Situation économique et financière de la Serbie

 

La croissance a ralenti à +2,3 % en 2022, après +7,5 % en 2021, rebond post-Covid. Les flux d’IDE ont financé la hausse du déficit courant. La dette publique a diminué pour s’établir en-dessous de son niveau prépandémique tandis que le niveau des réserves a atteint un haut historique. L’inflation devrait néanmoins continuer de peser sur la croissance tandis qu’à plus long terme, la croissance potentielle du pays, bridée par le manque de progrès du point de vue de l’intégration régionale, ne permettra qu’un rattrapage lent vers le PIB moyen de l’UE.

1.La situation économique de la Serbie est saine dans l'ensemble. 

Après un rebond enregistré à +7,5 % en 2021, la croissance serbe a ralenti à +2,3 % en 2022. Au premier trimestre 2023, la croissance enregistre un timide regain, à +0,7 % en g.a. après +0,4 % au dernier trimestre 2022. L’inflation a quant à elle été enregistrée à +12,2 % en moyenne en 2022 (dont 65 % provenant des prix énergétiques et alimentaires) et diminue désormais à +11,5 % en g.a. en août 2022, après un pic à +16,2 % en mars 2023.

En 2022 la hausse des prix des importations (+34,8 % en g.a.), notamment énergétiques (+4,0 Mds EUR), a entrainé une détérioration du compte courant, de -4,2 % du PIB en 2021 à-6,9 % du PIB (-4,1 Mds EUR), qui a néanmoins été financé par les entrées nettes d’IDE, établies à 7,0 % du PIB (4,3 Mds EUR). Au premier trimestre 2023, les importations restent à un niveau comparable à celui enregistré en 2022 (à 10,9 Mds EUR ; +5,1 % en g.a.) mais les exportations de biens et de services ont augmenté (+15,5 % en g.a., 7,1 Mds EUR pour les biens +35,0 %, 2,9 Mds EUR pour les services). Les transferts ont augmenté également (855 MEUR ; +38,4 % en g.a.). Le déficit du compte courant a ainsi été divisé par plus de 10 par rapport à 2022, passant de -1 532 MEUR à -123 MEUR tandis les IDE ont continué de croitre +37,1 % en g.a. à 770 MEUR.

La dette publique s’est contractée de -1,4 pp en g.a. en 2022 à 55,1 % du PIB grâce, notamment, à une résorption du déficit public à -3,3 % du PIB contre de -4,6 % en 2021, soutenue par forte hausse des recettes publiques. Au premier trimestre 2023, la dette publique continue de diminuer pour s’établir en-dessous de son niveau prépandémique à 51,0 % du PIB. La dette extérieure s’établit quant à elle à 69,4 % du PIB (+1 pp en g.a.) tandis que les réserves ont considérablement augmenté, passant de 16,4 Mds EUR fin 2021 à un haut historique de 21,5 Mds EUR en avril dernier.  

En parallèle, le secteur financier s’est montré résilient. La qualité des actifs des banques s’est améliorée, les prêts non performants ayant diminué de -0,2 pp en g.a. à 3,0 % fin 2022.  En outre, les ratios de profitabilité et la liquidité ont augmenté.

2.L’inflation devrait néanmoins continuer de peser sur la croissance serbe à moyen terme.

Afin d’atténuer les effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages, un soutien budgétaire d’environ 2 % du PIB a été voté en 2022 (financement des pertes des entreprises publiques de l’énergie, revalorisation des retraites et aides pour les jeunes). De nouvelles mesures[1] estimées à environ 200 MEUR pour l’année 2023[2] ont été annoncées. Le revenu mensuel moyen des ménages a néanmoins diminué en termes réels de -6,5 % en g.a. à 78 393 RSD en 2022. Cette perte de pouvoir d’achat devrait perdurer à court terme. Au premier trimestre 2023, les salaires réels des ménages ont diminué de -0,4 % en g.a., ce qui devrait continuer de ralentir la consommation privée.

En parallèle, afin de contenir les anticipations d’inflations, la BNS a relevé à 15 reprises son principal taux directeur, de 1,0 % en janvier 2022 à 6,5 % en août 2023. En provoquant une hausse des taux d’intérêt appliqués aux entreprises, couplée à un contexte d’incertitude et de baisse d’activité, l’inflation a également pesé sur l’investissement privé, dont la contribution à la croissance a diminué à 1,8 % en 2022, après 2,5 % en 2021, et devrait de nouveau se contracter en 2023 à 0,6 %.

A noter que l’inflation intervient favorablement dans le cadre de la décrue du ratio de dette publique, en augmentant mécaniquement le dénominateur et les recettes publiques. Elle contribue également à accroitre les taux d’intérêt sur les bons du trésor serbe, qui ont atteint en janvier +6,5 % sur les obligations à 10 ans contre environ 3,0 % en 2021, mais le FMI anticipe que la charge de la dette devrait rester stable.

Selon les prévisions du FMI, le pays enregistrerait une croissance à environ +2,0 % en 2023 puis +3,0 % en 2024 tandis que l’inflation ralentirait à +8,2 % fin 2023 puis retournerait au sein de la bande cible de la banque centrale, à +4,0 % en 2024.

3.Le potentiel de croissance reste bridé par le peu d'intégration régionale. 

A moyen terme, le FMI anticipe que la croissance du PIB de la Serbie retourne à son potentiel, estimé à +4,0 % par an, n’assurant qu’une très lente convergence vers l’UE alors que, avec un PIB/habitant établi à 24,0 % de la moyenne de l’UE, le besoin de rattrapage économique de la Serbie reste important. Selon l’estimation de l’ALECE[3], une plus grande intégration régionale, qui représente également une condition préalable à l’entrée des Balkans occidentaux (BO) à l’UE, pourrait entrainer une croissance additionnelle de +6,7 % dans la région. Elle contribuerait également à atténuer les problématiques structurelles auxquelles la Serbie est confrontée et qui brident son développement. L’accès à un marché commun de 18 M de consommateurs favoriserait l’attractivité du pays pour les acteurs économiques alors que la Serbie souffre d’un manque d’infrastructures, et permettait de ralentir le déclin démographique du pays (induit par un fort taux d’émigration) en favorisant la compétitivité des entreprises, la création d’emplois et le pouvoir d’achat des consommateurs. De même, un marché de l’électricité intégré entre les six pays des BO permettrait de réduire l’impact de la mise en œuvre de la taxe carbone aux frontières de l’UE[4] (qui absorbe 63,0 % des exportations du pays) sur l’économie serbe, alors que le pays, grand producteur d’acier, enregistre une intensité énergétique près de 4 fois supérieure à celle de la moyenne de l’UE.

Outre l’accord de libre-échange ALECE auquel les pays des BO ont adhéré en 2006 et 2007, les initiatives visant à accroitre l’intégration régionale, se multiplient ces dernières années, animées par le processus de Berlin : Communauté de l’énergie (créée dès 2006), Conseil de coopération régionale, RYCO (programme de coopération régionale destiné à la jeunesse), Communauté des transports. Un plan d’action 2020-2024 pour la création d’un marché commun aligné sur les règles de l’UE[5] a été adopté en 2020. En 2022, toujours sous l’égide du processus de Berlin plusieurs accords ont été signés pour favoriser la mobilité régionale. Néanmoins, les flux de commerce intrarégionaux, qui représentent pour la Serbie 5,1 % des importations et 15,5 % des exportations du pays (resp. 18,5 % et 4,7 % en 2015), restent contraints par un niveau élevé d'obstacles non-tarifaires, difficultés d’évaluation de conformité des produits, temps d’attentes aux frontières[6], tandis que le pays continue de recourir aux restrictions d’importations. Il est attendu que la Serbie libéralise les mouvements de capitaux, supprime les restrictions à l’acquisition de terres agricoles et continue les travaux relatifs à la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. La modernisation d'infrastructures de transport reste par ailleurs un enjeu important.



[1] Revalorisation exceptionnelle des pensions et de certains salaires publics de 5,5 % à partir de respectivement octobre et septembre 2023), une allocation exceptionnelle de 10 000 RSD (environ 85 EUR) par enfant de moins de 16 ans ainsi qu’une hausse des bons tourismes (environ 20 MEUR).

[2] L’estimation total est de 550 MEUR selon le conseil fiscal

[3] L'Accord de libre-échange centre-européen

[4] Selon une étude de la communauté de l’énergie.

[5] Le marché commun régional devait assurer la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, y compris les aspects liés au numérique, à l’investissement, à l’innovation et à la politique industrielle.

[6] Selon la Banque mondiale, une réduction de trois heures du temps d'attente aux frontières des BO (UE et intra) équivaudrait à une baisse des droits de douane d'environ 2 %.


 

Publié le