Situation économique et financière

Le Rwanda a renoué avec ses niveaux de croissance d’avant la crise de Covid-19. En 2021, la croissance du PIB rwandais a rebondi à +10,9 % (après une contraction de 3,4 % en 2020) et le PIB a crû de +6,8 % en 2022. L’économie rwandaise reste centrée autour de l’agriculture qui représente environ 55 % de l’emploi du pays et 25 % du PIB. Depuis plusieurs années le Rwanda se positionne comme une destination touristique haut-de-gamme lui permettant de connaitre une forte croissance du secteur des services. Néanmoins, l’étroitesse de son marché intérieur, son faible niveau éducatif et un secteur privé largement dépendant des pouvoir publics constituent autant de freins au développement du pays. La trajectoire de la dette s’améliore et reste très largement concessionnelle. La visite historique d’Emmanuel Macron à Kigali le 27 mai 2021 a permis un réchauffement des relations du pays avec la France. L’implication supposée du Rwanda dans les troubles dans la province du Nord Kivu en RDC interroge néanmoins.

1. Situation politique

Après la victoire du Front Patriotique Rwandais (FPR) en 1994, le Rwanda a entamé une politique de réconciliation nationale, faisant de la stabilité du pays et de l’unité nationale sa priorité. Le régime est dominé par le FPR dirigé par le président Paul Kagamé, qui est de facto à la tête du pays depuis 1994. Président de la République depuis 2000, il a été réélu en 2017 avec 98,8 % des suffrages, après un amendement voté par le parlement en 2015 l’autorisant à se présenter pour plusieurs mandats jusqu’en 2034. Ce dernier jouit d’une aura importante au Rwanda et en Afrique (présidence de l’Union Africaine en 2018-2019 et de la Communauté d’Afrique de l’Est en 2019). Son régime est cependant critiqué par certaines ONG internationales pour son autoritarisme et ses atteintes aux droits de l’homme.

S’il fait figure de fédérateur à l’échelle panafricaine, le Rwanda est régulièrement accusé de déstabiliser son espace régional. Il est notamment soupçonné de soutenir le M23, groupe armé accusé d’exactions dans la région du Kivu. Ce soutien masquerait notamment la défense d’intérêts économiques, la zone frontière étant un haut lieu du trafic de minerais, dont le coltan et l’or. Le conflit dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) constitue la principale source de tension régionale. Les relations avec le Burundi voisin demeurent compliquées tandis que celles avec l’Ouganda s’améliorent très fortement depuis 2022.

2. Éléments structurels sur l’économie

Entre 2010 et 2019, le Rwanda a enregistré la plus forte croissance de la Communauté d’Afrique de l’Est à 7,2 % en moyenne annuelle, grâce à des investissements publics massifs visant à faire du Rwanda un hub régional, d’abord logistique puis financier et d’innovation. Depuis 2012, le gouvernement mise sur la stratégie Meetings, Incentives, Conferences, Events and Exhibitions (MICE) pour attirer le tourisme d’affaires et s’est fixé des objectifs ambitieux d’amélioration des infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires.

Malgré cette forte croissance, le pays est exposé à des contraintes structurelles fortes, telles que son enclavement et l’étroitesse de son marché intérieur (13,3 millions d’habitants, PIB par tête de 958,4 USD en 2022). Le secteur agricole qui représente 24,1 % du PIB et emploie 54,7 % de la population est marqué par une faible productivité. La faiblesse du capital humain, particulièrement alarmante d’après la Banque mondiale[1], pénalise le développement du secteur privé. De surcroît, le niveau élevé d’investissement public (jusqu’à 12 % du PIB en 2018), qui alimente aujourd’hui la croissance, ne pourra être maintenu compte tenu de la trajectoire de la dette (voir plus bas). Le recours aux investissements privés apparaît donc indispensable. Pour l’encourager, le gouvernement s’est doté du Rwanda Development Board, agence en charge d’accélérer la transformation du pays via la promotion des IDEs, du tourisme d’affaires, médical et sportif, le développement du secteur privé et l’innovation.

Les progrès sociaux sont importants : le taux de pauvreté national est passé de 59 % en 2000 à 38 % en 2017[2], l’espérance de vie a progressé de vingt ans pour atteindre 67,1 ans en 2022[3], les taux de mortalité infantile et maternelle ont été divisés par cinq. Toutefois, de fortes inégalités persistent, soulignant le paradoxe du développement rwandais entre la vitrine Kigali et le reste du pays : l’indice de GINI (mesurant les inégalités) est à 0,44[4], soit le plus élevé de la CAE derrière le Soudan du Sud. En 2021, le pays a perdu 5 places dans le classement de l’IDH (0,53), devenant le 165ème pays sur 191.

3. Conjoncture économique et finances publiques

La croissance, portée par la consommation privée et l’investissement, devrait ralentir à 6,2 % en 2023 après 6,8 % en 2022[5], en raison de la poursuite de l'assainissement budgétaire et du resserrement de la politique monétaire (en mai 2023, le taux directeur était de 7,0 %, soit une hausse de 200 points de base en un an). L'inflation en moyenne annuelle devrait rester élevée à 14,5 % en 2023[6] (contre 13,9 % en 2022), dépassant largement le niveau de référence de la Banque centrale (BNR) de 5 %, principalement en raison de la persistance d'une forte inflation des denrées alimentaires au cours du premier semestre de l'année, de la forte demande domestique, notamment des importations, alimentée par la croissance robuste du crédit.

Le déficit de la balance courante devrait se creuser temporairement pour atteindre -13,2 % du PIB en 2023, contre -11,6 % du PIB en 2022. La forte demande d’importations couplée aux prix élevés des matières premières et au resserrement des conditions financières globales ont affaibli la position extérieure du Rwanda. Le change s’est déprécié de 8,3 % contre le USD en mars 2023 et les réserves de change sont passées de 4,9 mois en 2021 à 4,2 mois d'importations à la fin décembre 2022. Cette diminution des réserves érode la marge de manœuvre pour absorber les chocs via des interventions monétaires.

Le déficit budgétaire s’est résorbé à -6,5 % du PIB en 2022, après -7,0 % en 2021. Les recettes ont augmenté de 24,6 % du PIB en 2021 à 25,2 % en 2022, plus fortement que les dépenses qui sont passées de 31,6 % à 31,7 % du PIB en 2022. En 2023, le déficit devrait continuer de se résorber à -5,4 % du PIB.

La dette publique rwandaise s’inscrit dans une trajectoire à la hausse depuis quelques années, augmentant de 49,8 % du PIB en 2019 à 64,4 % du PIB en 2022 (elle représentait 19 % en 2010). Cette forte augmentation a valu un relèvement du risque de surendettement du pays de faible à modéré en juin 2020 par le FMI. La structuration de la dette rwandaise, largement détenue par les bailleurs multilatéraux[7] ou fortement concessionnelle justifie ce classement de modéré, alors que le ratio dette/PIB est l’un des plus élevé de la région.


[2] De 77 % à 56 % sur la même période selon la définition de la Banque mondiale (<1,90 USD/jour)

[3] Source : Nations Unies

[4] Les dernières données fournies par la Banque mondiale (2016) montrent une réduction graduelle de l’indice de Gini au Rwanda (47,2 en 2010, 45,1 en 2013 et 43,7 en 2013), il est donc probable que les inégalités se soient réduites entre 2016 et 2021.

[5] La Banque mondiale et les autorités rwandaises estiment la croissance du pays à 8,2 % en 2022.

[6] En avril 2023, l’inflation était de 28,4 % en g.a. au Rwanda, et de 17,8 % dans les zones urbaines (contre 35,9 % dans les zones rurales).

[7] La dette due à la Banque mondiale représentait 43 % de la dette externe du pays à fin 2022.

 
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