Situation économique et financière

1. Structure économique et conjoncture

A ce jour, l’économie rwandaise est dominée par les services qui représentent la moitié du PIB, dominés par le petit commerce. L’agriculture représente près de 35 % du PIB, et se caractérise par une faible productivité : elle représente le quart des exportations totales mais concentre l’essentiel de l’emploi. Enfin, l’industrie (18 % du PIB en 2019) s’appuie principalement sur la construction (40 %) et plus modestement le secteur minier (13 %) et la transformation agroalimentaire (11 %).

L’économie rwandaise se contracterait en 2020. Prévue à 2,0 % dans le World Economic Outlook (WEO) d’octobre et à 8,0 % avant la pandémie, la prévision de croissance pour 2020 a été révisée par le FMI à - 0,2 % lors de sa mission d’octobre. L’activité économique se redresse au 2nd semestre, notamment grâce aux mesures monétaires et de soutien à l’économie portées par le gouvernement, mais moins vite que prévu initialement. L’hôtellerie et la restauration sont particulièrement touchées par la crise (jusqu’à - 80 %). Le Fonds prévoit aussi un rebond plus timide en 2021 (5,7 % contre 6,2 % dans le WEO d’octobre).

Le maintien d’une croissance forte à long terme dépendra de la capacité du pays à relever les défis structurels. La stratégie nationale Vision 2050 ambitionne de faire du Rwanda un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure d’ici 2035 puis à revenu élevé d’ici 2050. Avant la crise, une croissance moyenne annuelle de 11 % aurait nécessaire sur les trente prochaines années pour atteindre ces objectifs. Les autorités souhaitent transformer le pays en un hub technologique, financier et d’affaires, pivot entre l’Afrique de l’Est et de l’Ouest. Toutefois, la faible taille du marché intérieur (12 Mhab) et l’enclavement du pays, exacerbé par le coût élevé des infrastructures (électricité la plus chère d’Afrique de l’Est) et une mauvaise connexion avec les pays de la zone du fait de la faible qualité des routes[1], posent, avec l’instabilité politique régionale, de fortes contraintes sur ce développement.

2. Finances publiques

La pandémie pèserait pour 2,2 % du PIB sur les finances publiques pour l’exercice en cours, avec 1,4 % de moindres recettes, et 0,8 % de dépenses supplémentaires. Le déficit public, déjà revu à la hausse en février pour répondre aux dommages causés par de fortes pluies en début d’année, atteindrait 6,0 % du PIB sur 2020 contre 3,9 % précédemment. Les recettes domestiques s’établiraient à 20,1 % en 2020 contre 23,8 % en 2019, dû à une baisse des recettes issues des taxes (13,5 % du PIB contre 16,7 % en 2019). A moyen terme, elles seraient d’environ 21,0 %, contraintes par la baisse constante des dons, les bailleurs privilégiant de plus en plus les prêts concessionnels du fait de l’augmentation du PIB/habitant. En 2020, les dons devraient cependant augmenter, à 4,6 % du PIB (contre 4,2% en 2019). Les dépenses totales s’établiraient à 27,8 % en 2020 contre 28,8 % en 2019 et 26,4 % en 2018.

Le relâchement de la cible de déficit public par le FMI devrait faciliter la poursuite des investissements publics. Lors de sa dernière mission en juillet 2019, le FMI a acté la mise en place d’un programme non-adossé à des financements (Policy Coordination Instrument), qui s’est accompagné d’un relâchement de la cible de déficit budgétaire de 3,0 % à 5,5 % du PIB pour 5 ans renouvelables. Cet espace budgétaire doit permettre de dégager des financements supplémentaires pour les grands projets, l’éducation et la santé. Par ailleurs, l’émission d’un second Eurobond, est attendue à horizon 2023, au moment de l’arrivée à échéance de celui de 2013 de 400 MUSD.

La dette publique[2] a augmenté de 45,0 % en 2018 à 51,4 % en 2019 et atteindrait 61,6 % en 2020. Elle est à 80 % externe, dont les deux tiers sont détenus par les bailleurs multilatéraux. Le tiers restant est partagé à part égale entre les créanciers commerciaux, bilatéraux et garanties détenues par les entreprises publiques. Après un maintien fin mars, le FMI a finalement relevé le risque de surendettement de faible à modéré en juin 2020.

3. Situation externe

La balance commerciale du pays est structurellement déficitaire et se creuse continuellement depuis 15 ans : son solde est passé de -200 MUSD en 2002 à -1,5 Mds USD en 2019. Selon l’UNCTAD, la part des exportations agricoles est en baisse constante : le café ne représente ainsi plus que 6,8 % des exportations totales contre près du quart il y a 10 ans. En revanche, la part des minerais augmente fortement à 54 % ; l’or y représenterait à lui seul 36 % des exportations selon l’UNCTAD, un chiffre contesté par le FMI qui l’évalue à moins de 10 %. Ce désaccord reflète la difficulté d’accéder à des données transparentes en la matière. Les importations sont pour leur part composées à un tiers par du matériel de transport et à un tiers par des biens manufacturés. Leur hausse continue depuis 2003 s’explique notamment par la mise en œuvre des grands projets publics. Le Rwanda est déficitaire vis-à-vis de la CAE, un déficit qui se creuse fortement depuis 2004 pour atteindre 285 MUSD en 2018. En revanche, la RDC a reçu 14 % des exportations rwandaises contre moins de 1 % il y a 10 ans.

Le déficit courant (dons inclus) se creuserait à 16,7 % du PIB en 2020 contre 9,2 % l’année précédente, dégradé par la baisse des flux du tourisme qui passent de 411 MUSD en 2019 à 82 MUSD en 2020. Le déficit commercial passerait de 10,6 % en 2019 à 10,8 % en 2020. Les exportations totales devraient diminuer de 19 %, touchées par l’impact des perturbations logistiques sur les exports de thé, café et minerais ainsi que par le ralentissement du commerce mondial induit par la pandémie. Malgré une augmentation de 5 % des importations de nourriture et de produits médicaux pour lutter contre la pandémie, les importations totales diminuent de 7 % aussi impacté par la baisse du cours du pétrole. Pour 2020, la RCF du FMI de 110 MUSD, l’appui de la Banque mondiale (100 MUSD) et celui des autres donneurs (180 MUSD) permettent de combler une partie des besoins en financement extérieurs additionnels estimés à 433 MUSD. Une seconde RCF pour un montant équivalent a été approuvée en juin.

La dette extérieure devrait croître, de 53,9 % du PIB en 2019 à 63,1 % en 2020 et est jugé à risque « modéré ». Les stress-test indiquent que celle-ci est plus sensible aux chocs externes par rapport à la période pré-pandémie. Cependant, la valeur actualisé (VA) de la dette externe / PIB (34,0 %) reste inférieure au seuil (55 %) dans les scénarios de base et adverses ; seul la VA de la dette externe sur les exports (259 %) dépasse le seuil prudentiel (250 %) temporairement en 2020 dans le scénario de base.

Selon la Banque centrale, l’inflation est maîtrisée : sur les 10 dernières années, elle atteint 4,5 % en moyenne, restant dans la fourchette de 2 à 8 %[3]. Après 2,4 % en 2019, elle atteindrait 6,9 % en 2020.

Le Franc rwandais s’est déprécié. En septembre, par rapport au début d’année, il avait perdu 3,3 % de sa valeur par rapport au dollar et 9,5 % face à l’euro. En conséquence, les réserves de change, qui s’établissaient à 1440 MUSD en 2019 (5,8 mois d’importations), devrait diminuer en 2020 jusqu’à 4 mois d’importations, soit un niveau inférieur au seuil de convergence de la CAE (4,5 mois).

4. Secteur bancaire et environnement des affaires

En dépit de la crise, le secteur bancaire reste bien capitalisé et liquide. En juin 2019, le ratio de fonds propres CAR s’établit à 23,6 %, relativement stable depuis début 2019 (en moyenne 23,9 %) et supérieur à la limite de 15 %. Les banques rwandaises restent liquides malgré la crise, avec un Liquidity Coverage Ratio qui s’établit en juin 2020 à 252,8 %, largement au-dessus du seuil plancher national et des standards de Bâle 3 (100 %). Le taux de prêts non performants dans l’hôtellerie, qui atteignait 7,2 % en septembre 2018, s’était progressivement réduit,  à 5,6 % en juin 2019, et est stable depuis (5,5 % en juin 2020). Cette amélioration reflétait principalement une amélioration des taux d’occupation dans le secteur hôtelier (à 50 % en 2019 contre 20 % en 2018). L’effet de la crise n’est cependant pas encore perceptible à travers ce taux, des banques comme la Banque de Kigali en avril 2020, ayant pu annoncer la mise en place de période de grâce sur les remboursements de leurs clients.

Malgré une baisse de 9 places en 2020, à la 38ème place du Doing Business, le Rwanda reste le second mieux classé d’Afrique après Maurice, et le seul pays à revenu faible dans le top 50. Il performe dans le domaine des transferts de propriété (3ème) et l’obtention de prêts (4ème). Sur l’accès à l’électricité, il passe à la 59ème place contre 119ème deux ans auparavant. Toutefois, si le cadre législatif semble optimisé pour ce classement, de sérieuses difficultés demeurent : l’obtention d’un visa de travail pour les travailleurs étrangers, le manque de compétence du middle management de l’autorité fiscale (audits médiocres et de longue durée) et la très faible qualité de la main d’œuvre locale.

5. Situation géopolitique et gouvernance

Après la victoire du Front Patriotique Rwandais (FPR) en 1994, le Rwanda a entamé une politique de réconciliation nationale, faisant de la stabilité du pays et de l’unité nationale sa priorité. Le régime est dominé par le FPR dirigé par le président Paul Kagamé, de facto à la tête du pays depuis 1994. Président de la République depuis 2000, il a été réélu en 2017 avec 98,75% des suffrages, après un amendement voté par le parlement en 2015 l’autorisant à se présenter jusqu’en 2034. Ce dernier jouit d’une aura importante au Rwanda et en Afrique (présidence de l’Union Africaine en 2018-2019 et de la Communauté d’Afrique de l’Est en 2019). Son régime est cependant critiqué par certaines ONG internationales pour son autoritarisme et ses atteintes aux droits de l’homme.


[1] Selon l’article IV du FMI de 2019, l’indice d’accessibilité rurale (RAI) du Rwanda est de 52 sur 100, ce qui signifie que seulement la moitié de la population rurale vit à moins de deux kilomètres d’une route praticable toute l’année. Ce résultat est en deçà de la moyenne de 75 sur 100 pour les pays à revenus par tête et densité de population similaire équivalents.

[2] La dette publique inclut les engagements du gouvernement, des entreprises publiques et les garanties de l’Etat.

[3] Toutefois en 2016-2017, l’inflation est ponctuellement sortie de cette fourchette du fait de la sécheresse.

 

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