

7,7%

7%

Taux d’activité des femmes

22,8%

34%

30%

Part des diplômés qui rejoignent le marché du travail dans les 6 mois suivant l’obtention de leur diplôme

13,3%

41,2%

75%

Part des diplômés de l'enseignement technique et professionnel rejoignant le marché du travail dans les six mois suivant l'obtention de leur diplôme

13,9%

45,8%

65%

Favoriser une vie saine et pleine de vitalité

Part des familles saoudiennes propriétaires d’un logement

47,0%

63,7%

70,0%

Part des zones couvertes par les services de santé

84,1%

96,4%

99,5%

Promouvoir les valeurs islamiques et l'identité nationale

Nombre total de pèlerins pour la Omrah venant de l'extérieur du Royaume chaque année (en millions)

6,2

13,6

30

Nombre de sites du patrimoine saoudien inscrits sur la liste de l'UNESCO

4

7

8

Renforcer l'efficacité des pouvoirs publics

Recettes non pétrolières (Md USD)

44

122

267

Classement dans l'indice e-Government Development Index des Nations unies

36

31

5

Favoriser la responsabilité sociale

Part des grandes entreprises qui proposent des programmes de responsabilité sociale

30%

64,8%

90%

Source : Rapport annuel 2023 de la Vision 2030

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