Les équilibres extérieurs de la Serbie

 

En 2024, le commerce extérieur serbe a été marqué par des besoins d’importations en forte croissance, pour satisfaire la demande interne et alimenter les chantiers d’infrastructures en cours. Une tendance en partie compensée par des exportations elles-aussi en hausse, mais qui n’a pas empêché la détérioration du déficit commercial à près de 8 % du PIB. La Serbie fait bonne figure sur ses exportations traditionnelles : secteur automobile (pièces détachées), équipements électriques, pneumatique, agro-alimentaire ; tout en développant, grâce aux entreprises chinoises, sa filière cuivrière. Les partenaires européens de la Serbie, qui restent largement dominants, sont de plus en plus concurrencés par la Chine, qui a égalé l’Allemagne cette année à la tête des fournisseurs du pays.  

Un déficit commercial qui s’alourdit en raison de besoins d’importation croissants 

Le déficit commercial se creuse à 8,2 % du PIB. En 2024, le commerce extérieur de la Serbie a progressé de 6,2 % tous flux confondus, atteignant 69,5 Md EUR, ce qui représente désormais 83 % du PIB. La croissance des exportations (6,5 %) dépassant celle des importations (5,9 %), la couverture des entrées par les sorties de marchandises a progressé (78,2% contre 77,7 %). Les importations sont montées à 39 Md EUR et les exportations à 30,5 Md EUR, induisant un déficit commercial de 8,5 Md EUR. En comptabilité de balance des paiements, le déficit commercial (FAB-FAB) est de 6,8 Md EUR, soit 8,2 % du PIB, en amélioration par rapport à 2023 (8,8 % du PIB).

Les besoins d’importation croissent avec la hausse de la demande interne et le cycle d’investissement public. Les achats de biens de consommation durables et non-durables ont enregistré les plus fortes hausses cette année (resp. 15 % et 9 %), signe du pouvoir d’achat retrouvé des ménages serbes, avec la modération de l’inflation, et les hausses de salaires. Le gros des échanges concerne encore les biens intermédiaires, tant à l’import (35 % du total) qu’à l’export (43 %), reflétant l’insertion de la Serbie en milieu des chaînes de production industrielles (machineries, équipements électriques et mécaniques, pièces automobiles etc.). Les chantiers d’infrastructures en cours (en lien avec EXPO 27 ou plus structurels) ont nourri les besoins d’importations de biens d’équipements, qui ont augmenté de 11 %. Les importations d’énergie ont en revanche baissé (-12 %).

Malgré le ralentissement européen, les exportations industrielles se portent bien. Les exportations de machines et équipements industriels et de matériel de transport, qui pèsent environ 30 % du total, ont augmenté de plus de 6 %, contrairement aux premières estimations du SORS, qui chiffraient un reculde 4,3 %. La révision des données de juillet[1] révèle que le segment des véhicules automobiles a été particulièrement performant (+17 %, vs -14 % initialement) ; il reste toutefois reste déficitaire (-575 M EUR). La Serbie est compétitive sur d’autres lignes de produits : pneumatiques, métallurgie, machines électriques, équipements de distribution d’électricité, etc. Parallèlement, le secteur agricole et alimentaire est solide (+12 %), grâce aux exportations de fruits, légumes et céréales serbes, représentant 12 % des exportations totales. Les secteurs extractifs ont porté la hausse des exportations cette année, avec en première ligne le cuivre, dont les exportations ont grimpé de 2,3 Md EUR à 3,4 Md EUR (+ 1 Md EUR pour le cuivre raffiné) et pèsent désormais plus de 10 % du total (contre 7,5 % en 2023), résultat des investissements chinois dans ce secteur depuis 2018. Les exportations d’électricité sont en recul (de près de 50 %), en raison d’un effet de base mais aussi d’une baisse de la production hydroélectrique liée à la sécheresse ; le solde reste légèrement excédentaire (32 M EUR contre 491 M EUR en 2023).

L’UE reste le premier partenaire commercial de la Serbie, mais son influence diminue au profit de la Chine

La part de l’UE dans le commerce serbe reste dominante, représentant 62 % des exportations et 56 % des importations. Ces proportions sont néanmoins en baisse, à son pic, la part de l’UE atteignait 67 % des exportations serbes en 2018, et 63 % des importations serbes en 2016. Au sein de l’UE, l’Allemagne (15,5 % des exportations, 13,1 % des importations), l’Italie (5,7 % et 7,1 %), la Turquie (3,4 % et 5,3 %) la Hongrie (4,7 % et 4,3 %) sont les partenaires principaux de la Serbie. Avec l’Allemagne, l’Italie et la Turquie les échanges sont diversifiés, et témoignent de l’intégration de la Serbie à leurs chaînes de valeur manufacturières, notamment automobiles et textiles, tandis qu’avec la Hongrie, les échanges sont plus concentrés (importations de pétrole et d’électricité).

La Chine fait désormais jeu égal avec l’Allemagne en tant que premier fournisseur de la Serbie. Cette année, la Chine, a rattrapé la part de marché allemande dans les importations serbes (13,1 %), elles partagent la place de premier  (5 Md EUR, contre 1,5 Md EUR en 2015), avec un panier de produits relativement diversifiés (mais dominé par le matériel téléphonique et informatique). Les importations de marchandises chinoises ont grimpé de 14 % en 2024, première année de mise en œuvre du traité de libre échange entre les deux pays signé en octobre 2023. Dans le même temps, la Chine est devenue un marché d’exportation de premier ordre pour la Serbie (6 % du total), dépassant même l’Italie à la 3e place des débouchés, sur la base, cette fois, d’un panier monolithique (93 % de minerais de cuivre ou produits cuivrés). Zijin Mining et JCHX Mining, qui exploitent le bassin minier de Bor depuis 2018, ont relancé cette industrie en perte de vitesse, propulsant les exportations de cuivre de 1,5 % des exportations totales 10 %. En 2018, les exportations vers la Chine étaient inférieures à 100 M EUR ; elles s’élèvent à 1,8 Md EUR en 2024.

Hors-UE et Chine, la Serbie entretient des relations commerciales privilégiées avec ses voisins des Balkans occidentaux et avec la Turquie. La Bosnie-Herzégovine demeure le 2e débouché pour les marchandises serbes avec 6,7 % du marché, et, pris dans leur ensemble, les Balkans occidentaux représentent 15 % des exportations serbes (dont 4,5 % pour le Monténégro). Les importations en provenance de Turquie, avec qui la Serbie a signé un ALE en 2010 (mis à jour en 2019) sont en progrès notable, enregistrant une hausse de 20 % ; elles atteignent donc 2 Md EUR, et dépassent désormais 5 % de parts de marché.

Dans la balance des paiements, le déficit commercial est compensé par les ventes de services et les IDE
 
Malgré l'allègement du déficit commercial (de 9 à 8 % du PIB), le déficit courant s'est creusé (de 4,7 % du PIB contre 2,4 % du PIB en 2023), notamment en raison de la hausse des versements de dividendes au compte de revenu primaire et de la dégradation de l'excédent dans les services. Les importations de services se sont accrues (+17 %), en particulier pour les services touristiques et financiers, poussant l'excédent du poste à la baisse (de 4,1 % à 3,3 % du PIB). Les transferts de la diaspora ont reculé (- 3 %) pour atteindre 4,5 Md EUR (5,4 % du PIB, contre 6,1 % en 2023). Depuis 2023, les flux nets de compensation des employés à l’étranger sont négatifs (mais minimes : 0,1 % du PIB) alors que les paiements de travailleurs étrangers en Serbie augmentent (travailleurs chinois, immigration pour compenser la pénurie de main d’oeuvre). Les entrées d’IDE ont continué de croître en 2024, s’élevant en termes nets à 4,6 Md EUR (soit  5,6 % du PIB), contre 4,3 Md EUR en 2023 (5,7 % du PIB), et financent intégralement le déficit courant.

[1] SORS, l’Institut serbe de Statistiques, a conduit une révision des données du commerce extérieur pour l’année 2024, intégrant des flux encore non comptabilisés provenant des zones franches, en raison de l’introduction de nouvelles procédures douanières.

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