Situation économique et financière de la Russie

 

L’économie russe connait une reprise franche mais néanmoins insuffisante pour lui permettre de retrouver le sentier de croissance d’avant crise. Cette reprise est de surcroit soumise à plusieurs aléas baissiers très significatifs, liés à la situation épidémique interne, à la progression de l’inflation et aux risques économiques ou politiques émanant de l’environnement externe. L’économie russe bénéficie d’une forte stabilité macroéconomique et financière ; elle a néanmoins toujours devant elle d’importants défis structurels pour rehausser son potentiel de croissance, très faible pour un pays émergent.

1. Une reprise franche, insuffisante toutefois pour rattraper les pertes d’activité causées par la crise, et sur laquelle pèsent de nombreux risques

  • L’économie de la Russie a retrouvé au début du premier semestre 2021 son niveau d’activité pré-crise. Le PIB a augmenté de 4,8% en glissement annuel (g.a.) au 1er semestre 2021, principalement tiré par le rebond de la demande interne[i]. Sur cette même période, au 1er semestre, la production industrielle a augmenté de 4,4% en g.a. Le taux de chômage au sens du BIT a continué sa baisse entamée à partir de septembre 2020 et ressort à 4,3% en octobre 2021[ii]
  • Alors que les indicateurs conjoncturels ont montré au troisième trimestre un certain ralentissement, imputable notamment à l’atténuation de l’effet de base statistique, le consensus des prévisions d’activité pour l’année 2021 s’établit à 4,3%[iii]Sur les trois premiers trimestres de l’année 2021, l’activité a progressé de 4,6%. La reprise en Russie ne présente pas un profil « en V » : l’économie ne rejoint pas sa trajectoire de croissance pré-crise et le niveau de richesses produites se situe - et se situera dans les prochaines années - en-deçà du niveau qui aurait prévalu en l’absence de crise.
  • Plusieurs risques sérieux, d’ordre interne et externe, pèsent sur la reprise. Le premier est lié à la situation épidémique, dont la dégradation à l’automne, dans un contexte de faible taux de vaccination, a conduit de nombreuses régions russes et les autorités fédérales[iv] à prendre nouvelles mesures d’endiguement. Il n’est pas exclu que la Russie doive faire plus, dans les mois qui viennent, pour stabiliser le contexte épidémique. Le deuxième risque est lié au contexte inflationniste : les développements de l’inflation ne cessent de surprendre la Banque centrale et les analystes, la progression annuelle de l’indice des prix à la consommation atteignant ainsi 8,4% en novembre. La Banque de Russie a déjà relevé par sept fois ses taux directeurs en 2021 et d’autres hausses pourraient être nécessaires[v]. L’inflation fait en outre peser un risque en matière de pouvoir d’achat des ménages, dont la reprise (+4,1% sur la période janvier-septembre 2021 après un recul de 2,8% en 2020) pourrait être interrompue. Enfin, un troisième risque est lié à l’environnement externe de l’économie russe : d’un part le durcissement des politiques monétaires des pays développés pourrait avoir des conséquences pour les pays émergents en matière de flux de capitaux. Persiste par ailleurs un risque lié à l’adoption possible de nouvelles sanctions internationales à l’encontre de la Russie.
  • L’économie russe dispose toujours de marges de confort macro-économiques et financières appréciables. La reprise du commerce mondial et la croissance des cours des matières premières a entrainé une progression de l’excédent courant (qui atteint 5% du PIB sur 4 trimestres glissants). Les finances publiques conservent des marges de manœuvre considérables avec un budget qui devrait retrouver l’équilibre en 2021 (après un déficit de 3,8% du PIB en 2020) et une dette de 17,5% du PIB à fin octobre 2021. Les réserves de change et le Fonds souverain atteignent respectivement 622,5 Md USD et 185,2 Md USD au 1er décembre 2021[vi]. Le système financier a continué de soutenir l’économie pendant la crise via une distribution de crédit abondante et présente des indicateurs agrégés (solvabilité, profits, taux de prêts non performants) solides.    
2. Des défis en matière de réformes économiques de structure qui restent entiers pour cette économie au faible potentiel de croissance
  • La Russie ne semble pas avoir la capacité à tirer avantage de sa bonne résistance relative à la crise du Covid (récession de 3% en 2020) et de ses réussites en matière macro-financière pour améliorer son positionnement international, en raison du maintien d’une stratégie économique qui ne répond pas aux principaux défis en présence, qui sont essentiellement d’ordre microéconomique.
  • Avec un PIB de 1 473 Md USD en 2020, la Russie est la 11ème économie mondiale (vs. 8ème rang en 2013). L’économie russe souffre d’une croissance qui se réduit en tendance depuis une décennie en raison d’un affaissement probable de son taux de croissance potentiel (estimé à 1,6% par le FMI), dont les causes sont multiples : déclin démographique, faible productivité du travail, manque de disponibilité de main d’œuvre employable, manque d’investissement chronique, retard technologique.
  • Le climat des affaires en Russie représente également un obstacle à la progression des investissements et de la productivité par tête. Des mesures visant notamment à garantir le respect des droits de propriété semblent indispensables pour réduire l’incertitude pesant sur les décisions d’investissement. Par ailleurs, les politiques publiques en place de substitution des importations, de localisation de la production ne sont pas toujours compatibles avec la nécessité d’attirer les investissements étrangers (dont les flux ont en outre été fortement affectés par les sanctions internationales).
  • L’économie russe demeure excessivement dépendante des matières premières, le secteur extractif au sens large représentant 20% du PIB, autour de 40% des recettes du budget fédéral et plus de 60% des exportations[vii]  et du secteur public. Un défi majeur de la Russie est ainsi de parvenir à diversifier ses exportations. À cet égard, les sanctions internationales, réduisant l’accès des entreprises russes aux financements externes et aux technologies sont un facteur limitant.
  • La Russie s’est fixée des objectifs socio-économiques à horizon 2030, qu’elle doit atteindre par le biais d’un plan d’investissement public (les « projets nationaux ») qui représente une enveloppe de 2% du PIB par an. Ce plan vient d’être complété par 42 initiatives socio-économiques incluant des projets relatifs au système de santé et à l’assurance maladie, au système social, aux infrastructures sportives, à l’éducation, l’innovation, ou encore la transition écologique.   
  • D’importants enjeux sont associés à cette dernière thématique alors que la Russie a pris l’engagement d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2060 et de réduire ses émissions de CO2 de 60% d’ici à 2050. Dans ce cadre, les besoins d’investissement dans le cadre de la transition énergétique seraient selon différentes sources de l’ordre de 3% du PIB par an à horizon 2050. 

 

[i] L’investissement total en capital fixe a augmenté de 7,3% en g.a. au 1er semestre 2021, et les ventes de détail de 10,2%.

[ii] Il est ainsi actuellement inférieur à son niveau pré-crise.

[iii] Voir notamment l’enquête de la Banque de Russie http://www.cbr.ru/eng/statistics/ddkp/mo_br/#highlight=macroeconomic%7Csurvey. Les prévisions des IFI sont en ligne avec le consensus local pour 2021.  

[iv] Pour ce qui concerne les autorités fédérales, elles ont annoncé le 20 octobre 2021 une période de jours chômés, du 30 octobre au 7 novembre. En outre, un projet de mise en place d’un pass sanitaire, à partir de février 2022, est actuellement examiné par le Parlement.

[v] La dernière hausse, de 100 points de base, est intervenue le 17 décembre, portant le taux directeur principal à 8,50% contre 4,25% en début d’année.  

[vi] La part dite « liquide » du Fonds souverain (soit 113,3 Md USD) étant incluse dans les réserves de change.

[vii] En 2019. Nous nous référons à cette année, 2020 étant une année trop atypique. En 2021, les recettes pétro-gazières devraient selon les prévisions des autorités représenter 36% des recettes fiscales totales.

 

Clause de non-responsabilité - Le service économique régional s'efforce de diffuser des informations exactes et à jour, et corrigera, dans la mesure du possible, les erreurs qui lui seront signalées. Toutefois, il ne peut en aucun cas être tenu responsable de l'utilisation et de l'interprétation de l'information contenue dans cette publication.

Publié le